Ediorial : Yves Charles Zarka
I. Dossier : Empires et impérialismes
II. Entretien : Les Etats-Unis, hyperpuissance ou empire
III. Grand Article : Israël-Palestine : que reste-t-il de l'initiative de Genève ?
IV. Penseurs politiques contemporains
Profil bio-bibliographique d'Hannah Arendt
Comment arrivons-nous à dessiner le cours de notre vie ? Être sujet de son existence - une conquête historique - implique un travail complexe, éprouvant et risqué. Jean-Claude Kaufmann nous ouvre les portes de la petite fabrique à s'inventer. Où l'on trouve beaucoup de passion créative, mais aussi beaucoup de désarroi, d'implosions individuelles et d'explosions collectives. Délivré des cadres traditionnels, l'individu moderne tombe en panne sitôt qu'il ne croit plus à sa propre histoire : l'analyse, parfaitement documentée, ouvre sur la question de l'identité. Une notion devenue omniprésente sans être jamais clairement définie. Après un bilan critique de l'histoire du concept, Jean-Claude Kaufmann nous propose une théorie, ancrée dans l'actualité la plus vive, qui rend subitement plus intelligible notre horizon brouillé. Une révolution est en passe de changer la face du monde. Comprendre où elle nous entraîne est une urgence vitale : pour le meilleur et pour le pire, nous sommes désormais entrés dans l'âge des identités.
Présentation de l'éditeur
Loin de l'image que l'occident se fait de l'Islam comme d'une réalité monololithique obscurantiste, incapable de susciter des forces de renouvellement et de s'adapter aux nouvelles conditions de l'existence de l'humanité, voici la vision d'un Islam présenté comme une réalité spirituelle et un gisement intellectuel en éveil permanent, où s'affirme une génération d'intellectuels que l'on appellera Les nouveaux penseurs de l'Islam. Du sein de leur foi musulmane, ces hommes (plus rarement des femmes) interrogent l'Islam, le confrontent à la modernité, parfois au péril de leur vie, à la lumière de la critique historique et de l'analyse littéraire.
Un aphorisme hante la philosophie occidentale : celui d'Héraclite, qui veut que 'la Nature aime à se voiler'.
Près de vingt-cinq siècles durant, ces quelques petits mots ont successivement signifié que tout ce qui naît tend à mourir, que la nature s'enveloppe dans des formes sensibles et dans des mythes, qu'elle cache en elle des vertus occultes, mais également que l'Etre est originellement dans un état de contraction et de non-déploiement, ou bien encore qu'il se dévoile en se voilant. Ainsi auront-ils servi à expliquer les difficultés de la science de la nature, à justifier l'exégèse allégorique des textes bibliques ou à défendre le paganisme, à critiquer la violence faite à la nature par la technique et la mécanisation du monde, à expliquer l'angoisse qu'inspire à l'homme moderne son être-au-monde. La même formule, dans l'histoire de l'Occident, aura justifié, par suite de contresens créateurs, l'attitude prométhéenne - l'homme doit se rendre maître et possesseur de la Nature - comme l'attitude orphique - nul ne peut soulever le voile des mystères de la Nature, sinon le poète et l'artiste.
Présentation de l'éditeur
Archéologie du signe religieux et actes de langage
Le philosophe Alain de Libera évoque dans sa présentation de l'ouvrage d'Irène Rosier-Catach le vaste débat sémantique qui a récemment agité la France sur les termes 'ostensible', 'ostentatoire' et 'visible'... Un débat linguistique révélateur de la dimension théologique de la conception du signe, déterminant en partie inconsciemment les choix politiques de la société française, aux confins du culturel et du religieux. Car d'où vient l'efficacité du signe et sa vérité ?
Comme le montre brillamment l'auteur de La parole efficace, les théologiens du Moyen Age se sont longuement posé la question, en s'appuyant sur les théories grammaticales et sémantiques de leurs contemporains. A partir de la définition du sacrement comme 'signe qui fait ce qu'il signifie', ils ont forgé la notion de 'signe efficace', qui, dans sa dimension linguistique est au coeur d'une vraie réflexion sur les actes de langage. En cela, leurs analyses des formules sacramentelles - comme 'je te baptise' ou encore comme 'Ceci est mon corps' - constituent une contribution fondamentale et méconnue à la sémiotique et à la philosophie du langage.
Irène Rosier-Catach, spécialiste de l'histoire des théories linguistiques du Moyen Age, est directrice de recherches au CNRS et chargée de conférences à l'Ecole pratique des hautes études.
Méditations mythologiques est le prolongement et la condensation, le précipité épuré et apuré d'un livre-somme de Pinchard :
La Raison dédoublée. La fabbrica della mente (Aubier, 1992), où une critique mythologique de la raison, à travers le conflit entre la scolastique et l'humanisme italien, en s'appuyant sur l'?uvre de Giambattista Vico, était menée rigoureusement comme une enquête sur les pouvoirs géminatoires de l'esprit : le deux, la doublure, le ' aussi ', l'intervalle, l'analogie, la variation. Toute la Renaissance était traversée jusqu'à l'épistémologie de René Thom, qui signait une postface complice et aride au livre.
L'exercice de Méditations mythologiques, répondant aux méditations métaphysiques de Descartes, ausculté en profondeur par Pinchard, a pour fonction de ' saisir méthodiquement le sujet à son surgissement le plus libre et de lui montrer que, par un développement rigoureux de ses actes premiers, il engendre une mythologisation générale de l'existence ' (p.19). Il s'agit d'un acte à la fois de fondation et de transformation où la pensée se mesure à l'infini et non à sa finitude. Elle est capable, par une sorte d'autarcie éprouvée, s'étendant à tout ce qui est, s'aliénant pour y jouer la possibilité de l'esprit, de construire et de concevoir des ' objets-limites ', expressions, figurations, plans de conscience, légendes mythes matière subtile, espace qualifié qui devient, avec ses enroulements, ses vibrations, ses résistances, ' étendue mythologique ' dont la méditation prend ' en toute chose le parti de l'âme. Pour quelles fins ? Pour les fins d'une liberté dont il n'est ni idée ni exemple ' (p.95). Platon, Descartes, Malebranche, Leibniz, Dante, Rabelais et jusqu'à René Guénon et René Thom sont relus à la lumière vive d'une réflexion audacieuse, parfois exaltée, hardie dans sa formulation, qui ' des ruissellements (passe) au n?ud, des chemins au massif, et du plein à son conflit fondateur. ' (p.126). Plutôt qu'une pensée éthique, familière dans les parages actuels de la philosophie, nous allons, avec Pinchard, vers une pensée métamorphique, et nous entendons les inflexions d'un Orphée cosmographe. Suggérons les pages fulgurantes, au plus loin de toute lecture philosophante, de la première section :
' Solipsisme du Livre ' où Dante (à qui Pinchard a consacré un essai magistral Le Bûcher de Béatrice) est Le Livre, le nom et le don du Livre, par quoi chaque lecteur désigne et dissipe son origine.
Un livre qui se médite dans l'ordre même où il est écrit, pour reprendre Vico. Et c'est vertigineux.
(Sami El Hage)
Méditations mythologiques est le prolongement et la condensation, le précipité épuré et apuré d'un livre-somme de Pinchard :
La Raison dédoublée. La fabbrica della mente (Aubier, 1992), où une critique mythologique de la raison, à travers le conflit entre la scolastique et l'humanisme italien, en s'appuyant sur l'?uvre de Giambattista Vico, était menée rigoureusement comme une enquête sur les pouvoirs géminatoires de l'esprit : le deux, la doublure, le ' aussi ', l'intervalle, l'analogie, la variation. Toute la Renaissance était traversée jusqu'à l'épistémologie de René Thom, qui signait une postface complice et aride au livre.
L'exercice de Méditations mythologiques, répondant aux méditations métaphysiques de Descartes, ausculté en profondeur par Pinchard, a pour fonction de ' saisir méthodiquement le sujet à son surgissement le plus libre et de lui montrer que, par un développement rigoureux de ses actes premiers, il engendre une mythologisation générale de l'existence ' (p.19). Il s'agit d'un acte à la fois de fondation et de transformation où la pensée se mesure à l'infini et non à sa finitude. Elle est capable, par une sorte d'autarcie éprouvée, s'étendant à tout ce qui est, s'aliénant pour y jouer la possibilité de l'esprit, de construire et de concevoir des ' objets-limites ', expressions, figurations, plans de conscience, légendes mythes matière subtile, espace qualifié qui devient, avec ses enroulements, ses vibrations, ses résistances, ' étendue mythologique ' dont la méditation prend ' en toute chose le parti de l'âme. Pour quelles fins ? Pour les fins d'une liberté dont il n'est ni idée ni exemple ' (p.95). Platon, Descartes, Malebranche, Leibniz, Dante, Rabelais et jusqu'à René Guénon et René Thom sont relus à la lumière vive d'une réflexion audacieuse, parfois exaltée, hardie dans sa formulation, qui ' des ruissellements (passe) au n?ud, des chemins au massif, et du plein à son conflit fondateur. ' (p.126). Plutôt qu'une pensée éthique, familière dans les parages actuels de la philosophie, nous allons, avec Pinchard, vers une pensée métamorphique, et nous entendons les inflexions d'un Orphée cosmographe. Suggérons les pages fulgurantes, au plus loin de toute lecture philosophante, de la première section :
' Solipsisme du Livre ' où Dante (à qui Pinchard a consacré un essai magistral Le Bûcher de Béatrice) est Le Livre, le nom et le don du Livre, par quoi chaque lecteur désigne et dissipe son origine.
Un livre qui se médite dans l'ordre même où il est écrit, pour reprendre Vico. Et c'est vertigineux.
(Sami El Hage)
Apprendre à vivre enfin propose dans son intégral un entretien avec Jacques Derrida partiellement publié dans Le Monde le 19 août 2004, dans lequel le philosophe évoque son oeuvre, son itinéraire et sa trace.
Indissociablement philosophe et écrivain ('La philosophie habite une langue ou est habitée par une langue '), Jacques Derrida est sans conteste l'un des penseurs majeurs de ce temps. Son ?uvre (plus de 80 livres à ce jour) est traduite et reconnue partout dans le monde. Il est l'inventeur de concepts (la trace, la différance, le supplément,
le phallogocentrisme, le spectre, etc.) qui ont bouleversé tant la philosophie que l'approche de la littérature, des arts plastiques, de la psychanalyse ou du politique. Sous le nom qu'on lui prête parfois de 'déconstruction', il mène depuis plus de quarante ans une relecture des grands textes de la tradition philosophique (Platon, Husserl, Hegel, Nietzsche, Heidegger..), mais aussi politique, psychanalytique ou littéraire (Joyce, Blanchot, Artaud Celan, Bataille, Ponge, Mallarmé, Genet, Rousseau, etc.). Une relecture infinie puisque, comme il l'affirma un jour, 'il n'y a pas de hors-texte'. Attentif aux processus historico-politiques en cours, face aux nouveaux 'concepts' de guerre, de violence ou de terrorisme, il nous invite également à réfléchir à d'autres notions de droit, de justice ou d'hospitalité afin d'inventer ce qu'il appelle une 'démocratie à venir'. Ce sont tous ces aspects de la réflexion actuelle de Jacques Derrida que ce numéro d'Europe présente ici.
Présentation de l'éditeur
Le XXe siècle philosophique a été traversé, en Europe, par la querelle du sujet. On en connaît les grandes étapes: le tournant idéaliste de la phénoménologie et la réaffirmation d'une orientation cartésienne de toute la philosophie (Husserl); l'essai d'une radicalisation existentielle (le l'idée du rapport à soi (Heidegger et Sartre); la démystification structuraliste qui fit (lu sujet une illusion d'optique ou un effet de langage ; le dépassement des philosophies classiques de la conscience dans un dialogisme (Habermas). les travaux de restauration herméneutique d'un sujet rendu frugal par l'accent porté sur sa finitude, son historicité, sa dette (Gadamer, Ric?ur).
La guerre est finie. Les adversaires du sujet lui font une place à la condition que, tirant les leçons de l'expérience humaine, il soit divisé, fragmenté, souvent opaque à lui-même, voire impotent. Les tenants du sujet en conviennent, à la condition que l'idée n'en soit pas tenue pour illusoire. Tous concluent que le sujet avait été conçu, à tort, comme doté de deux attributs auxquels il n'avait pas droit : la transparence et la souveraineté. Mais aussi due le sujet réformé peut et doit conserver sa place architectonique dans notre conception générale du monde et notre propre statut cosmologique. Telle est la grande illusion de la philosophie morale, politique ou de la cognition.
Car il n'est pas certain qu'aujourd'hui la philosophie puisse dire ce qu'elle entend par sujet. Sauf à revenir à la conception élémentaire, syntaxique, de complément du verbe, de sujet d'un agir soi-même. Ce sont là les raisons comme les enjeux de l'ébranlement qu'entreprend ce livre.