Georges Bataille, cinquante ans après

Georges Bataille, cinquante ans après
Collectif
Ed. Editions nouvelles Cécile Defaut

Cinquante ans après la mort de Georges Bataille, nous avons souhaité faire le point sur l'état de la recherche concernant celui que Michel Foucault tenait pour «l'un des écrivains les plus importants de son siècle».

De là un colloque qui se tint en Sorbonne - la chose eût sans doute fait sourire Bataille. Les analyses présentées à cette occasion, et reproduites ici, s'organisent selon deux orientations majeures.

D'une part, le lecteur trouvera une série de mises au point sur les relations de Bataille avec ceux qui l'ont précédé (les grands mystiques, Lautréamont, Gide), ou ceux qui l'ont entouré (les surréalistes, Genet, Camus, ou encore les «misologues» dont parle Paulhan).

D'autre part, se dessine l'ouverture de pistes nouvelles : on y verra Bataille repenser la catégorie esthétique du sublime, fournir des armes contre les utopies post-humaines, inspirer une écrivain(e) américaine comme Kathy Acker.

Dans tous les cas, y compris - ou plutôt surtout - dans les études portant sur des récits comme Histoire de l'oeil ou Le Mort, il s'agit de faire entendre cette chanson de la sirène qu'est pour Bataille la littérature, chanson dans laquelle se composent la séduction et la terreur.

L'être du balbutiement. Essai sur Sacher-Masoch

L'être du balbutiement. Essai sur Sacher-Masoch
Quignard Pascal
Ed. Mercure de France

Pour comprendre, pour lire Sacher-Masoch, il faut d’abord se débarrasser de l’équivoque du masochisme et des interprétations cliniques ou philosophiques qu’on en a données. Reste alors une parole, dont l’être n’est pas affirmation, nomination claire et consciente de soi, mais balbutiement. La recherche de l’être de Masoch devient alors une sorte d’enquête étymologique, qui recourt aussi bien à l’étude des racines grecques et latines qu’à des sortes de parenthèses — sur Heidegger ou le Roman de Renart — permettant d’approcher, comme des ruses de guerre de l’esprit, l’énigme masochienne. Ainsi Pascal Quignard développe-t-il un discours qui n’est ni psychanalytique ni structuraliste, ni historique ni marxiste, mais dévoilement d’une lecture indépendante, elle-même insérée dans le vaste discours des œuvres littéraires, toujours contemporaines les unes des autres, toujours perdues les unes dans les autres, toujours en train de se lire.

En numérique chez Tropismes : L'être du balbutiement. Essai sur Sacher-Masoch

Histoire critique de la littérature latine

Histoire critique de la littérature latine
Laurens Pierre
Ed. Belles lettres

Ce que nous savons de la littérature latine et qui nous est présenté dans un cadre chronologique impeccable est une construction, une appropriation, fruit d'une conquête héroïque : des oeuvres arrachées au néant par le travail des copistes, retrouvées par les Pétrarque, les Poggio Bracciolini, infatigables chasseurs de manuscrits, rendues à leur vérité textuelle et historique par des philologues brûlant de l'ardor eruditionis, diffusées par les éditeurs, les traducteurs ; constamment réinterprétées, réinventées à travers une longue série d'aléas et de débats passionnés qui réactualisent le canon, débats qui dépassent l'académie, enflamment la République des Lettres, mobilisent notamment ces lecteurs privilégiés que sont les grands écrivains. Aussi ces pages, qui racontent l'histoire de cette histoire, offrent-elles, à côté de Virgile et d'Ovide, à côté de Politien, de Juste Lipse, de Lachmann, les noms de Montaigne, Hugo, Laurent Tailhade, Huysmans.

Rendu possible par les nombreux travaux qu'a suscités, par delà l'Humanisme, l'intérêt porté à l'histoire de la réception, le point de vue choisi commande l'organisation du livre. En premier lieu, détachés des autres par leur oeuvre polyvalente et réunis sous le titre, repris à Dante, de «La Bella scuola», quatre noms qui n'ont jamais disparu de l'horizon, astres majeurs au «ciel» de la littérature latine : Virgile, Cicéron, Horace, Ovide. Suivent, vaste zodiaque, les représentants des principaux genres de prose et de poésie : Philosophie (Lucrèce, Sénèque, les Platonismes), Histoire, Théâtre, Roman, les Genres poétiques (Épopée, Élégie, Satire, Épigramme, Fable et Silve, les Poètes «mineurs»), Épistoliers et Orateurs et enfin Théorie de l'éloquence. Une troisième partie est consacrée à la Littérature technique (Pline, Vitruve, etc.) et érudite (les polygraphes, les grammairiens). Écrit sous la plume savante et sensible de Pierre Laurens, enrichi de nombreux extraits en traduction, l'ouvrage se clôt par une quatrième partie consacrée à cette poussière d'étoiles qu'on appelle la «Littérature latine inconnue».

Une âme douce

Une âme douce
Minkine Alexandre
Ed. Syrtes

Une âme douce est une interrogation sur le théâtre de Tchekhov et sur la littérature, sa place dans la vie et sa dimension éthique. La Cerisaie et La Mouette sont encore aujourd'hui deux des pièces les plus populaires du répertoire dramaturgique mondial. Grand amoureux du théâtre, Alexandre Minkine cherche à renouveler la lecture des oeuvres de Tchekhov en les débarrassant des innombrables strates de commentaires qui pèsent sur leur réception.

Dans une « dramaturgie » savamment orchestrée, l'auteur revient aux indications scéniques de Tchekhov et à ses intentions initiales, en insistant sur des détails concrets, qui abondent le plus souvent en coulisses. Sa réflexion vise à redonner au théâtre son épaisseur existentielle et son impact social.

Le lecteur y découvrira un Tchekhov simple, proche, revitalisé et une approche sensible de l'art théâtral, ainsi qu'une exploration originale des voies de la culture dans le monde contemporain. Mais, en filigrane, il devinera également un plaidoyer pour la littérature et la langue russes.

Critique de la raison numérique, vol. 1. La forêt en mouvement

Critique de la raison numérique, vol. 1. La forêt en mouvement
Mazuet Dominique
Ed. Delga

Dominique Mazuet critique la politique des grandes enseignes, encouragée par les pouvoirs publics, qui vise à promouvoir le livre numérique aux dépens du livre papier, et dénonce une tentative de déqualification du métier de libraire. Or, ces nouvelles pratiques ne semblent pas correspondre aux envies des lecteurs, encore attachés au livre et à ce qu'il représente.

Camarade Mallarmé. Une politique de la lecture

Camarade Mallarmé. Une politique de la lecture
Hamel Jean-François
Ed. Minuit

Mallarmé a connu des vies posthumes que ne suffisent à conjurer ni le recours aux registres de l'état civil ni le retour au corpus de ses textes. À l'âge de l'existentialisme, les critiques littéraires inscriront la négativité de sa poésie dans les aventures de la dialectique. Aux grandes heures du structuralisme, les avant-gardes le croiront capable de réconcilier Marx et Saussure. Quand tomberont les statues de Lénine, les philosophes liront dans ses vers la mémoire d'un siècle de révolutions. Voici Mallarmé tel qu'en lui-même le XXe siècle le change.

Cette tradition interprétative, qui prend à revers la question de l'engagement littéraire, nous invite à reconnaître l'inventivité polémique des gestes de lecture et d'interprétation. Car ce n'est pas les intentions de l'écrivain qui produisent la signification politique des textes, mais les stratégies herméneutiques des lecteurs. La politique de la lecture qui a inventé la figure du camarade Mallarmé est un art du contretemps, toujours à la limite de l'anachronisme, qui rend perceptible, dans la littérature d'autrefois, une force d'opposition et de rupture toujours actuelle. Le destin politique de Mallarmé illustre les tours et détours d'une lecture engagée.

Correspondance. 1914-1922

Correspondance. 1914-1922
Marcel Proust & Jacques Rivière
Ed. Sillage

Jacques Rivière est l'un des premiers admirateurs de Proust. Rattrapant immédiatement l'erreur du comité de lecture Gallimard qui laissa Du côté de chez Swann paraître chez Grasset en 1913, il envoie à Proust des lettres d'une rare prescience et insiste pour publier dans la N. R. F. des extraits d'À l'ombre des jeunes filles en fleurs.

Interrompue par la guerre, leur relation renaît en 1919. Gallimard est devenu l'éditeur à part entière de Proust, et Rivière dirige désormais seul la N. R. F. Leurs fréquents échanges, dont la quasi-intégralité nous est parvenue, constituent l'une des plus exceptionnelles correspondances littéraires du XXe siècle ; ils se poursuivent durant les quatre dernières années de la vie de Proust. Alité, il corrige, remanie et publie peu à peu son chef-d'oeuvre, sans toujours simplifier la tâche d'un Jacques Rivière qu'il tient pourtant en haute estime, et dont le dévouement reste inlassable.

Correspondance. 1927-1942

Correspondance. 1927-1942
René Daumal & Léon Pierre-Quint
Ed. Ypsilon

Exhumer la figure de Léon Pierre-Quint, personnage complexe injustement oublié, critique littéraire et éditeur majeur de la première moitié du vingtième siècle & démystifier la légende inepte du «sage» ou de l'«ange» dont est entachée l'image de René Daumal, l'un des hommes, certes poète, les plus radicalement lucides que l'entre-deux guerres ait connu - voilà le mérite de cette correspondance inédite.

Des balbutiements du Grand Jeu aux années noires de la 2de guerre mondiale, ce ne sont pas moins de 180 lettres, ici dévoilées, qui témoignent des échanges entre le très attentif directeur-passeur des éditions du Sagittaire, et un René Daumal du quotidien qui n'a «pas d'autre gagne-pain qu'écrire, réviser, traduire, corriger des épreuves, rédiger des 'prières d'insérer', [...] etc. en tirant fréquemment la langue», et qui dans l'envoi de sa Guerre sainte écrit : «À Léon Pierre-Quint / qui avidement en chacun / cherche la / Pierre angulaire / et / la Quint e-essence / et le lieu / où les Solitudes se rencontrent».

Oeuvres complètes, vol. 1. Céline Arnauld

Oeuvres complètes, vol. 1. Céline Arnauld
Céline Arnauld & Paul Dermée
Ed. Classiques Garnier

Il n'est pas courant dans l'histoire des lettres que l'on publie les oeuvres d'un couple d'écrivains. Tous deux oubliés, ils furent cependant des précurseurs : créateurs et animateurs de revues, amis des plus grands écrivains et peintres. D'origine roumaine, Céline Arnauld (1885-1952), pseudonyme de Carolina Goldstein, forte d'une licence de lettres, réalisa son oeuvre personnelle de poète tout en étant la collaboratrice de son mari. D'origine belge, Paul Dermée (1886-1951), pseudonyme de Camille Janssen, poète, critique, fut un des pionniers de la radio française ; sa formation scientifique et littéraire le désignait pour des fonctions de journaliste littéraire de radio.

Le voyage des mots. De l'Orient arabe et persan vers la langue française

Le voyage des mots. De l'Orient arabe et persan vers la langue française
Rey Alain
Ed. Guy Trédaniel

Tel un cortège de Rois mages apportant à l'Europe les richesses de l'Orient, un trésor de mots arabes est venu enrichir les moyens verbaux qui nous permettent de nommer le monde. Du Ciel à la Terre, des sciences aux croyances, des substances naturelles aux étoffes et aux vêtements, de la guerre à la paix, maints domaines de notre expérience peuvent cacher ou dévoiler leur origine orientale, qu'elle soit savante, poétique ou familière.

Les mots arabes en français sont souvent surprenants, inattendus, comme la houle de l'océan, le chiffre des calculs, l'élixir et l'ambre, et, dans la vie commerciale, le magasin ou la douane. Le confort n'est pas absent ; non seulement le divan et le sofa sont « arabes », mais aussi le matelas. Que les mots « babouche » et « fez » soient orientaux, on ne s'en étonne guère ; mais le « châle », le « gilet », la « jupe » ? Et la « coupole », le « masque » et la « mascarade » ?

Le Voyage des Mots de l'Orient arabe, persan ou turc vers le français, souvent par l'Italie et l'Espagne, est évoqué ici précisément, mais aussi poétiquement et artistiquement. Car l'écriture arabe, avec ses « arabesques », est un lieu de beauté et de plaisir, en admirables calligraphies décoratives.

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