Louise Glück, se tenant à l'écart du courant américain de la poésie confessionnelle, compose des recueils polyphoniques où le je n'est jamais réductible à une seule identité, mais où chacune des voix participe à un vaste ensemble poétique. Dans Meadowlands s'entrecroisent ainsi celles des protagonistes de L'Odyssée, dans une réécriture du mythe qui laisse la part belle aux personnages secondaires - Télémaque, Circé, Pénélope -, et celles d'un homme et d'une femme d'aujourd'hui, au bord de la rupture. De cette confrontation entre l'atemporel et le contemporain, Clück tire un champ magnétique d'une rare puissance, une poésie au pouvoir de suggestion nouveau.
H.D. (Hilda Doolittle, 1886-1961) est une des figures les plus fascinantes de la poésie américaine. Adoubée en tant qu'« Imagiste » au début du XXe siècle sous son pseudonyme par Ezra Pound, elle sut trouver sa propre voie, en une époque tourmentée.
Hélène en Égypte est le dernier poème de H.D., celui du bilan d'une destinée singulière, aux épisodes dramatiques aboutissant à une sorte de « joie ardente », celle de la consumation de soi au brasier de l'amour, destruction et régénérescence permanentes à laquelle l'oeuvre en chantier ininterrompu permet d'accéder. Ce poème tient de la tragédie antique où les protagonistes prennent successivement la parole. H.D. se regarde écrire ce que sa vie lui a donné à vivre - des êtres fabuleux à croiser et à sonder, des actes à entendre en leurs résonances intimes, des symboles - images, mots, sons permettant d'établir la communication entre les êtres et les actes, entre affect et entendement -, correspondances à établir afin que la clarté advienne. Outre la fréquentation de poètes et d'écrivains majeurs de son temps (Pound, D.H. Lawrence, W.C. Williams), H.D. s'est nourrie de la lecture des Anciens (Euripide, Théocrite).
Recueil de poèmes en vers libres, en prose ou inspirés de la forme du haïku, dans lesquels la chanteuse livre ses pensées les plus intimes et évoque ses influences, notamment Sylvia Plath. L'ouvrage affecte la forme du tapuscrit des textes et est richement illustré de photographies. Le texte anglais du recueil figure en fin de volume.
Résonnant comme un testament littéraire, cette anthologie est le fruit d'une sélection toute personnelle d'Etel Adnan : Saisons, Mer et Brouillard, Nuit, Surgir, Déplacer le silence, cinq recueils constituant la quintessence de son oeuvre poétique. L'écrivaine y livre ses méditations sur le monde, les mythes, l'histoire, l'amour, le silence, le langage, l'avancée dans l'âge, la contemplation de la nature, la quête de la beauté, la mort ou encore la renaissance. Mêlant poésie, prose et philosophie, elle propose une exploration fragmentaire de la réalité, questionne la condition humaine et tente de concilier la mémoire et le temps.
Une femme, égérie des sixties, attend un homme dans un hôtel. Depuis qu'elle n'est plus vraiment célèbre, attendre est devenu son lot. Un homme d'affaires s'oublie sous substances chimiques dans des boîtes de nuit saturées de disco. Un pilote automobile est à l'agonie dans son bolide détruit, les images du crash tournent en boucle devant des téléspectateurs ébahis. Les personnages de cette fiction en sept tableaux sont lancés dans une course folle, en proie à des expériences extrêmes et addictives (la célébrité, la drogue, la vitesse, l'exhibition). Mais nous, qui désirons toujours davantage d'infos, qui rêvons d'en savoir plus, de quoi sommes-nous dépendants ?
Dans Rouge Doc, Anne Carson poursuit les aventures de Géryon, l'antique monstre aux ailes rouges tombé amoureux d'Héraklès, vingt ans après les fulgurances volcaniques de leur « romance en vers » dans Autobiographie du rouge. Toujours encombré de ses ailes carmin, Géryon - désigné par la lettre « G » - a renoncé à son autobiographie pour veiller sur son troupeau de boeufs musqués. Quand il retrouve Héraklès - devenu « Sad But Great », un vétéran de guerre - et rencontre Ida, commence un road trip vertigineux, à la lisière du rêve éveillé. Au coeur d'un glacier rempli de chauves- souris, leur errance minérale dresse une cartographie des paysages émotionnels traversés, comme un cortex vibrant de sensorialité.
L'oeil du moine, composé de 33 poèmes solaires, tisse souvenirs et songes, images et sensations, empreintes et chimères. On y retrouve les immortels de Cees Nooteboom - ferries, matelots, ressac, bestiaires, formes minérales et espèces végétales, dans une somptueuse contemplation de la beauté des paysages, intimes et géologiques.
Un jeune garçon, baskets aux pieds et écouteurs sur les oreilles, se promène en forêt. D'un coup de bâton, il délace l'union de deux serpents. Il est aussitôt transformé en femme. Ainsi débute son errance sublime d'être en être, se délestant de sa peau pour une renaissance à soi. Entre influences mythologiques et rythmes hérités du hip-hop, Kae Tempest déploie une traversée de l'être humain dans ce poème inspiré de la vie de Tirésias. Un conte contemporain, sensuel et hypnotique, sur les sentiers des forêts antiques, où se rencontrent des êtres riches d'une sensualité non normée. Un hymne à l'amour.
Si Goliarda Sapienza est connue pour ses romans, et notamment son chef-d'oeuvre L'Art de la joie, ses premiers écrits étaient des poèmes.
Longtemps rejetés par les éditeurs italiens, ce n'est qu'en 2013 qu'ils ont été publiés pour la première fois. Écrits dans les années cinquante, on retrouve dans ces textes imprégnés de mélancolie, de solitude et de désir, la mythologie personnelle de l'auteure et les motifs qui parcourront par la suite l'ensemble de son oeuvre.
Derrière tout grand roman, tout grand film, toute époque, aussi, et surtout la nôtre, il y a l'Odyssée. Alors, pour mieux voir, au cinéma de l'Aveugle Homère, les mésaventures du plus célèbre vagabond de la littérature, il faut peut-être mieux entendre, en français d'aujourd'hui, les mille bruits que fait la vieille langue grecque. C'est l'expérience de « vision vocale » que tente, dans la présente « version française », l'helléniste, récitant et musicien, Emmanuel Lascoux. (présentation de l'éditeur)