En 1990, Hisham Matar a dix-neuf ans lorsque son père, Jaballa Matar, disparaît. Celui-ci, après avoir trouvé refuge en Égypte avec ses proches, est enlevé et emprisonné en Libye pour s'être opposé dès le début au régime de Kadhafi. La famille reçoit quelques lettres, envoyées secrètement, jusqu'à ce que toute correspondance cesse brusquement. Vingt et un ans plus tard, lors de la chute de Kadhafi, en 2011, le peuple prend les prisons d'assaut et libère les détenus. Mais Jaballa Matar est introuvable. A-t-il été exécuté lors du massacre d'Abou Salim qui a fait 1 270 victimes en 1996 ? La détention l'a-t-elle à ce point affaibli qu'il erre quelque part, libre mais privé de souvenirs et d'identité ?
Dans l'un de ses derniers livres parus en France, Asl(...) Erdo(...)an évoquait déjà ce lieu effrayant entre tous, le « Bâtiment de pierre » - autrement dit la prison de Bak(...)rköy à Istanbul. Or voici qu'en août 2016, à la suite de la tentative de coup d'État de juillet, la romancière turque est arrêtée et s'y trouve incarcérée. Son délit : avoir écrit dans un journal pro-kurde (Özgür Gündem) pour clamer son indignation et dénoncer toutes les atteintes à la liberté d'opinion. Depuis lors, la situation en Turquie s'aggrave et Asl(...) Erdo(...)an - entre autres intellectuels, journalistes et universitaires - encourt une condamnation aussi infondée qu'inacceptable.
Reykjavík, 1918. La ville semble recouverte d'un voile crépusculaire. Hantée par la crainte d'un front Scandinave, alors que la Première Guerre mondiale s'achève en Europe, la population redoute également une épidémie de grippe espagnole. Dans ce moment de chaos, un adolescent, Máni Steinn (Pierre de lune), doit affronter un tumulte plus intime. Homosexuel, il est rejeté par les siens. Pourtant, une immense énergie s'empare de lui depuis qu'il a découvert le cinéma, l'art, l'exaltation qu'offre l'imaginaire. Et le désir.
Août 2003. Georg Adam, 68 ans, médecin à la retraite et veuf depuis trois ans, se rend de Berlin à Francfort-sur-le-Main, à la demande de sa soeur Félicitas, afin de remettre à son fils Henry un vieil album de photographies jadis agencé hors de toute chronologie par Johanna, sa belle-mère. Henry doit s'envoler pour les États-Unis où l'attend une chaire de maître de conférences en littérature et civilisation allemandes, mais il désire revoir Max, le chien de son père. L'ultime rencontre a lieu sur une berge du Main. Alors qu'ils sont pris à partie par une bande déjeunes trafiquants de drogue, Georg est victime d'un traumatisme crânien grave...
Vera Sigall, romancière octogénaire aussi discrète qu'adulée, est retrouvée inconsciente au pied de son escalier, victime d'une chute supposément accidentelle - mais une porte dérobée de sa maison est restée entrouverte... Son ami Daniel, de cinquante ans son cadet, architecte sans illusion et mari mal aimé, est troublé par les conclusions de l'enquête. Dans la salle d'attente de l'hôpital, il fait la connaissance d'Emilia, étudiante franco-chilienne qui consacre sa thèse à l'oeuvre de la romancière. Elle était venue au Chili pour la rencontrer, sur la recommandation chaleureuse d'Horacio Infante. Cet éminent poète, ancien amant de l'écrivaine, a mystérieusement pris Emilia sous son aile.
XVIIIe siècle, au plus fort de la traite des esclaves. Effia et Esi naissent de la même mère, dans deux villages rivaux du Ghana. La sublime Effia est mariée de force à un Anglais, le capitaine du Fort de Cape Coast. Leur chambre surplombe les cachots où sont enfermés les captifs qui deviendront esclaves une fois l'océan traversé. Effia ignore que sa soeur Esi y est emprisonnée, avant d'être expédiée en Amérique où des champs de coton jusqu'à Harlem, ses enfants et petits-enfants seront inlassablement jugés pour la couleur de leur peau. La descendance d'Effia, métissée et éduquée, connaît une autre forme de souffrance : perpétuer sur place le commerce triangulaire familial puis survivre dans un pays meurtri pour des générations.
« Je gaspillais beaucoup de temps et d’énergie à créer une certaine image de moi-même et à recueillir une approbation ou une acceptation qui ne me faisaient rien, parce qu’elles n’avaient rien à voir avec celui que j’étais vraiment. J’étais un imposteur et ça me dégoûtait, mais je crois que je n’arrivais pas à m’en empêcher. »
Ces mots sont ceux de Neal, son long monologue d’homme en proie au doute, à l’imposture et à l’errance constitue l’une des nouvelles de L’Oubli. Comme Neal, les autres personnages de ce recueil souffrent de l’impossibilité de faire coexister leur propre espace mental avec le reste du monde. Et trouvent leur refuge dans l’effacement et l’oubli : dans l’art le plus absurde, la folie, la chirurgie esthétique, une lettre désespérée, ou même le suicide.
Dans un immeuble cossu de via Merulana à Rome, les bijoux d'une comtesse vénitienne ont été dérobés ; et voilà qu'on retrouve la belle Lillana Balducci assassinée de façon sanglante. Les enquêteurs sont sur les dents : indices, poursuites, interrogatoires... un vrai roman policier. Mais pour le nonchalant commissaire Ingravallo, chaque effet a une multitude de causes, chacune en cachant d'autres. Et dans le cas d'un crime, aucun des courants qui convergent dans ce tourbillon ne peut être négligé. Ainsi l'enquête prend son temps et s'embrouille affreusement, sillonnant, pour le plus grand bonheur du lecteur, les rues de la Ville éternelle, où le présent se mêle au passé mythique tandis que résonnent les multiples dialectes et les innombrables accents.
Une vingtaine de leçons de lecture qui jouent avec la langue, la grammaire, les sonorités et le sens mettant en scène Charlie Tsar, un petit garçon qui compte la lettre "c", un chien qui veut apprendre à lire, etc. Avec une trentaine de dessins de l'illustratrice liégeoise Alice Lorenzi.
Le 29 août 2005, l'ouragan Katrina frappe La Nouvelle- Orléans et dévaste tout sur son passage. Quelque temps après le désastre, une voix s'élève des décombres : celle de Samuel Beckett, à travers l'acteur Wendell Pierce, interprétant un Vladimir prophétique. « Vladimir : J'ai cru que c'était lui. Estragon : Qui ? Vladimir : Godot. Estragon : Pah ! Le vent dans les roseaux." Face à tous ces foyers rasés, à ces administrations dépassées par le chaos, à des familles dispersées, perdues, cette pièce, jouée au milieu d'un paysage apocalyptique, offre une incroyable catharsis pour tous ces rescapés qui peinent à revenir sur les lieux du drame, sur leurs terres, pour lesquelles leurs aïeuls se sont battus. Car eux, qui viendra les aider ? Qui aida leurs parents à échapper au fouet des esclavagistes, aux violences silencieuses des ségrégationnistes, à tous ceux qui nièrent leurs droits civiques ?