Dans la famille Delbast, cinq frères et s?urs précèdent Fanny. À sa naissance, son frère aîné a vingt ans.
Dans cette fratrie, sa place est illusoire, son identité le plus souvent réduite à un numéro pour éviter la confusion des prénoms. Petite fille solitaire, Fanny adore son père, mais il ne la voit pas. Trop de choses les séparent, trop de vie, de retenue aussi.
Après le très beau Bord de mer, Véronique Olmi aborde de nouveau le thème de l'amour filial avec une sensibilité remarquable. Mais, à travers la figure du père, c'est aussi de la bourgeoisie catholique qu'il est question ici, et de l'insidieuse violence par laquelle ce monde bien-pensant est capable de verrouiller la vie d'un enfant.
J'allais souvent céder à l'appel de l'innommable frontière, tout au long de ces années quatre-vingt, m'engouffrer dans le flanc est de la bête nommée Europe, découvrant à chaque passage un lieu inamovible et insoupçonné de la nostalgie, qui peut-être n'est que la voix de la mémoire; tout autour se levait un théâtre, un monde de fantômes qui cherchaient encore leur port en chuchotant hâtivement leur histoire à qui se souciait de l'entendre. Et le froid, sous son écorce, scellait l'empreinte d'une rencontre.
Le vieil empire faisait encore entendre ses voix aux abords des frontières : le hongrois pénétrait par l'ouest en Transylvanie, par le sud en Moravie; l'allemand par le nord en Hongrie et en Moldavie, par l'ouest en Bohême, l'ukrainien se mêlait au roumain et au russe dans une poche orientale; ce monde était un monde de minorités dispersées, traversé de colonies et de mouvances.
Cette matrice de l'Europe orientale, je l'avais poursuivie depuis ma naissance, me mouvant à tâtons dans une contrée où l'âme se languissait, j'étais peu à peu remonté à lentes brasses vers ses eaux, cherchant le courant qui me guiderait vers de nouveaux échos. S.B.
Présentation de l'éditeur
« Pour Vollard, Eva devenait la petite Chartreuse. Silencieuse sans en avoir fait le v?u. La très pâle moniale.
L'enfant cloîtrée. L'enfant privée de voix et de joie, privée d'enfance. Mais au fil de ces errances dans la Chartreuse, bizarrement, ce n'était pas le poids écrasant et absurde de l'accident que Vollard ressentait en compagnie de la petite fille, mais un inexplicable allègement, un soulagement, un apaisement dû à ce rituel de marche lente, de silence, de contemplation de choses infimes. Comment un si petit être, émettant si peu de signes, pouvait-il lui donner cette impression de discret équilibre ? Le sentiment confus que tout pouvait se résumer à ce va-et-vient entre la librairie et l'hôpital s'intensifiait encore en passant, Eva à ses côtés, du centre spécialisé à la nature sauvage. » P.P.
Romancier, spécialiste du romantisme allemand, directeur de programme au Collège international de Philosophie, Pierre Péju nous fait cadeau ici d'un livre simplement splendide.
Quand on est un jeune intellectuel équilibré et progressiste, débuter sa carrière dans un collège infesté par la violence et l'antisémitisme pourrait suffire à engendrer des doutes. Il y a pire. Se laisser entraîner dans un cercle de notables provinciaux adonnés aux sciences occultes, à l'extrémisme politique et aux perversions sexuelles. Découvrir le contenu atroce de la bibliothèque d'un collectionneur mystérieusement disparu. Se demander s'il ne va pas revenir demander des comptes. Finir par se croire manipulé, ou possédé. Peu à peu monte l'angoisse d'être parasité par une autre personnalité. Mais laquelle ? La petite ville de Logres, où se déroulent ces événements, est un condensé ténébreux, effrayant et dérisoire de notre monde. Aux limites du réalisme et du fantastique, Festins secrets se livre à un décorticage de la sexualité moderne, à une satire cruelle du Léviathan éducatif et du monstre médiatique. Il s'agit aussi d'une anthologie des mauvaises pensées, d'un récit métaphysique sur le Mal, où apparaissent les figures voilées d'Orphée, du double, du diable.
Présentation de l'éditeur
Après avoir respiré les vapeurs nocives dans l'imprimerie où il travaille, monsieur Carossa tombe malade.
Par crainte d'un licenciement, il demande au médecin le silence. Et puis, un jour, il ne se lève pas. Comme un animal écrasé sur la route, il gît, à même le drap?
Dans un style d'une simplicité absolue, Yves Ravey parle de gens qui ne parlent jamais d'eux-mêmes, évoque subtilement, et comme en creux, la droiture tenace d'un homme et la résignation d'une femme.
L'auteur du très beau Cours classique signe ici un roman bref et émouvant.
Résumé
Le mot amour a, dans le langage, un statut très singulier : c'est un mot qu'il est facile de prononcer, mais qu'il est difficile d'entendre, l'eût-on longtemps attendu. Il a le pouvoir de donner vie et mort, les deux parfois se confondant.
Les quatre dialogues réunis ici mettent en scène quatre couples que hante une amitié amoureuse : Artemisia Gentileschi et Galilée, Julie Talma et Benjamin Constant, Eleonora Duse et Gabriele D'Annunzio, Maria Callas et Pier Paolo Pasolini.
Les quatre femmes sont des artistes qui vécurent la passion sur scène ou sur la toile. Toutes les quatre en ont retiré des plaisirs incertains. Artemisia fut tentée d'abandonner les sujets sanglants de ses tableaux. Julie renonça très vite à sa carrière de comédienne pour assurer celle de son mari. La Duse, enfant de la balle, aurait souhaité pouvoir se passer du public et du théâtre, mais, à l'exception de quelques mois de silence, ne se permit aucune pause et mourut en tournée. La Callas perdit sa voix et crut, l'espace de quelques années, préférer la vie à la scène, avant de comprendre qu'elle n'avait d'existence que par son art qui l'avait abandonnée. Toutes les quatre ont été, par ailleurs, sinon de grandes amoureuses, du moins des femmes obsédées par la représentation narcissique de l'amour, dans sa violence tragique. Aucune ne fut fidèle, aucune n'inspira de fidélité amoureuse.
Les quatre hommes qui furent leurs amis respectifs multiplièrent liaisons ou aventures. Aucun ne connut d'amour heureux.
Présentation de l'éditeur
Sur Mathilde Klein, retrouvée noyée devant l'étrave d'une péniche, on ne saura pas grand chose.
Devant l'enquêteur Baptiste Dridi, son mari Simon Klein, psychanalyste reconnu, soutiendra jusqu'au bout l'hypothèse du suicide. Le policier, à la mémoire troublée par le suicide de sa propre mère quand il était enfant, est tenté de la croire.
Dominique Sigaud nous entraîne dans une plongée glaciale vers les arrières-pensées des deux narrateurs. À travers leur confrontation, elle dresse un constat sans espoir des petitesses intimes et des compromis sociaux et dessine un portrait rageur, amer et violent de la société contemporaine.
Premier roman
Un homme rêve de retrouver une femme qu'il a aimée. Un maître espion cherche à recruter une taupe. Leurs chemins se croisent. Cela s'est passé au XXe siècle.
Présentation de l'éditeur
Waltenberg, hôtel Waldhaus, est le lieu où se retrouvent les personnages principaux de ce roman qui s'étend de 1914 à la chute de l'Union soviétique et qui est à la fois l'histoire d'amour de Hans, romancier allemand, et de Lena, cantatrice américaine, l'histoire d'amitié entre Hans et Max, journaliste français, une histoire d'espionnage et une fresque historique.
Les Pays immobiles est un roman inclassable - «une réponse, écrit Bayon, à la question 'Tu écris ?' qu'on me pose.»
Or la réponse est un entrelacs énigmatique de romans «inexprimables», combinatoire d'aventures, figures, passions et compassions, farces, décors, peurs et pages, qui font un grand livre voué à l'écriture autant qu'à la vie.
Impossible de résumer les lieux où file la narration : le Nil brûlé ; le Finistère l'hiver ; Montmartre la nuit ; l'Afrique noire où l'auteur et son frère martyrisent un «enfant-bouddha» ; l'au-delà.
Car les Pays immobiles communiquent avec les esprits : Michel l'ange mourant pour qui Bayon sera «mangeur de péchés», ou Thierry-Noël le Peter Pan togolais.
A chaque page la même violence, une langue lyrique et nette. Notre héros a aimé, beaucoup, pays et «fées». Certaines sont nommées, d'autres sont des fantômes, certaines enfin sont au bord du secret : compagne trompée dans la pièce à côté, dame d'ivoire post-colonial...
Immobile et cruel, comme le jeune homme qui accroche une «nature morte» au-dessus de son lit de plaisir, ce livre nous emprisonne, nous libère, et par son écriture hantée ne parle que d'écriture.
Présentation de l'éditeur