J'entends expliquer dans ce livre pourquoi notre système économique ne fonctionne plus pour la grande majorité de la population ; pourquoi l'inégalité s'aggrave à ce point - du jamais vu depuis les années trente - et quelles en sont les véritables conséquences. Mon fil conducteur est clair : l'inégalité a un prix, elle est la cause et la conséquence de la faillite du système politique et elle alimente, dans notre système économique, une instabilité et une inefficacité qui l'aggravent à leur tour. C'est ce cercle vicieux qui nous plonge dans l'abîme.
Mais ce n'est pas tout : puisqu'il est flagrant que notre système économique ne peut rien pour la plupart des citoyens et que nos gouvernements sont globalement sous la coupe des intérêts privés, la confiance dans la démocratie va s'éroder. Et puisque nous comprenons peu à peu que nombre de nos pays ne sont plus ceux de l'égalité des chances et du fair play, c'est sans doute notre sentiment de la justice qui est menacé.
Selon l'auteur, la situation actuelle n'est cependant pas fatale, elle résulte d'une politique qui a modelé le marché pour qu'il avantage les plus riches. Non content de dénoncer, Stiglitz, dans Le Prix de l'inégalité, expose un programme exhaustif qui ouvre une nouvelle voie, celle d'une économie plus dynamique et d'une société plus équitable et égalitaire. Ce livre est sans conteste le plus ambitieux des ouvrages de Joseph Stiglitz.
si l'on n'aurait pas plus intérêt à ce que tout pète.
Un quotidien que les médias ignorent, que les jeunes taisent parce que trop criant d'être aussi banal que brutal.
Un quotidien où la solidarité est cependant à l'oeuvre, où les choses se vivent et s'éprouvent plus qu'elles ne se disent - sauf quand on se décide à prendre son stylo et à écrire, entre rires et larmes, la cité.
Car c'est sans doute des mots que viendront les solutions. La découverte de l'écriture et du pouvoir de ces foutus mots. Face à des flics. Face à des juges. Face à soi-même.
Rachid Ben Bella, Sylvain Érambert, Riadh Lakhéchène et Alexandre Philibert sont quatre garçons d'une vingtaine d'années, qui ont grandi entre les tours d'une cité de la banlieue parisienne. Pendant plus d'un an, ils ont participé, avec leur éducateur, Joseph Ponthus, à un atelier d'écriture. La consigne était simple : dire, avec leurs mots, tout simplement comment cela se passe : l'école, la rue, la police, les amours, la prison, les parents, la religion, le travail...
Le livre rapporte au jour le jour ce processus d'écriture, mêlant plusieurs voix et différents types de textes - journal écrit au mitard, lettres au juge, récits de souvenirs d'enfance... Où l'on apprend que l'écriture, elle aussi, est un combat.
« Il s'agit de refouler les questions de l'origine, ne pas penser l'origine de la pensée, de la connaissance, de la politique mais définir des scènes à partir desquelles on voit les choses se distribuer, avec l'idée que l'origine est elle-même une espèce de scène. »
Jacques Rancière
Cette longue conversation avec Jacques Rancière, à laquelle nous invitent ici Laurent Jeanpierre et Dork Zabunyan, répond à cette exigence. Ne pas céder d'abord à la tentation de la linéarité, ou de la causalité, faire émerger des scènes, des moments qui construisent un parcours intellectuel. L'élaboration du projet philosophique, les années de formation, la rupture méthodologique et politique avec Louis Althusser, les leçons de mai 68 sur la tâche qui incombe aux intellectuels. L'unité ensuite de l'oeuvre, trop souvent disjointe entre politique et esthétique, les passages, circulations souterraines entre les ouvrages et les catégories, le style d'une pensée. Puis la confrontation aux oeuvres d'autres penseurs, les controverses, parfois les malentendus. Enfin, le regard sur l'époque, la multiplicité des présents qui s'y joue. Ainsi se dessinent une vie et une pensée dédiées à l'exercice de la philosophie, à l'émergence de nouveaux mondes possibles.
L'aître, nous dit le Littré, est, dans une église, « ce corps avancé qui précède le portail », ce vestibule par lequel il nous faut accéder afin d'entrer dans l'imposant édifice. Avant d'habiter la langue en laquelle nous pensons, nous faut-il en passer par ses aîtres, lesquels, s'ils ne sont eux-mêmes la demeure, nous y donnent accès.
Une langue, en effet, ne se parle usuellement qu'en nous imposant son état construit, et le plus souvent, intentionnel. Or, tout l'enjeu de cet ouvrage, publié pour la première fois en 1975, consiste à méditer, en deçà de la logique de la signification établie, son état préconstruit, son moment d'ouverture par lequel elle surgit à l'état naissant, forte de cette lucidité puissancielle qui la rend inventive et proprement pensante.
En méditant le rapport du verbe et du temps, l'instance du parfait dans la langue philosophique grecque ou encore la puissance comme l'impuissance du logos dans l'ensemble de ses acceptions, les trois études qui composent cet ouvrage ont pour vocation de nous rendre attentifs à ce qui, nourrissant toute signification, n'en relève pas encore.
Le fameux bourgeois-bohème, sociostyle apparu il y a une dizaine d'années, est aujourd'hui au sommet de sa gloire. Pur produit de notre temps, agaçant et attachant à la fois, il n'est pas à une absurdité près. Il mange local mais voyage lointain, il s'habille vintage mais cher, il milite pour davantage de mixité sociale mais met ses enfants à l'école Decroly...
Les chroniques de Myriam Leroy en proposent un abécédaire plein de fiel et de tendresse. Vous saurez tout sur ses fringues, ses cheveux, son alimentation, son rapport aux réseaux sociaux, au boulot, aux vacances, à la littérature, à la photographie, au cinéma, à la musique, à la téléphonie, à la fête, à la spiritualité, au sport, à la politique, à l'amour...
Bref, le BA-ba du bobo.
Via ses tics et travers, ce sont toutes les contradictions du monde moderne qui se dessinent.
«Personne» : telle est la réponse faite par Ulysse au cyclope qui voulait connaître son nom et ensuite le dévorer. Ce sera l'ultime ruse du héros dès lors pris au mot et précipité dans un périple aux confins de la mort avant d'accomplir son retour triomphal à Ithaque et fonder ainsi le schème même de l'histoire qui nous hante depuis Homère.
«Personne», répond à son tour Philippe Lacoue-Labarthe à la question «Qui vient après le sujet ?» Le sujet - celui-là même que l'Occident a toujours supposé ou cherché : depuis l'institution de la Cité grecque jusqu'à la mondialisation du petit sujet de l'économie marchande.
L'Occident, ici, n'est crédité d'aucune identité. Au lieu de partir d'une qualité propre de l'Occident, il s'agit pour Philippe Lacoue-Labarthe de comprendre que c'est justement son défaut d'identité qui produit les effets et les réalisations grandioses et désastreuses que l'on sait. Colonisation et extermination sont ainsi au coeur de ce livre qui ne se contente pas de s'interroger sur la haine que suscite l'Occident ou de consigner les méfaits qui l'expliquent, mais s'affronte au vertige de son essence, à l'horreur qu'il porte en lui-même et qu'il exporte sans limite.
Depuis le milieu des années 2000, un mot s'est immiscé dans le débat : islamisation. Les musulmans, dont la population s'accroîtrait dangereusement, chercheraient à submerger numériquement et culturellement l'Europe. L'imaginaire du complot déborde ainsi peu à peu le cadre de l'islamophobie ordinaire. Si cette perception paranoïaque était restée l'apanage d'une poignée d'extrémistes, elle ne ferait pas question, mais elle envahit aujourd'hui l'espace public, imprègne les discours de politiciens écoutés et les analyses d'auteurs réputés sérieux.
Cet essai salutaire s'attelle à déconstruire ce qui n'est autre qu'un mythe et interroge l'obsession collective qu'il recèle. Il montre ainsi que la «bombe démographique musulmane» qui serait prête à éclater sur le triple front de la natalité, de l'immigration et de la conversion relève du fantasme. Quant au regain de ferveur spirituelle et au renouveau identitaire des musulmans, ils n'ont pas la signification conquérante ni même politique que suggère l'épouvantail de l'«islamisme». Cette réfutation en règle permet enfin de comprendre pourquoi l'Europe et la France en particulier ont tant besoin de l'«ennemi musulman».
« L'histoire est le temps où ceux qui n'ont pas le droit d'occuper la même place peuvent occuper la même image : le temps de l'existence matérielle de cette lumière commune dont parle Héraclite, de ce soleil juge auquel on ne peut échapper. Il ne s'agit pas d'' égalité des conditions ' au regard de l'objectif. Il s'agit de la double maîtrise à laquelle l'objectif obéit, celle de l'opérateur et celle de son ' sujet '. Il s'agit d'un certain partage de la lumière. »
On a dit tout et n'importe quoi à propos du maoïsme d'Alain Badiou, mais qui a lu Théorie de la contradiction, De l'idéologie et Le Noyau rationnel de la dialectique hégélienne ? Les années rouges, qui réunit pour la première fois ces trois ouvrages, propose de revenir sur ce moment méconnu de la carrière de Badiou.
À présent que l'auteur est pleinement entré dans l'histoire de la philosophie, il convenait de combler une lacune en permettant aux lecteurs contemporains de comprendre la trajectoire qui l'a conduit du Concept de modèle à l'élaboration de Théorie du sujet.
Mais il s'agissait surtout de montrer que, dans l'oeuvre de Badiou, la polémique n'a jamais été séparable de la philosophie et travaille la philosophie de l'intérieur. La pérennité du maoïsme réside sans doute ici : dans un engagement de la philosophie au présent, visant à en dégager la nouveauté et les lignes de fracture. À l'opposé des divers retours de la philosophie politique qui ont dominé les dernières décennies, Badiou montre que la philosophie, y compris la plus spéculative et la plus métaphysique, est en soi politique. Revenir sur les années rouges et le moment maoïste, c'est donc aussi renouer avec un geste, réactiver une époque que les défenseurs de l'ordre néolibéral auraient préféré ne voir jamais reparaître.
Si l'on connaît le penseur de la déréalisation du monde, de la déshumanisation du quotidien, de la marchandisation générale, les lecteurs français n'ont pas eu encore accès aux écrits plus personnels rédigés par le philosophe allemand en exil.
Les textes qui composent ce volume, extraits de ses journaux intimes de New York des années 1947-1949, ont pour objet des sentiments, les siens et ceux de ses compagnons de destin. Anders pour autant ne se livre pas en ces pages à l'exploration de sa vie intérieure, ni ne découvre des strates de son moi par goût de la confession. Les réactions émotionnelles qu'il consigne sont pour lui des exemples caractéristiques traduisant l'existence de fossés tant générationnels qu'intra ou interculturels, qu'il appréhende dans une perspective historique. Anders a fait valoir, dans le premier volume de L'Obsolescence de l'homme, l'intérêt d'une histoire du sentiment ; les pages qui suivent portent l'esquisse d'un tel projet, et l'amour en constitue le fil rouge. En 1979, Anders déclarait dans un entretien avec Mathias Greffrath :
« [...] j'ai tenu un journal sur le fait amoureux en Amérique. Au moment où je l'ai écrit, il s'appelait Lieben heute (Aimer aujourd'hui). Maintenant, je l'ai rebaptisé Lieben gestern (Aimer hier). Et s'il paraît un jour, il faudra sans doute qu'il s'appelle Lieben vorgestern (Aimer avant-hier)... »