Modernes sans modernité. Eloge des mondes sans style

Modernes sans modernité. Eloge des mondes sans style
Huyghe Pierre-Damien
Ed. Nouvelles éditions Lignes

Issu d'un séminaire organisé au Centre Pompidou à l'occasion du trentième anniversaire de son inauguration, ce livre a pour objet de discuter quelques-uns des fondements théoriques et méthodologiques des pensées qui ont conduit à tenir la notion de « modernité » pour dépassée, en particulier celles d'Ulrich Beck en Allemagne, de Bruno Latour en France, de Fredric Jameson aux États-Unis, etc.

Que peut bien vouloir signifier « modernes sans modernité » ? Ceci, entre autres : que la phase historique que nous vivons est certes marquée par des processus de modernisation, mais que l'expression de ces processus n'est pas encore parvenue au stade d'un style. Y a-t-il lieu de le déplorer ? Pas selon Pierre-Damien Huyghe, qui soutient que c'est au contraire dans l'absence de repères stylistiques que l'esprit est le plus susceptible de se montrer présent aux modifications des capacités productives et aux poussées techniques qui affectent les conditions d'existence. « Présence d'esprit » que voulut historiquement désigner et signifier le terme « modernité » lors de son introduction dans la langue, au XIXe siècle. Se passer de ce terme, comme semblent vouloir le faire ceux qui le prétendent obsolète, c'est s'exposer aux risques d'une modernisation sans mesure.

La structure psychologique du fascisme

La structure psychologique du fascisme
Bataille Georges
Ed. Nouvelles éditions Lignes

Paru dès 1933 dans la revue La Critique sociale, « La structure psychologique du fascisme » était considéré par Georges Bataille comme le « fragment » d'un ensemble plus important dont le titre aurait été « Le Fascisme en France », L'accélération des circonstances - politiques et personnelles - l'empêcha malheureusement de mener à bien son projet.

Ce long article témoigne de l'audace méthodologique de Georges Bataille, qui, aux outils conceptuels de la sociologie, adjoint ceux de la phénoménologie allemande, ainsi que ceux de la psychanalyse freudienne. Car il ne faut pas moins, selon lui, que tous ces moyens réunis pour comprendre et interpréter la nature du régime fasciste.

« Le marxisme, après avoir affirmé qu'en dernier ressort l'infrastructure d'une société détermine ou conditionne la superstructure, n'a tenté aucune élucidation générale des modalités propres à la formation de la société religieuse et politique. [...] Cet article représente, à propos du fascisme, une tentative de représentation rigoureuse (sinon complète) de la superstructure sociale et de ses rapports avec l'infrastructure économique. » G. B.

 

Européens & Japonais. Traité sur les contradictions & différences de moeurs entre les deux peuples..

Européens & Japonais. Traité sur les contradictions & différences de moeurs entre les deux peuples..
Frois Luis
Ed. Chandeigne

En 1543, les Portugais sont les premiers Européens à découvrir le Japon, où ils nouent aussitôt des liens commerciaux. François Xavier y implante dès 1549 une mission jésuite. En 1597, commencent les premières persécutions. Le « siècle chrétien » s'achève tragiquement dans les années 1640-1650 : le pays se referme alors sur lui-même, et interdit son territoire à toute présence étrangère jusqu'en 1868.

Le père jésuite Luis Fróis, qui résida plus de trente ans dans l'archipel nippon, fait en 1585 une description comparative des moeurs japonaises et européennes. Série d'instantanés qui décrivent les principaux aspects de la vie quotidienne, ce texte est aussi extraodinairement moderne, presque oulipien. Souvent très drôle, il développe un discours imprévu sur nous et les autres, tout au long de notations regroupées en chapitres sur les hommes, les femmes, les chevaux, les enfants, la religion, les armes, les maladies, la musique, les navires, etc.

Anthologie, vol. 2. Philosophie et théologie au Moyen Age

Anthologie, vol. 2.  Philosophie et théologie au Moyen Age
Collectif
Ed. Cerf

 

Nous présentons ici la première Anthologie des relations entre la philosophie et la théologie. Réalisée selon l'intention de la collection qui la recueille, elle s'est donnée pour objet de rassembler la mémoire ample et riche mais oubliée, parfois dissimulée, d'une détermination plurielle et fondatrice de l'histoire des idées et des pratiques occidentales. Réunissant de façon quasi exhaustive et critique les grands textes témoins, de la naissance de la philosophie à nos jours, d'une corrélation ainsi diversifiée mais continuée, elle voudrait contribuer à la tâche de clarification des thèmes et des concepts qui structurent notre épistèmê, inspirent notre travail de connaissance et informent nos logiques d'action. Les quatre tomes qui la constituent ont été élaborés selon les quatre grandes périodes historiques dont nous avons voulu assumer précisément les limites et les seuils. Ce deuxième tome, consacré à la période médiévale, débute avec la réception byzantine au IXe siècle, l'appropriation musulmane d'Aristote au Xe siècle (Fârâbî) et se clôt sur les théologiens philosophes de la fin du XVe siècle. Formé de vingt-quatre notices nominatives et thématiques (Scot Érigène, Anselme, Abélard, les Victorins, Pierre Lombard, Bonaventure, Thomas d'Aquin, Duns Scot, Ockham, Dante, Pétrarque, Gerson, d'Ailly, Nicolas de Cues..., le kâlam musulman, la théologie-science, le rapport exégèse-théologie, la philosophie politique la tension humanisme-théologie...), et suivant un ordonnancement chronologique rigoureux, il restitue les corpus fondamentaux, témoins des théorisations mais aussi des pratiques institutionnelles d'une relation qui, dans sa complexité même, a ouvert les espaces moderne et contemporain de la pensée. Ph. C.-D.

 

Leçons de philosophie

Leçons de philosophie
Alquié Ferdinand
Ed. Table ronde

I. Psychologie

La vie mentale et la psychologie

Les mouvements, les actes, les états affectifs

Les synthèses représentatives

Les états représentatifs et les opérations intellectuelles

Les tendances et la raison

II. Méthodologie, Morale, Philosophie générale

La science

Les mathématiques, les sciences de la matière et de la vie

Les sciences morales

Le problème moral et les doctrines

Les données fondamentales de la conscience morale

Les devoirs et la vie morale

Notions de philosophie générale

De la critique. Précis de sociologie de l'émancipation

De la critique. Précis de sociologie de l'émancipation
Boltanski Luc
Ed. Gallimard/NRF Essais

Le rapport que la sociologie entretient avec la critique sociale n'a cessé de hanter cette discipline depuis les origines. La sociologie doit-elle être mise au service d'une critique de la société, ce qui suppose de rendre compatibles description et critique ? La critique détourne-t-elle la sociologie de son projet scientifique ou en est-elle la finalité sans laquelle la sociologie ne serait qu'une activité vaine, détachée des préoccupations que nourrissent les personnes en société ? Cette question a déterminé les couples d'oppositions fondateurs - entre faits et valeurs, idéologie et science, déterminisme et autonomie, structure et action, approches macro et micro sociales, explication et interprétation, etc. Elle dicte deux des principaux programmes qui aujourd'hui configurent la discipline : la sociologie critique des années 1970, particulièrement dans la forme que lui a donnée, en France, Pierre Bourdieu ; la sociologie pragmatique de la critique, développée dans les années 1980-1990.

Dans la sociologie critique, la description en termes de rapports de forces met l'accent sur la puissance des mécanismes d'oppression, sur la façon dont les opprimés les subissent passivement, allant, dans leur aliénation, jusqu'à adopter les valeurs, intériorisées sous la forme d'idéologies, qui les asservissent.

La sociologie pragmatique décrit les actions d'hommes révoltés mais dotés de raison, porte l'accent sur leur capacité, dans certaines conditions historiques, à se lever contre leur domination, à forger des interprétations nouvelles de la réalité au service d'une activité critique.

Luc Boltanski propose ici un cadre permettant d'articuler ces deux approches, apparemment antagoniques - l'une déterministe et réservant le beau rôle à la science éclairante du sociologue, l'autre soucieuse de se tenir au plus près de ce que disent et font les personnes. Ce travail d'unification le conduit à réélaborer des notions centrales pour la sociologie comme celles de pratique, d'institution, de critique et, finalement, de « réalité sociale ». Il a pour ambition de contribuer au renouvellement actuel des pratiques de l'émancipation.

L'éthique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs ?

L'éthique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs ?
Bauman Zygmunt
Ed. Climats

« La vie de consommation ne consiste pas à acquérir et à posséder. Ni même à se débarrasser de ce qu'on a acquis avant-hier et dont on se vantait hier. Non, elle consiste avant tout à être en mouvement. La plus grande menace qui pèse sur une société qui fait de ' la satisfaction du consommateur ' sa motivation et son but, est précisément le consommateur satisfait. À n'en pas douter, le ' consommateur satisfait ' serait une catastrophe aussi grave pour lui-même que pour l'économie consumériste. Plus rien à désirer ? Plus rien à rechercher ? Relégué à ce que l'on possède (et donc à ce que l'on est) ? Une telle situation - brève, si tout se passe bien - ne pourrait être baptisée que d'un seul nom : ennui. »

Disséquant les espoirs et les cauchemars qui hantent la vie pressée de l'homo consumens, Zygmunt Bauman redessine la place de l'éthique dans notre monde « liquide ».

Provincialiser l'Europe. La pensée postcoloniale et la différence historique

Provincialiser l'Europe. La pensée postcoloniale et la différence historique
Chakrabarti Dipesh
Ed. Amsterdam

L'Europe n'est plus au centre du monde, l'histoire européenne n'incarne plus « l'histoire universelle », mais ses catégories de pensée et ses concepts politiques continuent de régir les sciences sociales, la discipline historique et nos représentations politiques.

Avoir pour projet de provincialiser l'Europe n'équivaut pas à rejeter la pensée européenne, il ne s'agit pas de prôner une « revanche postcoloniale ». Mais la pensée européenne, aussi indispensable soit-elle, est inadéquate pour appréhender l'expérience de la modernité politique dans les nations non occidentales. Comment s'affranchir de son « historicisme » ? Comment interpréter les faits sociaux sans les contraindre à se conformer au modèle, limité et exclusif, de l'accession progressive de tous, au cours de l'histoire, à une certaine conception de la « modernité » ? L'enjeu est de parvenir à renouveler les sciences sociales, à partir des marges, pour sortir d'une vision qui réduit les nations non européennes à des exemples de manque et d'incomplétude, et penser au contraire la diversité des futurs qui se construisent aujourd'hui.

Ce livre s'y essaie, en décrivant diverses manières d'être dans le monde - de l'intense sociabilité littéraire de Calcutta au rapport complexe des poètes indiens vis-à-vis de la nation, en passant par la façon dont les veuves indiennes ont vécu et fini par faire entendre leurs souffrances -, manières d'être dans le monde qui sont autant d'histoires singulières et fragmentaires, autant de réinterprétations, de traductions et de transformations pratiques des catégories universelles et abstraites de la pensée européenne.

Expérimentations politiques

Expérimentations politiques
Lazzarato Maurizio
Ed. Amsterdam

Dans ses précédents livres, Maurizio Lazzarato s'était attaché à proposer une analyse socio-économique du conflit des intermittents, afin de mettre au jour son potentiel de subversion et de critique radicales du paradigme néolibéral du capitalisme contemporain.

Afin de saisir ce que la grille socio-économique laisse inévitablement échapper, il met ici en oeuvre pour analyser ce conflit d'autres approches - dont la critique sociale en France n'a pas encore bien mesuré la pertinence politique et la fécondité heuristique : celles qu'ont élaborées, au cours des années 1960 et 1970, Michel Foucault, Gilles Deleuze, Félix Guattari ou encore Michel de Certeau, mais aussi les intuitions et les anticipations de Marcel Duchamp et de Franz Kafka sur ce qu'on pourrait appeler un «nouveau partage du sensible».

Dans la «grande transformation» que nous sommes en train de vivre, il s'agit d'appréhender la difficulté qu'il y a à articuler l'analyse et les modes d'organisation fondés sur les grands dualismes du capital et du travail, de l'économie et du politique, avec l'analyse et les modes d'organisation expérimentés à partir des années 1968, selon une logique de la multiplicité, qui agit souterrainement, transversalement et à côté desdits dualismes.

Ce livre voudrait ainsi contribuer à tracer et à travailler quelques pistes pour remédier à l'impuissance qui découle de cette difficulté - qui est aussi une impasse politique.

Moments politiques. Interventions 1977-2009

Moments politiques. Interventions 1977-2009
Rancière Jacques
Ed. La Fabrique

Ce livre rassemble des interventions répondant à la contrainte d'un présent : un conflit qui commandait de prendre parti et d'en donner les raisons - lois françaises sur l'immigration ou invasion américaine en Irak ; des événements d'importance variable - un débat sur le foulard à l'école, une canicule meurtrière ou une enquête sociologique anodine - qui permettent de saisir le fonctionnement actuel du pouvoir et les schémas d'interprétation qui nous gouvernent. Chacune de ces circonstances est l'occasion d'un double exercice : identifier la singularité d'un moment politique et dessiner la carte du présent qu'il définit.

La politique en effet existe par moments. Un moment, ce n'est pas simplement un éclat fugitif, c'est un autre poids jeté dans la balance où se pèsent les situations et se comptent les sujets aptes à les saisir, c'est l'impulsion qui déclenche ou dévie un mouvement, une possibilité de monde qui se rend perceptible et met en cause l'évidence d'un monde donné. La pensée politique est inséparable de la scansion de ces moments.

Depuis trente ans la contre-révolution intellectuelle a cherché à transformer toutes les luttes sociales et les mouvements d'émancipation du passé en prodromes du totalitarisme, toutes les affirmations collectives opposées au règne des oligarchies économiques et étatiques en symptômes d'égoïsme et d'arriération. Les interventions ici réunies veulent à l'inverse rendre sensibles les ruptures que les inventions égalitaires opèrent dans le tissu de la domination. Elles n'apportent pas le point de vue du savant ou du moraliste, mais seulement une contribution individuelle au travail par lequel individus et collectifs sans légitimité s'appliquent à redessiner la carte du possible.

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