Enfants sauvages. Approches anthropologiques

Enfants sauvages. Approches anthropologiques
Strivay Lucienne
Ed. Gallimard

Pourquoi les enfants que l'on dit avoir été adoptés par des animaux, qui ont connu le traumatisme d'un isolement total dans la nature ou une claustration prolongée suscitent-ils tant de fascination ? D'où vient, par exemple, que la presse d'aujourd'hui ait trop rapidement tendance à parler d'enfant sauvage à propos de cas de maltraitance ou de marginalisation d'un jeune, quand l'anthropologie ne semble plus s'en préoccuper ?

On n'a pas toujours ni partout parlé d'enfant sauvage. C'est surtout en Occident, pendant deux ou trois siècles (du XVIe au XVIIIe), qu'il est au coeur d'une recherche sur la nature de l'homme, sa sensorialité, sa stature, sa subsistance, la nécessité ou non de sa vie sociale, son esprit ou son langage.

Qu'est-ce donc qui a pu faire émerger comme un modèle, impliquant l'ensemble des connaissances - philosophie, science politique, droit, histoire naturelle, médecine et psychologie -, ce qui n'était resté longtemps qu'une curiosité assez anecdotique et qui a fini par redevenir un fait divers ? se demande l'anthropologue Lucienne Strivay. Sans refaire une histoire critique des témoignages, ni trancher l'alternative sommaire entre sauvagerie et déficience mentale, elle entreprend ici l'archéologie conceptuelle de cette figure essentielle.

Comment est-on passé de la fable, des mythes, des contes, des textes sacrés ou des hagiographies, ou encore des curiosités naturelles, au questionnement sur les origines : celles des langues, des sociétés, de la culture, de l'homme ? Comment les enfants sauvages ont-ils été utilisés par la pensée occidentale comme un instrument de projection jusqu'à représenter la faille ou la caution des valeurs de la culture ?
Présentation de l'éditeur

Le Monde des Femmes

Le Monde des Femmes
Touraine Alain
Ed. Fayard

A la question «Qui êtes-vous?», les femmes d'aujourd'hui répondent successivement: «Je suis une femme», «Je me construis comme femme» et «Je le fais d'abord par la sexualité».

Les femmes, comme le révèle l'enquête de terrain sur laquelle repose ici l'analyse, nourrie par ailleurs des débats les plus actuels, vivent dans un univers cohérent de représentations et de pratiques, qui apparaît profondément différent de celui des hommes parce qu'il est orienté vers la création de soi et la recomposition de la société, alors que les hommes avaient conquis le monde en concentrant les ressources dans les mains de certains d'entre eux et en réduisant les travailleurs, les colonisés, les femmes et les enfants à des figures de l'infériorité. Parce qu'elles n'avaient été définies que comme l'autre de l'homme, selon le mot de Simone de Beauvoir, elles cherchent maintenant à dépasser, pour elles-mêmes et pour les hommes, l'opposition du corps et de l'esprit, de la vie privée et de la vie publique, des hommes et des femmes.

Avec les femmes, la conquête du monde s'efface devant la construction de soi. Faut-il s'étonner, dans ces conditions, qu'elles assument avec tant d'évidence et de détermination l'avènement de cet univers à dominante culturelle qui s'impose à nos yeux?
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Famille, vol. 1. Le recul de la mort. L'avènement de l'individu contemporain

Famille, vol. 1. Le recul de la mort. L'avènement de l'individu contemporain
Yonnet Paul
Ed. Gallimard/Bibliothèque des sciences humaines

Du milieu du XVIIIe siècle à nos jours, la mortalité maternelle a été divisée par 131, et la mortalité infantile par 69. À présent, dans les sociétés développées, les enfants qui naissent et leurs mères sont assurés de vivre. L'enfant désiré est le point de rencontre de ce repli de la mort, déplacée vers la vieillesse, et d'une longue histoire de contention puis de réduction de la fécondité, un processus propre à l'Europe de l'Ouest, marqué par trois stades : le recul de l'âge au mariage ; la chute de la fécondité à l'intérieur du mariage (réponse au recul de la mortalité infanto-juvénile) ; la mise au point de techniques efficaces de prévention des naissances non désirées. Alors, la société n'a plus besoin du mariage comme opérateur de la réduction de la fécondité et il n'est plus nécessaire d'interdire les relations sexuelles précoces pour garantir la collectivité contre l'excès des naissances.

C'est la logique de l'enfant désiré qui façonne l'individu moderne et organise sa psychologie. De « cellule de base » de la société, la famille devient la « cellule de base » de l'individu.

Articulant les savoirs de nombreuses disciplines, cet ouvrage, qui rend intelligible ce qu'on appelle l'individualisation, en constitue, à tout point de vue, une nouvelle définition.
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Le bonheur paradoxal. Essai sur la société d'hyperconsommation

Le bonheur paradoxal. Essai sur la société d'hyperconsommation
Lipovetsky Gilles
Ed. Gallimard

Sous-tendu par la nouvelle religion de l'amélioration continuelle des conditions de vie, le mieux-vivre est devenu une passion de masse, le but suprême des sociétés démocratiques, un idéal exalté à tous les coins de rue. Nous sommes entrés dans une nouvelle phase du capitalisme : la société d'hyperconsommation.

Un Homo consumericus de troisième type voit le jour, une espèce de turbo-consommateur décalé, mobile, flexible, largement affranchi des anciennes cultures de classe, imprévisible dans ses goûts et ses achats, à l'affût d'expériences émotionnelles et de mieux-être, de qualité de vie et de santé, de marques et d'authenticité, d'immédiateté et de communication. La consommation intimisée a pris la relève de la consommation honorifique dans un système où l'acheteur est de plus en plus informé et infidèle, réflexif et «esthétique». L'esprit de consommation a réussi à s'infiltrer jusque dans le rapport à la famille et à la religion, à la politique et au syndicalisme, à la culture et au temps disponible. Tout se passe comme si, dorénavant, la consommation fonctionnait tel un empire sans temps mort dont les contours sont infinis.

Mais ces plaisirs privés débouchent sur un bonheur blessé : jamais, montre Gilles Lipovetsky, l'individu contemporain n'a atteint un tel degré de déréliction.
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Journal imaginaire

Journal imaginaire
Vaneigem Raoul
Ed. Cherche midi

Il n'est rien de plus exaltant qu'une intelligence en mouvement obligeant le lecteur à incendier ses certitudes et autres préjugés. Certes, une fois encore, Raoul Vaneigem célèbre la vie, non celle qui nous est faite, mais celle qui serait si les hommes s'appartenaient enfin.

Loin des diaristes ordinaires qui ne voient pas plus loins que leurs petites misères existentielles, Raoul Vaneigem nous entraîne à travers ce Journal imaginaire dans le tourbillon de ses idées. Nombre de ses phrases sonnent comme des aphorismes cinglants. Des insolences à portée de coeur.
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Roland Barthes. Le métier d'écrire

Roland Barthes. Le métier d'écrire
Marty Eric
Ed. Seuil

Pourquoi Roland Barthes ? C'est peut-être à cette interrogation que le présent livre tente de répondre. Plus de vingt-cinq ans après sa mort, mais aussi, après la disparition, dans les années qui suivirent, de toute une génération qui avait donné un sens neuf à l'acte de penser, une telle question n'est pas indécente. Davantage qu'une nécessité, elle trouve un certain charme à être posée.

Roland Barthes, le métier d'écrire expose Barthes à trois lectures : « Mémoire d'une amitié », récit autobiographique qui raconte au quotidien les dernières années ; « L'oeuvre », qui parcourt la totalité des textes dans leur déploiement chronologique et singulier ; « Sur les Fragments d'un discours amoureux », séminaire qui décrypte la stratégie souterraine du livre le plus connu de Barthes, à travers les motifs obsédants de l'Image et du « Non-Vouloir-Saisir ».

Le témoignage, le panorama, le séminaire : tout cela constitue un véritable cheminement. Au récit de la rencontre du jeune disciple avec le maître succèdent une méditation sur l'oeuvre et son exploration minutieuse. « Le métier d'écrire » devient alors la formule même de la vie d'écrivain. E.M.

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La vierge et le neutrino. Les scientifiques dans la tourmente

La vierge et le neutrino. Les scientifiques dans la tourmente
Stengers Isabelle
Ed. Empêcheures de penser en rond

Les scientifiques se sentent trahis. Ils dénoncent une montée de l'irrationalité et du relativisme sceptique. Mais ils savent aussi que leur ancienne alliance avec l'État est morte : celui-ci ne rêve plus que de brevets, de percée technologique, d'économie de la connaissance. Enfin, ils sont confrontés, comme on l'a vu dans le cas des OGM, à un nouveau type de «public» posant des questions gênantes au lieu de faire confiance au progrès. Ce public, gênant mais pertinent, pourrait bien être un allié indispensable pour les scientifiques menacés d'asservissement, mais une telle alliance a un prix : elle demande que les scientifiques rompent avec les mots d'ordre qui font d'eux la tête pensante d'une humanité en progrès.

Le pari de ce livre est que les scientifiques peuvent se présenter avec d'autres mots que ceux qui opposent la science à ce qui ne serait qu'opinion, croyance ou superstition. Il tente de forger de tels mots, qui permettent d'affirmer ensemble, sans confusion ni hiérarchie, des pratiques qui divergent, par exemple celle des pèlerins s'adressant à la Vierge et celle qui a autorisé à attribuer une masse au neutrino.
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Le singe en nous

Le singe en nous
de Waal Frans
Ed. Fayard/Le temps des sciences

Et si la psychologie humaine s'inscrivait dans le prolongement de celle des animaux, qu'il s'agisse de la violence, de l'empathie, ou même de la morale ?

C'est la thèse que défend Frans de Waal, primatologue de réputation internationale, dans Le Singe en nous : il s'oppose aux théories de l'exception humaine, qu'elles fassent de l'homme une espèce destinée à dépasser une animalité mauvaise ou qu'elles le présentent comme une aberration de la nature, dont les progrès techniques et intellectuels sont peu en rapport avec sa capacité à gérer son agressivité.

À travers l'étude des deux grands singes qui nous sont le plus proches, le chimpanzé et le bonobo, Frans de Waal décrypte notre comportement. Si les chimpanzés incarnent notre face agressive, les bonobo correspondent au versant doux et empathique de l'espèce humaine : primates pacifiques, ils vivent dans des sociétés matriarcales où la fréquence des rapports sexuels permet d'aplanir les conflits. En s'appuyant sur nombre d'anecdotes fascinantes, mais aussi sur des recherches approfondies, l'auteur brosse un portrait du « singe bipolaire » qu'est l'homme. Il utilise aussi le formidable laboratoire que constituent les sociétés de chimpanzés et de bonobos pour aborder les problèmes de la vie en commun chez les êtres humains.

Incroyable réservoir d'informations sur la vie des grands singes, ce livre tend à l'humanité un miroir qui lui permettra peut-être de mieux gérer ses propres instincts.
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Fragilité

Fragilité
Carrière Jean-Claude
Ed. Odile Jacob

«J'ai rencontré quelques grands ancêtres, Shakespeare et Dostoïevski, les auteurs inconnus du Mahâbhârata, Corneille, Chateaubriand, Balzac, Proust. Ils m'ont appris ce que je savais sans doute déjà : un personnage ne peut nous toucher que lorsque nous avons trouvé en lui ce que nous appelons 'vulnérabilité'.

Tout le théâtre, tout le cinéma, toute la littérature, toute forme d'expression repose sur la fragilité. Elle est notre source cachée, le moteur de toute émotion et de toute beauté.

Acceptons-la. Revendiquons-la. Soyons frêles mais souples.

Et calmes devant l'inconnu.

Nous devons préserver notre fragilité comme nous devons sauver l'inutile. L'inutile, parce qu'il nous sauve du simple calcul productif, maître du monde. Il nous permet de nous en évader, il est notre issue de secours. La fragilité, parce qu'elle nous rapproche les uns des autres, alors que la force nous éloigne.»
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Dépression. La grande névrose contemporaine

Dépression. La grande névrose contemporaine
Chemama Roland
Ed. Erès

«Le sujet déprimé ne veut pas donner au passé un sens nouveau en fonction d'un avenir : l'avenir, il se refuse à l'imaginer. Il répète, comme chacun d'ailleurs. Mais lui tient à ce que cette répétition soit un retour du même. Je force ici à peine le trait. Il peut très bien reconnaître assez vite que c'est bien là sa position. À preuve le fait que, lorsque quelque chose de favorable surgit dans son existence, de façon généralement inattendue, il peut entrer dans le plus grand désespoir.

Pourquoi en est-il ainsi ? Vous comprendrez que je ne peux vous éclairer d'un seul coup sur ce type de mécanismes. En revanche, ce que je me proposerai de faire, dans une prochaine lettre, c'est de commencer à vous parler de l'évolution historique de notre rapport au temps. Vous verrez qu'elle n'est pas étrangère aux questions de notre clinique.»

Sous la forme d'une série de lettres adressées à celui qui fut, dans Clivage et modernité (érès, 2003), son interlocuteur, l'auteur tente de situer quelques éléments structuraux de ce qu'aujourd'hui nous nommons dépression. Ce diagnostic est en effet fréquemment évoqué pour qualifier des difficultés subjectives diverses. Faut-il lui contester toute pertinence ? La dépression présente-t-elle une unité, au moins à un certain niveau ? Plutôt qu'humeur sinistre, elle apparaît comme un désinvestissement radical du désir, associé à une paralysie de l'action, qui conjoint l'impuissance et l'utopie. Retrouvant ici ce par quoi Lacan caractérisait «la grande névrose contemporaine», l'auteur, dans une écriture littéraire, à la fois rigoureuse et accessible, rend compte de cette «maladie du siècle».
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