Les villes de la plaine

Les villes de la plaine
Meur Diane
Ed. Sabine Wespieser

Dans une civilisation antique imaginaire, mais qui éveille en nous un curieux sentiment de familiarité, le scribe Asral se voit chargé de produire une copie neuve des lois. Grâce aux questions naïves de son garde Ordjéneb, il s’avise bientôt que la langue sacrée qu’il transcrit est vieillie et que la vraie fidélité à l’esprit du texte consisterait à le reformuler, afin qu’il soit à nouveau compris tel qu’il avait été pensé quatre ou cinq siècles plus tôt.
Peu à peu, cependant, le doute s’installe. Qui était Anouher, législateur mythique dont on a presque fait un dieu ? Ces lois qui soumettent à un contrôle de chaque instant la vie publique, les relations privées et jusqu’au corps des femmes, sont-elles toutes de sa main ? Et Asral a-t-il plus de chances de le savoir un jour que de se faire aimer de Djinnet, un jeune chanteur du faubourg des vanniers ?
C’est tout le talent de Diane Meur que de nous faire réfléchir aux grandes questions de la religion et de nos systèmes politiques par le biais de ce récit haletant, où souffle un vent de liberté jubilatoire et contagieux. Nous suivons Asral dans sa quête, et Ordjéneb dans sa progressive initiation, avec le même plaisir que nous voyons se déliter l’un après l’autre les traditions et les rituels de cet ordre social rigide. Les suivrons-nous jusqu’au bout ? Ou préférerons-nous retomber en proie à la fascination du mythe, comme ces archéologues prussiens que nous découvrons, vers 1840, en train d’exhumer les premiers vestiges de la ville disparue ?
Entre drame et satire, roman d’amour et fable rationaliste un peu folle, se trouve ici campé un univers qu’on quitte à regret, et qui ne dépaysera pas trop les lecteurs de La Vie de Mardochée et des Vivants et les Ombres.

Cheyenn

Cheyenn
Emmanuel François
Ed. Seuil

Qui était Sam Montana-Touré dit Cheyenn, cet Indien des villes dont on retrouva le corps au fond d'une usine désaffectée ? Il est mort enfermé dans son monde. Personne ne peut témoigner sur sa vie, sa quête, sa folie. Seules subsistent de lui quelques séquences muettes extraites d'un film documentaire consacré aux sans-abri. Longtemps après les avoir filmées, le cinéaste est hanté par ces séquences. Il souhaiterait leur redonner vie. Il voudrait traverser l'image de Cheyenn, filmer le « hors champ » de l'image et tenter de rendre à cet homme sa part d'humanité perdue. Ce livre est le récit de cette entreprise étrange et obstinée. Plus le cinéaste enquête, revisite les lieux, recherche les traces, plus il entre au coeur de la lancinante question que lui adressait Cheyenn de son regard silencieux.

Le système Victoria

Le système Victoria
Rheinhardt Eric
Ed. Stock

« Si j'avais renoncé, à cet instant précis, à lui adresser la parole, intimidé par la perspective de faire entrer dans ma vie une femme de cette stature ; si je lui avais dit : « Excusez-moi, je suis désolé, je vous ai prise pour quelqu'un d'autre », avant de m'éloigner et de rentrer chez moi ; si j'avais pu savoir que l'aborder entraînerait mon existence dans une direction où je n'étais pas sûr de désirer qu'elle s'aventure, Victoria n'aurait pas trouvé la mort un peu moins d'un an après notre rencontre. Elle serait encore vivante aujourd'hui. Je ne vivrais pas retiré dans un hôtel de la Creuse, au bord d'une route, séparé de Sylvie et des enfants, à ruminer ma culpabilité. Je n'aurais pas été détruit par le rôle que j'ai joué dans ce drame, ni par les deux jours de garde à vue qui en ont découlé. Le visage, les regards, la pitié de Christophe Keller ne se seraient pas installés dans ma conscience comme une obsession corrosive. Mais il se trouve que le visage de Victoria s'est tourné vers le mien et que j'ai basculé dans ce regard qui s'étonnait. »

Rouler

Rouler
Oster Christian
Ed. L'Olivier

«J'ai pris le volant un jour d'été, à treize heures trente.»

On ne sait pas grand-chose des raisons qui poussent le narrateur à quitter Paris et à rouler en direction de Marseille, ville qui s'est imposée à lui comme un mot plus que comme une destination. Le seul besoin de fuir ? Ce serait trop simple. N'a-t-il pas plutôt l'intuition que c'est justement en s'en remettant au hasard que la vie peut enfin apporter du neuf ?

«La géographie n'a jamais été mon fort», apprendrons-nous plus loin. Avec ce road novel d'un genre très particulier, Christian Oster signe l'un de ses romans les plus forts.

Des vies d'oiseaux

Des vies d'oiseaux
Ovaldé Véronique
Ed. L'Olivier

Quand sa fille Paloma déserte sans prévenir la somptueuse villa familiale, Vida Izzara croit en deviner la raison : elle serait partie avec son amant vivre une vie moins conventionnelle. Jusqu'au jour où Vida comprend que c'est elle aussi que Paloma fuit. Aidée par Taïbo, qui enquête sur un couple de jeunes gens habitant clandestinement les demeures inoccupées de la région, elle part à la recherche de sa fille. Ce périple la conduira de l'Irigoy de son enfance aux recoins secrets de son coeur.

Les vies d'oiseaux, ce sont celles que mènent ces quatre personnages dont les trajets se croisent sans cesse. Chacun à sa manière, par la grâce d'un nouvel amour, est amené à se défaire de ses liens - conjugaux, familiaux, sociaux - pour éprouver sa liberté d'exister.

Dans un avion pour Caracas

Dans un avion pour Caracas
Dantzig Charles
Ed. Grasset

« La vie, c'est un voyage dans le ventre d'un avion où, pour se distraire de ses douleurs, on regarde par les hublots. Ce roman commence quand un Boeing décolle pour Caracas et s'achève au moment où il va atterrir. Entre les deux, le narrateur, parti chercher son meilleur ami qui a disparu au Venezuela, regarde par les hublots de sa vie.

Il est question d'amitié. Son ami lui en a dit des choses violentes.

Il est question de sexe. Son ami a été abandonné par sa compagne.

Il est question de politique. Son ami est allé enquêter sur Hugo Chávez.

Il est question de noms, de rire, d'amour, de petits bruns, d'océans, du populisme qui submerge le monde comme une marée, de tout ce qui se passe durant un long trajet en avion.

Il est question de nous. »
Ch. D.

Retour à Killybegs

Retour à Killybegs
Chalandon Sorj
Ed. Grasset

« Maintenant que tout est découvert, ils vont parler à ma place. L'IRA, les Britanniques, ma famille, mes proches, des journalistes que je n'ai même jamais rencontrés. Certains oseront vous expliquer pourquoi et comment j'en suis venu à trahir. Des livres seront peut-être écrits sur moi, et j'enrage. N'écoutez rien de ce qu'ils prétendront. Ne vous fiez pas à mes ennemis, encore moins à mes amis. Détournez-vous de ceux qui diront m'avoir connu. Personne n'a jamais été dans mon ventre, personne. Si je parle aujourd'hui, c'est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu'après moi, j'espère le silence. »
Killybegs, le 24 décembre 2006 Tyrone Meehan

L'art français de la guerre

L'art français de la guerre
Jenni Alexis
Ed. Gallimard

J'allais mal ; tout va mal ; j'attendais la fin. Quand j'ai rencontré Victorien Salagnon, il ne pouvait être pire, il l'avait faite la guerre de vingt ans qui nous obsède, qui n'arrive pas à finir, il avait parcouru le monde avec sa bande armée, il devait avoir du sang jusqu'aux coudes. Mais il m'a appris à peindre. Il devait être le seul peintre de toute l'armée coloniale, mais là-bas on ne faisait pas attention à ces détails.

Il m'apprit à peindre, et en échange je lui écrivis son histoire. Il dit, et je pus montrer, et je vis le fleuve de sang qui traverse ma ville si paisible, je vis l'art français de la guerre qui ne change pas, et je vis l'émeute qui vient toujours pour les mêmes raisons, des raisons françaises qui ne changent pas. Victorien Salagnon me rendit le temps tout entier, à travers la guerre qui hante notre langue.

A. J.

Le ravissement de Britney Spears

Le ravissement de Britney Spears
Rolin Jean
Ed. POL

Faut-il prendre au sérieux les menaces d’enlèvement qu’un groupuscule islamiste fait peser sur Britney Spears ? Les services français (les meilleurs du monde) pensent que oui.
Certes, l’agent qu’ils enverront à Los Angeles pour suivre cette affaire présente quelques handicaps – il ne sait pas conduire, fume dans les lieux publics, ignore presque tout du show-business et manifeste une tendance à la neurasthénie –, mais il fera de son mieux pour les surmonter, consultant sans se lasser les sites spécialisés, s’accointant avec des paparazzis, fréquentant les boutiques de Rodeo Drive ou les bars de Sunset Boulevard, jusqu’à devenir à son tour un spécialiste incontesté tant de Britney elle-même que des transports en commun de Los...

Hymne

Hymne
Salvayre Lydie
Ed. Seuil

Le matin du 18 août 1969, à Woodstock, Jimi Hendrix joua un hymne américain d'une puissance quasiment insoutenable.

Parce qu'il avait du sang noir et du sang cherokee mélangé de sang blanc, parce qu'il était donc toute l'Amérique, parce que la guerre au Vietnam soulevait en lui un violent mouvement de refus que toute une jeunesse partageait, parce que sa guitare était sa lady électrique, sa passion, sa maison, sa faim, sa force et qu'il en jouait avec génie, Jimi Hendrix fit de cette interprétation un événement.

Revenant sur ce moment inoubliable, Lydie Salvayre tire les fils de la biographie pour réécrire la légende de Jimi, sa beauté, sa démesure, mais aussi sa part sombre, ses failles et la brutalité du système dont il était captif et qui finirait un jour par le briser.

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