Quelques questions sans façons à Marine Schneider : entre ours et blaireaux, rythmes et couleurs, livres et goûts des petits et des grands. 

Marine Schneider est une artiste que les habitués de Tropismes connaissent bien. Nous avons toujours un coup de cœur pour ses livres et nous avons eu la chance de la recevoir quelquefois pour des séances de dédicace. Nous l’attendions en mai pour fêter la parution de « Grand ours, Petit ours », un livre tout-carton édité chez Cambourakis... Le virus en a décidé autrement. C’est par un jeu de questions-réponses virtuelles que nous vous invitons à découvrir son travail actuel.

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Marine, ton nouveau livre, met en scène Grand ours et Petit ours, un parent et son enfant. Tu as toi-même un petit garçon de presque deux ans et tu observes, certainement, ce qui le séduit. Est-ce que cela t’a servi pour créer ce livre ?

Oui ! Ce livre m’a été vraiment dicté par Ellis. Pendant toute la première année de sa vie, j’ai eu en tête de faire un livre sur ce sujet mais je ne savais pas très bien la tournure que ça prendrait. Et puis voilà qu’un jour, je buvais mon café, le matin, il voulait prendre ma tasse, et je lui ai dit : « Pas de café pour Petit ours ! ». A partir de là, j’ai eu l’idée de cette comparaison Grand ours/Petit ours, pour essayer d’expliquer tout l’amour qu’il peut y avoir entre deux personnes, petits et grands, parents et enfants. Il y a des choses que l’on partage, par exemple une maison : on habite au même endroit. Et puis il y a des choses qu’on ne partage pas, un doudou, une brosse à dents... Avec cette opposition, ces deux images-là, très simples, on peut déjà exprimer beaucoup de choses à un petit enfant.

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« Grand ours, Petit ours » est un livre plein de malice qui joue sur l’effet grand/petit mais qui joue aussi avec les surprises et l’inattendu. Finalement, l’humour existe-t-il chez les tout-petits ?

Je ne sais pas trop si ce livre-là fait rire Ellis. Ce qui le fait rire c’est quand des situations du livre se retrouvent dans notre quotidien Par exemple avec la brosse à dents : il essaie de me brosser les dents, ça le fait rire et moi je lui dis « C’est la brosse à dents de Maman ours, Petit ours ! » ou encore avec le café : il sait très bien que je vais lui dire « Pas de café pour Petit ours ! » et ça l’amuse. Je pense que ce qui amuse les tout-petits, en tout cas je vois Ellis qui joue avec ça, ce sont les répétitions. La même chose peut les faire rire un milliard de fois ! Je pense que ce sera la même chose avec tous les enfants. Ellis se souvient de quelque chose et quelques jours plus tard il va ressortir la « blague » ! Il est très, très drôle, il a beaucoup d’humour, c’est un vrai clown.

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Oui c’est vrai que l’attente d’un « gag » connu, sur la page d’un livre, fait les délices des tout-petits. Ils attendent la phrase ou l’intonation rigolote, le parent qui imite le cochon, qui aboie, ils savent que ça va arriver à un certain moment du livre et on voit bien qu’ils en ont énormément de plaisir. Mais justement, « Grand ours, Petit ours » est aussi remarquable par son rythme : un livre destiné aux tout-petits dans lequel le texte, l’ « histoire » sont forcément assez brefs, tient essentiellement par son rythme. Comment as-tu travaillé cet aspect-là?

Honnêtement c’est venu très naturellement, je pense que j’ai écrit le texte en une heure! Bien sûr il a fallu le peaufiner après ça, mais les situations que je voulais exploiter se sont mises en place très vite dans ma tête. Au niveau du rythme je me suis dit que ça pourrait être comme une journée-type : on commence par le café et on finit par se mettre au lit, ce qui crée d’emblée une narration. C’est vraiment venu très instinctivement : peut-être qu’à force de lire des histoires à mon fils, j’ai vu ce qui fonctionne. Je ne l’ai pas fait de façon consciente, mais je l’ai probablement utilisé dans « Grand ours, Petit ours ».

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Et puis le langage plastique de « Grand ours, Petit ours » est particulièrement réussi. Tes images diffèrent bien sûr de tes albums précédents, destinés à des lecteurs un peu plus grands. Comment les tout-petits perçoivent-t-ils les images et les couleurs ? Est-ce que tu t’es consciemment adaptée à leur regard ?

Je suis attirée par les sérigraphies, les images épurées comme celles de Dick Bruna par exemple, un auteur que j’aime beaucoup. J’avais très envie depuis longtemps d’essayer ce genre de choses. Mais je ne me suis pas dit : puisque c’est un livre pour les tout-petits, je vais faire des images en aplat, très vives... Même si ça fonctionne évidemment bien ! En fait j’avais envie d’utiliser un certain de type de matériel . J’ai travaillé avec de la peinture acrylique que j’ai rendue très opaque en mettant plusieurs couches. Pour la petite anecdote, c’est Bernadette Gervais - un autre visage bien connu chez Tropismes ! - qui m’a initiée à cette technique. J’avais très envie de travailler les aplats et ceux qui connaissent mon travail savent que j’ai vraiment une passion pour la couleur ; ces peintures-là sont tellement belles qu’il y a vraiment moyen de s’amuser, de jouer avec les contrastes et les mariages de couleurs... Evidemment c’est une technique qui se prête bien aux livres pour les tout-petits, même si mon fils, en fait, adore les livres avec beaucoup de détails. Il adore se perdre dans les images pendant des heures et c’est quelque chose qu’on peut faire à tout âge... Bien sûr si on parle d’un bébé de quelques mois, une image toute simple, centrée sur l’action, sur ce qu’on veut faire comprendre, aide énormément.
J’avais lu que les tout-petits voient le noir le blanc et le rouge ; ce que j’ai appris plus tard c’est qu’ils perçoivent surtout les contrastes, mais pour ce livre je n’avais pas ça en tête. Je me suis juste dit que les couleurs vives étaient forcément attirantes, quel que soit l’âge : même un adulte qui se balade dans la rue et qui voit un mur peint de couleur très vive, est attiré. C’est donc simplement une façon d’accrocher le regard, de se concentrer sur l’image peut-être un peu plus longtemps.

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Et si on te demandait de créer une « bibliothèque idéale » pour des enfants d’un ou deux ans, quels livres achèterais-tu ?

Le livre que j’achèterais sans hésiter c’est « Un train passe » de Donald Crews, publié à l’école des loisirs. C’est un classique dans la bibliothèque d’Ellis et je pense que c’est celui qu’il choisit le plus. J’aime aussi énormément « Coucou » de Lucie Félix aux éditions des Grandes personnes. C’est un livre pour les tout-petits, une sorte de livre-jeu, en accordéon qui joue avec les couleurs, les transparences, les formes géométriques. Nous, on l’installait autour du tapis d’éveil d’Ellis. Déplié, on peut presque entourer le bébé avec, pour qu’il puisse voir le monde à travers les couleurs transparentes ! C’est très, très chouette. Après, pour un enfant plus grand, je pense à « Un peu perdu » de Chris Haughton chez Thierry Magnier, un vrai classique. Ellis connait l’histoire par cœur, parfois je le surprends en train de se raconter le livre à lui-même, il le mime, c’est hyper mignon ! Et puis je pense qu’il ne faut pas avoir peur de proposer aux enfants des choses peut-être un peu plus complexes, un peu plus fragiles aussi. On peut les accompagner dans la lecture. Ellis a sa bibliothèque à lui, avec ses livres en carton et puis on a une bibliothèque tous ensemble. Là, il y a peut-être des livres un peu plus fragiles, on s’assied dans le fauteuil et on les lit ensemble, on les observe ensemble. Je pense en particulier aux livres de Bernadette Gervais. Ellis est son fan n°1 ! Il adore tous les livres de Bernadette, avec les pochoirs, les animaux en pop-up. Et maintenant, si je pense aux animaux, il y a aussi l’imagier de François Delebecque, « Les animaux de la ferme » aux éditions des Grandes personnes. Celui-là marche du tonnerre, il montre des animaux en photo, avec un jeu de caches, les enfants adorent regarder ce qui se passe derrière les petits volets. C’est une super façon pour eux de découvrir des animaux qu’ils vont voir, par exemple s’ils se promènent à la campagne et en même temps il y a ce jeu de caché/découvert. Mais si je commence à penser à des livres, je pourrais ne jamais m’arrêter !

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Tu travailles à un nouveau projet qui met en scène un petit blaireau. Tu veux bien nous en dire quelques mots ?

En réalité, ce livre est déjà terminé. C’est le premier livre que j’ai fait pour les tout-petits, peut-être pour des enfants un peu plus grands que « Grand ours, Petit ours », à partir de dix-huit mois ou deux ans, c’est toujours difficile de donner un âge. Pour ce projet je me suis lancée pour la première fois dans un tout-carton et il va être publié chez Pastel, au mois de septembre. Il raconte d’une façon un peu déjantée, pleine d’humour, la journée d’un blaireau qui s’appelle... Blaireau, tout simplement. Il commence par : « Blaireau lève tôt/ Blaireau sous l’eau. Blaireau chapeau/Blaireau tout beau ! » Voilà, je pense qu’il y a aussi un rythme qui va amuser les petits, capter leur attention. Et puis je me suis bien amusée, même si ce n’est pas ce que je trouve le plus facile, de faire des livres rigolos ! Mais j’espère que celui-ci est aussi poétique, je pense que oui. Et si on peut ajouter de l’humour, c’est chouette. J’espère qu’il plaira aux enfants et aux grands, j’ai hâte de l’avoir entre les mains et de voir sa vie en librairie et dans le monde, après....

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 (Entretien : Anne de Bardzki, mai 2020)

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