Lettres d'Islande

Ed. Anatolia/Rocher
Date de publication : 01/05/2006
Ce livre de voyage, aussi divertissant qu'inattendu, est le fruit d'une joyeuse tournée qu'entreprirent deux jeunes poètes anglais, W. H. Auden et Louis MacNeice, en Islande, à l'été 1936. Les lettres qu'ils envoient au pays, en vers et en prose, débordent de blagues, de jeux de mots, de commentaires irrévérencieux sur tout et tout le monde - les gens rencontrés, la politique, la littérature, les idées de leur temps...
Lettres d'Islande est certainement l'un des livres les plus distrayants qu'ait produits la littérature moderne. De la «Lettre à Lord Byron» d'Auden, poème fondateur d'une modernité explosive, jusqu'à l'«Églogue», concocté par MacNeice, et au «Testament et dernières volontés» qu'ils composent à quatre mains, la gaieté, la malice qu'ils déploient au fil des pages est irrésistible et fait de cet ouvrage un classique du XXe siècle.
Me voilà à présent à mille milles de chez moi.
Qui je suis ? Peu importe. Désormais, je suis seul.
À ce qu'on me raconte, je ne comprends plus rien
Et il me faut tendre l'oreille, comme un chien,
Pour deviner, au ton, le sens du message.
Je ne suis guère doué pour les autres langages...
Et ici, point de lexique, point de répétiteur
Pour dans mon esprit éveiller quelque lueur.
L'idée, donc, m'est venue d'écrire cette lettre.
Aujourd'hui (j'aime à préciser le moment et le lieu)
En plein désert ; l'autocar faisait route
De Mothrudalur vers Dieu
Sait où ; les larmes ruisselaient sur mes joues en feu ;
À Akureyri, j'avais attrapé un rhume carabiné,
Le déjeuner se faisait vraiment trop désirer
Et la vie paraissait bien peu appétissante.
Présentation de l'éditeur
Autre extrait :
Lettre de Graham et Anna Shepard
Reykjavik, 16 août 1936
A Graham et Anna, du fin fond des solitudes arctiques
J'envoie cette lettre à Londres, huitième arrondissement,
Espérant qu'en cette ville tout aille aimablement,
Que Pauli soit sans vers, et que la cuisinière
Cuisine comme vous voulez ; me voici débarqué,
Sans trop de mal de mer, au port de Reykjavik.
J'avais pris la seconde : le manque d'air est un hic,
Mais il y a beaucoup d'hommes et, lorsque j'ai vu
Les passagers de première, j'ai tout de suite su
Que j'avais très bien fait. Les repas étaient bons :
De l'agneau, des fromages et beaucoup de poisson,
Jambons, saucisses, confitures, cornichons doux, saumon
fumé, gaffalbitar, bref, rien que du scandinave,
Et sussi du pain de seigle, ah, et de la betterave.
Me voici en ces lieux ignorés des Romains,
Laissés au colonisateur - viking - et puis aux saints
Venus d'Irlande. Mais que fais-je donc ici ? Dans cette galère
De roches volcaniques, de ciels bas et gris, que suis-je venu faire ?
Lettres d'Islandes, pp.30-31