Ontologie. Herméneutique de la factivité

Ontologie. Herméneutique de la factivité
Heidegger Martin
Ed. Gallimard

Dans ce cours délivré pendant le semestre d'été de l'année 1923 à l'université de Fribourg-en-Brisgau, le jeune Heidegger, alors assistant (Privatdozent) de Husserl, aborde la question qui était, à cette époque, au centre de sa pensée, celle de la « vie factive », du Dasein tel qu'il est à chaque fois, et qu'il s'agit non pas de décrire, mais de comprendre ou d'expliciter dans sa structure d'être. Cette explicitation prend la forme d'une herméneutique phénoménologique originale qui vise d'abord et avant tout à éveiller le Dasein à lui-même et à la possibilité éminente qui lui appartient en propre, possibilité qui est appelée ici « existence ». Après avoir exploré la manière dont la vie a tendance à se comprendre aujourd'hui dans l'histoire et la philosophie, Heidegger met en place un certain nombre de thèmes qui seront ensuite repris dans le traité d'ontologie fondamentale de 1927, tels que l'être-au-monde, la significativité, la curiosité ou encore le souci.

Ce cours, contemporain des premières esquisses de Sein und Zeit, constitue un document capital sur l'approche heideggerienne au début des années 1920. Il représente une étape décisive sur le chemin ayant conduit à Être et Temps dont la démarche est au fond implicitement contenue dans le titre : Ontologie. Herméneutique de la factivité. Un titre qui articule déjà à sa manière la question de l'être avec cette phénoménologie du Dasein qui prendra plus tard le nom d'analytique existentiale.

Enquête sur les modes d'existence. Une anthropologie des modernes

Enquête sur les modes d'existence. Une anthropologie des modernes
Latour Bruno
Ed. La Découverte

Pour repérer les valeurs multiples et contradictoires auxquelles tiennent ceux qui se disent Modernes, il faut accepter qu'il y ait plusieurs régimes de vérité, plusieurs types de raison, plusieurs modes d'existence dont l'enquêteur doit dresser avec soin les conditions de félicité et d'infélicité. On peut alors revisiter le coeur de notre vie collective : les sciences, les techniques, mais aussi le droit, la religion, la politique et, bien sûr, l'économie, la plus étrange et la plus ethnocentrique des productions. Et se poser autrement ces questions : Que nous est-il donc arrivé ? De quoi pouvons-nous hériter ? Qu'avons-nous en propre ? L'enjeu n'est pas mince au moment où les crises écologiques obligent toutes les sociétés à repenser ce qu'elles ont en commun.

Pour avancer dans ces questions, l'auteur a mis au point un dispositif original qui s'appuie sur une enquête collective et auquel ce livre sert d'introduction, de rapport provisoire. Grâce à un environnement numérique monté tout exprès, les lecteurs pourront participer au recueil des expériences multiples repérées par l'enquête, avant de devenir coproducteurs des versions finales. C'est par cet exercice d'«humanités numériques» que l'auteur prétend renouveler, avec ses lecteurs, l'anthropologie philosophique des Modernes.

Quand le moi devient autre. Connaître, partager, transformer

Quand le moi devient autre. Connaître, partager, transformer
Laplantine François
Ed. CNRS

Si le caractère résolument universel de l'anthropologie doit être réaffirmé, il ne saurait prendre la forme d'un universalisme définitif, arrêté et imposé par l'Occident. Cet universel non comme état, mais comme devenir et comme éthique, n'est pas achevé. Il est en construction permanente. Il cherche davantage à rendre plutôt qu'à prendre. Il consiste à ressentir puis à élaborer ce qui surgit entre nous et les autres.
François Laplantine interroge un certain nombre de perspectives théoriques : l'héritage du confucianisme et du taoïsme, la démarche de Claude Lévi-Strauss, les travaux de Michel Foucault. Il se déplace librement entre le Brésil, la Chine et le Japon, en étant à la fois attentif aux questions de traduction et aux phénomènes de migrations. Il nous propose un horizon de pensée permettant de mieux comprendre rapports, échanges et flux qui transforment les hommes.

Le moment critique de l'anthropologie

Le moment critique de l'anthropologie
Affergan Francis
Ed. Hermann

Les turbulences que l'anthropologie traverse depuis une trentaine d'années atteignent aujourd'hui un degré tel que, si l'on ne commence pas par dresser un diagnostic implacable de son état actuel, nous ne pourrons parvenir à trouver les solutions pour rétablir la situation.
Les causes d'une telle crise sont triples et inhérentes : L'organisation institutionnelle dont l'anthropologie relève et les autorités de tutelle dont elle dépend n'ont toujours pas pris conscience de l'importance majeure de cette discipline qui est seule, aujourd'hui, à poser scientifiquement la question des identités, des différences et de l'altérité. Le monde actuel appelé tantôt mondialisation, tantôt postmodernisme, cherchant à unifier les différences - fût-ce superficiellement -, tend à faire croire qu'on pourrait se passer d'une discipline qui, par la méthode comparative, les fait valoir aux fins de compréhension entre les cultures. Et que dire enfin de l'absence de renouvellement des outils opératoires et essentiels pour mesurer ce nouvel état du monde, les instruments d'analyse n'ayant pas évolué depuis une quarantaine d'années.
Ce livre s'emploie à dresser un constat sans complaisance de la situation et tente de proposer des pistes nouvelles.

Féminismes islamiques

Féminismes islamiques
Ali Zahra
Ed. La Fabrique

Féminismes islamiques : un titre qui en fera sursauter beaucoup, y compris parmi celles et ceux qui se pensent à l'abri de tout préjugé. C'est que le stéréotype «islam = oppression de la femme» croise partout comme un sous-marin, tantôt en surface et pavillon haut, tantôt dans les profondeurs de l'inconscient.
Ce que montre ce livre, le plus souvent on ne le sait pas : que dans les pays où l'islam est la religion dominante, des croyantes puissent lutter pour l'égalité, retourner les textes sacrés contre le patriarcat, s'élever contre les autorités politiques et religieuses qui bafouent les droits des femmes.
De l'Égypte à l'Iran, du Maroc à la Syrie, en France, aux États-Unis et jusqu'en Malaisie, des intellectuelles, des chercheuses et des militantes sont engagées dans une démarche féministe à l'intérieur du monde religieux musulman. Zahra Ali nous fait entendre leurs voix et propose ainsi de décoloniser le féminisme hégémonique.

La domination policière. Une violence industrielle

La domination policière. Une violence industrielle
Rigouste Mathieu
Ed. La Fabrique

La violence policière n'a rien d'accidentel, elle est rationnellement produite et régulée par le dispositif étatique. La théorie et les pratiques de la police française sont profondément enracinées dans le système colonial : on verra dans ce livre qu'entre les brigades nord-africaines dans les bidonvilles de l'entre-deux-guerres et les brigades anti-criminalité (les BAC) dans les «cités» actuelles, une même mécanique se reproduit en se restructurant. Il s'agit toujours de maintenir l'ordre chez les colonisés de l'intérieur, de contenir les territoires du socio-apartheid. Le développement des armes «non létales» - Flash Ball, Taser... - propulse aussi une véritable industrie privée de la coercition. Rigouste montre comment l'expansion du marché international de la violence encadre la diffusion des doctrines de la contre-insurrection et permet de les appliquer à l'intérieur des métropoles impériales.
Cette enquête, fondée sur l'observation des techniques et des pratiques d'encadrement et de ségrégation depuis ceux qui les subissent et les combattent, montre comment est assurée la domination policière des indésirables, des misérables et des insoumis en France.

Le temps de la parole. Et autres écrits sur l'humanité et la religion

Le temps de la parole. Et autres écrits sur l'humanité et la religion
Ortigues Raymond
Ed. Presses universitaires de Rennes

« La charité est incompatible avec la foi. Il est impossible d'aimer sincèrement Dieu et de croire qu'il existe. « Qu'est-ce que j'aime quand j'aime mon Dieu ? », demandait saint Augustin. J'aime la vérité, la droiture, la justice, la bienveillance, le détachement de soi et le respect d'autrui..., toutes choses incompatibles avec « ce que les hommes appellent un dieu ». Il y a là un malentendu, un quiproquo. C'est pourquoi la charité chrétienne a engendré finalement une civilisation athée. » Edmond Ortigues n'a jamais cessé de réfléchir sur le rôle de la parole, sacrée ou profane, le paradoxe du désir d'absolu et le sens de la religion comme réalité historique et sociale.
On trouvera dans ce volume deux textes majeurs aujourd'hui inaccessibles au public, Le temps de la parole, réflexion sur le message évangélique et la parole de Dieu, et Le monothéisme, texte que l'auteur considérait comme une sorte de testament intellectuel. L'ensemble est complété par sept études dont une inédite sur la religion, le mysticisme et le délire, l'athéisme, l'islamisme et la laïcité, et permet de comprendre ce qui fait l'unité et la force d'une pensée qui, partie d'un catholicisme engagé et fervent, s'est orientée vers une conception anthropologique de la religion où la quête de l'absolu garde toujours son sens. Les analyses d'Edmond Ortigues sont toujours d'une acuité intellectuelle stimulante et le plus souvent d'une très grande actualité.

Diderot, un diable de ramage

Diderot, un diable de ramage
Starobinski Jean
Ed. Gallimard

« J'ai un diable de ramage saugrenu, moitié des gens du monde et des lettres, moitié de la halle. » C'est le Neveu de Rameau qui le dit à son interlocuteur, qui l'écoute et qui lui réplique.
Car Diderot est un écrivain qui tend l'oreille en tous lieux. À la ville, chez les imprimeurs, dans les salons, dans les villages, il a été constamment à l'affût des grandes rumeurs de son siècle.
C'est lui qui déclare : « Autant d'hommes, autant de cris divers. [...] Combien de ramages divers, combien de cris discordants dans la seule forêt qu'on appelle société. »
Les études rassemblées dans ce livre suivent le mouvement de ce grand écouteur, qui sut devenir un admirable parleur.
J. S.

Accuser et séduire. Essai sur Jean-Jacques Rousseau

Accuser et séduire. Essai sur Jean-Jacques Rousseau
Starobinski Jean
Ed. Gallimard

Rousseau procéda à la manière des prédicateurs. Il accusa le mal, pour mieux annoncer le remède. C'est « l'indignation de la vertu », assure-t-il, qui marqua le début de sa vocation « philosophique », lorsqu'un concours d'académie souleva la question des conséquences du « rétablissement des sciences et des arts », c'est-à-dire de la Renaissance. Son indignation, son ressentiment ont alors fait naître en lui une éloquence dont il ignorait encore tout le pouvoir.
Il a jugé nécessaire de remonter aux premiers temps de l'histoire humaine, et le modèle qu'il en a proposé lui a valu d'être considéré comme l'un des fondateurs de l'anthropologie. Il parvint à loger dans son roman La Nouvelle Héloïse tout à la fois un lieu où vivre et des voyages couvrant la terre entière. Certains de ses lecteurs furent séduits au point de vouloir tout quitter pour vivre à ses côtés, comme s'il avait fondé un ordre religieux. Ce singulier attrait s'exerce encore.

Du gouvernement des vivants. Cours au Collège de France, 1979-1980

Du gouvernement des vivants. Cours au Collège de France, 1979-1980
Foucault Michel
Ed. EHESS/Gallimard/Seuil

Du gouvernement des vivants est un cours charnière. Prononcé au Collège de France au premier trimestre 1980, Michel Foucault y poursuit cette histoire des «régimes de vérité» qui traverse l'ensemble des cours du Collège de France, en y apportant une inflexion majeure : commencée dans le champ du juridique et du judiciaire, l'exploration s'était poursuivie dans le champ politique - thématique des rapports pouvoir-savoir, puis de la gouvernementalité. Elle s'investit ici dans le champ des pratiques et des techniques de soi, domaine de l'éthique que Michel Foucault ne quittera plus.
«Comment se fait-il que dans la culture occidentale chrétienne, le gouvernement des hommes demande de la part de ceux qui sont dirigés, en plus des actes d'obéissance et de soumission, des 'actes de vérité' qui ont ceci de particulier que non seulement le sujet est requis de dire vrai, mais de dire vrai à propos de lui-même, de ses fautes, de ses désirs, de l'état de son âme ?», s'interroge Michel Foucault. Cette question le conduit d'une relecture d'OEdipe-roi de Sophocle à l'analyse des «actes de vérité» propres au christianisme primitif, à travers les pratiques du baptême, de la pénitence et de la direction de conscience. Michel Foucault choisit de s'intéresser aux actes par lesquels le croyant est appelé à manifester la vérité de ce qu'il est lui-même, en tant qu'être indéfiniment faillible. De l'expression publique de sa condition de pécheur, dans le rituel de la pénitence, à la verbalisation minutieuse de ses pensées les plus intimes, dans l'examen de conscience, c'est l'organisation d'une économie pastorale centrée sur l'aveu que l'on voit se dessiner.
Du gouvernement des vivants est la première des enquêtes, inédite, que Michel Foucault va mener dans le champ de l'éthique, autant dans les cours du Collège de France que dans les derniers volumes de l'Histoire de la sexualité.

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