Le passage de témoin. Une philosophie du témoignage

Le passage de témoin. Une philosophie du témoignage
Pierron Jean-Philippe
Ed. Cerf/La nuit surveillée

Ecce homo, voici l'homme, voici le témoin, le médiateur privilégié et pourtant si fragile de la vérité. Car de quelle vérité le témoin est-il médiateur? Il pourrait bien s'agir d'une vérité flatteuse pour l'émotion mais sans doute bien moins pour la raison.

La tentation esthétique conduit souvent à enjoliver la réalité et à tomber dans l'apologie ou l'hagiographie. Sans compter le faux témoignage ou le contre-témoignage. Fragile est donc le témoin et d'autant plus fragile est sa vérité - toujours noué charnellement à son propos sans pour autant se confondre avec ce dont il témoigne. Le témoin n'a d'ailleurs rien de nouveau à dire; tout est dans sa façon de le dire. C'est ainsi qu'une histoire singulière est touchante et devient susceptible d'en engager d'autres. Aussi, en plus d'une esthétique, il faut rappeler une éthique du témoignage qui apparaît alors comme le préalable à toute éthique de la discussion pour notre temps.
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Les philosophes et la question de Dieu

Les philosophes et la question de Dieu
Luc Langlois & Yves Charles Zarka (dir.)
Ed. PUF/Fondements de la politique

La thèse de la mort de Dieu a obsédé, et obsède encore, la philosophie contemporaine depuis Nietzsche au moins, au point qu'il semble que nous devions comprendre notre temps comme celui d'un deuil paradoxal, parce que sans fin, à la mesure de son objet infini. Toutes les considérations sur le désenchantement du monde, la fin de la représentation symbolique, la perte du sens, l'évanouissement de toute perspective eschatologique, voire la fin de la religion, indéfiniment reprises et répétées, en sont la conséquence. Il ne faut cependant pas prendre cette thèse à la légère. Il faut en mesurer tout le poids pour en évaluer la portée : la destitution de Dieu, l'annulation de la transcendance ou de l'ex-cendance, pour reprendre une expression d'Emmanuel Levinas, au-delà des êtres, au-delà même de l'être. La thèse veut dire la chose suivante : Dieu est mort, parce qu'il n'aura jamais vécu qu'une vie de représentation, dans la croyance, la foi ou le concept, en tout cas dans l'esprit de l'homme. Il n'aura vécu que la vie que l'homme lui aura prêtée. L'homme et Dieu se faisant ainsi face, il n'est pas étonnant que la thèse de la mort de l'homme ait suivi de près celle d'un Dieu qui n'est plus désormais conçu comme son créateur, mais simplement comme sa créature. La pensée contemporaine peut à certains égards se ramener à cette inversion des rôles et à cette double mort. Mais par là même notre temps ne peut esquiver une question majeure, celle qu'il convient absolument de poser : comment surmonter le nihilisme ? Comment surmonter un nihilisme - qui prend parfois la figure de nouveaux dieux - dont la forme extrême a conduit le XXe siècle à la catastrophe, à la barbarie inouïe ?

Cette interrogation constitue l'horizon à partir duquel la question philosophique de Dieu se trouve ici reposée à nouveaux frais. Que reste-t-il de ce que les philosophes ont dit de Dieu ? Que reste-t-il d'un savoir de Dieu, d'un savoir de celui qui dépasse tout savoir ? N'y a-t-il là qu'une prétention exorbitante, une illusion qui a traversé la plus grande part de l'histoire de la philosophie ? A l'inverse, les manières dont les philosophes ont pensé Dieu ne sont-elles pas susceptibles de frayer de nouveaux chemins à la pensée vers l'altérité, la transcendance ? Ne peut-on y trouver un rempart contre des formes de sacralisation nouvelles du séculier qui capturent la subjectivité ou manipulent politiquement les volontés ?

L'ambition de ce volume est de restituer l'interrogation philosophique sur Dieu dans sa diversité, sa force et ses métamorphoses, hier et aujourd'hui.
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Changer de société. Refaire de la sociologie

Changer de société. Refaire de la sociologie
Latour Bruno
Ed. Découverte/Armillaire

402« Il faut changer de société », dit-on souvent et on a bien raison, car celle où nous vivons est souvent irrespirable. Mais, pour y parvenir, il faut peut-être d'abord s'efforcer de changer la notion même de société. En effet, il y a maintenant une tension de plus en plus forte entre pratiquer la sociologie, penser la politique et croire en l'idée de société. Afin de trouver une issue, ce livre veut d'abord pousser cette tension à bout.

C'est pourquoi il faut distinguer deux définitions du social. La première, devenue dominante dans la sociologie, présente le social comme l'ombre projetée par la société sur d'autres activités, par exemple l'économie, le droit, la science, etc. Dans cette optique, le social ne change jamais puisque la société est toujours déjà là, et le sociologue peut tranquillement continuer à produire des « explications sociales ». La seconde préfère considérer le social comme l'association nouvelle entre des êtres surprenants qui viennent briser la certitude confortable d'appartenir au même monde commun. Dans ce second sens, le social se modifie constamment ; pour le suivre, il faut d'autres méthodes d'enquête, d'autres exigences, d'autres terrains. C'est grâce à eux qu'il sera possible d'étudier les nouvelles « associations », toujours imprévues, entre, par exemple, les virus, les pénuries, les passions, les innovations techniques, les pays émergents, les rumeurs, les catastrophes naturelles, etc.

C'est à retracer le social comme association que s'attache depuis trente ans ce qu'on a appelé la « sociologie de l'acteur-réseau » et que Bruno Latour présente dans ce livre. Sa proposition est simple : entre la société et la sociologie, il faut choisir. De la même manière que la notion de « nature » rend la politique impossible, il faut maintenant se faire à l'idée que la notion de société, à son tour, est devenue l'ennemie de toute pensée du politique. Ce n'est pas une raison pour se décourager, mais l'occasion de refaire de la sociologie.
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Logiques des mondes. L'être et l'événement, 2

Logiques des mondes. L'être et l'événement, 2
Badiou Alain
Ed. Seuil/L'ordre philosophique

Logiques des mondes, auquel Alain Badiou travaille depuis une quinzaine d'années, est conçu comme une suite de son précédent « grand » livre de philosophie, L'être et l'événement, paru aux Éditions du Seuil en 1988. Mais que veut dire « suite » ? En 1988, le propos ontologique consistait, avec l'appui des mathématiques, à établir que l'être, pensé comme tel, n'est que multiplicité indifférente. Le problème devient alors le suivant : comment, sur fond de cette indifférence, comprendre, non seulement qu'il y ait des vérités, mais qu'elles apparaissent dans des mondes déterminés ? Qu'est-ce que le corps visible, ou objectif, d'une vérité ? Cela ne se laisse pas déduire de l'ontologie. Il faut construire une logique de l'apparaître, une phénoménologie. Telle est la visée du présent livre : une « Grande Logique » qui, rendant raison de l'ordre des mondes, autorise la pensée des vérités comme exceptions à cet ordre. Le matérialisme contemporain soutient qu'il n'y a que des corps et des langages. La dialectique matérialiste, ici argumentée dans ses moindres détails, affirme, elle : oui, il n'y a que des corps et des langages, sinon qu'il y a des vérités. Ce n'est que sous l'effet de ce « sinon que » qu'est encore possible une vie qui ne soit pas indigne. Une vie où l'individu démocratique s'incorpore à ce dépassement de sa propre existence qu'on appelle un Sujet.
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Enfants sauvages. Approches anthropologiques

Enfants sauvages. Approches anthropologiques
Strivay Lucienne
Ed. Gallimard

Pourquoi les enfants que l'on dit avoir été adoptés par des animaux, qui ont connu le traumatisme d'un isolement total dans la nature ou une claustration prolongée suscitent-ils tant de fascination ? D'où vient, par exemple, que la presse d'aujourd'hui ait trop rapidement tendance à parler d'enfant sauvage à propos de cas de maltraitance ou de marginalisation d'un jeune, quand l'anthropologie ne semble plus s'en préoccuper ?

On n'a pas toujours ni partout parlé d'enfant sauvage. C'est surtout en Occident, pendant deux ou trois siècles (du XVIe au XVIIIe), qu'il est au coeur d'une recherche sur la nature de l'homme, sa sensorialité, sa stature, sa subsistance, la nécessité ou non de sa vie sociale, son esprit ou son langage.

Qu'est-ce donc qui a pu faire émerger comme un modèle, impliquant l'ensemble des connaissances - philosophie, science politique, droit, histoire naturelle, médecine et psychologie -, ce qui n'était resté longtemps qu'une curiosité assez anecdotique et qui a fini par redevenir un fait divers ? se demande l'anthropologue Lucienne Strivay. Sans refaire une histoire critique des témoignages, ni trancher l'alternative sommaire entre sauvagerie et déficience mentale, elle entreprend ici l'archéologie conceptuelle de cette figure essentielle.

Comment est-on passé de la fable, des mythes, des contes, des textes sacrés ou des hagiographies, ou encore des curiosités naturelles, au questionnement sur les origines : celles des langues, des sociétés, de la culture, de l'homme ? Comment les enfants sauvages ont-ils été utilisés par la pensée occidentale comme un instrument de projection jusqu'à représenter la faille ou la caution des valeurs de la culture ?
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Le Monde des Femmes

Le Monde des Femmes
Touraine Alain
Ed. Fayard

A la question «Qui êtes-vous?», les femmes d'aujourd'hui répondent successivement: «Je suis une femme», «Je me construis comme femme» et «Je le fais d'abord par la sexualité».

Les femmes, comme le révèle l'enquête de terrain sur laquelle repose ici l'analyse, nourrie par ailleurs des débats les plus actuels, vivent dans un univers cohérent de représentations et de pratiques, qui apparaît profondément différent de celui des hommes parce qu'il est orienté vers la création de soi et la recomposition de la société, alors que les hommes avaient conquis le monde en concentrant les ressources dans les mains de certains d'entre eux et en réduisant les travailleurs, les colonisés, les femmes et les enfants à des figures de l'infériorité. Parce qu'elles n'avaient été définies que comme l'autre de l'homme, selon le mot de Simone de Beauvoir, elles cherchent maintenant à dépasser, pour elles-mêmes et pour les hommes, l'opposition du corps et de l'esprit, de la vie privée et de la vie publique, des hommes et des femmes.

Avec les femmes, la conquête du monde s'efface devant la construction de soi. Faut-il s'étonner, dans ces conditions, qu'elles assument avec tant d'évidence et de détermination l'avènement de cet univers à dominante culturelle qui s'impose à nos yeux?
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Famille, vol. 1. Le recul de la mort. L'avènement de l'individu contemporain

Famille, vol. 1. Le recul de la mort. L'avènement de l'individu contemporain
Yonnet Paul
Ed. Gallimard/Bibliothèque des sciences humaines

Du milieu du XVIIIe siècle à nos jours, la mortalité maternelle a été divisée par 131, et la mortalité infantile par 69. À présent, dans les sociétés développées, les enfants qui naissent et leurs mères sont assurés de vivre. L'enfant désiré est le point de rencontre de ce repli de la mort, déplacée vers la vieillesse, et d'une longue histoire de contention puis de réduction de la fécondité, un processus propre à l'Europe de l'Ouest, marqué par trois stades : le recul de l'âge au mariage ; la chute de la fécondité à l'intérieur du mariage (réponse au recul de la mortalité infanto-juvénile) ; la mise au point de techniques efficaces de prévention des naissances non désirées. Alors, la société n'a plus besoin du mariage comme opérateur de la réduction de la fécondité et il n'est plus nécessaire d'interdire les relations sexuelles précoces pour garantir la collectivité contre l'excès des naissances.

C'est la logique de l'enfant désiré qui façonne l'individu moderne et organise sa psychologie. De « cellule de base » de la société, la famille devient la « cellule de base » de l'individu.

Articulant les savoirs de nombreuses disciplines, cet ouvrage, qui rend intelligible ce qu'on appelle l'individualisation, en constitue, à tout point de vue, une nouvelle définition.
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Le bonheur paradoxal. Essai sur la société d'hyperconsommation

Le bonheur paradoxal. Essai sur la société d'hyperconsommation
Lipovetsky Gilles
Ed. Gallimard

Sous-tendu par la nouvelle religion de l'amélioration continuelle des conditions de vie, le mieux-vivre est devenu une passion de masse, le but suprême des sociétés démocratiques, un idéal exalté à tous les coins de rue. Nous sommes entrés dans une nouvelle phase du capitalisme : la société d'hyperconsommation.

Un Homo consumericus de troisième type voit le jour, une espèce de turbo-consommateur décalé, mobile, flexible, largement affranchi des anciennes cultures de classe, imprévisible dans ses goûts et ses achats, à l'affût d'expériences émotionnelles et de mieux-être, de qualité de vie et de santé, de marques et d'authenticité, d'immédiateté et de communication. La consommation intimisée a pris la relève de la consommation honorifique dans un système où l'acheteur est de plus en plus informé et infidèle, réflexif et «esthétique». L'esprit de consommation a réussi à s'infiltrer jusque dans le rapport à la famille et à la religion, à la politique et au syndicalisme, à la culture et au temps disponible. Tout se passe comme si, dorénavant, la consommation fonctionnait tel un empire sans temps mort dont les contours sont infinis.

Mais ces plaisirs privés débouchent sur un bonheur blessé : jamais, montre Gilles Lipovetsky, l'individu contemporain n'a atteint un tel degré de déréliction.
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Journal imaginaire

Journal imaginaire
Vaneigem Raoul
Ed. Cherche midi

Il n'est rien de plus exaltant qu'une intelligence en mouvement obligeant le lecteur à incendier ses certitudes et autres préjugés. Certes, une fois encore, Raoul Vaneigem célèbre la vie, non celle qui nous est faite, mais celle qui serait si les hommes s'appartenaient enfin.

Loin des diaristes ordinaires qui ne voient pas plus loins que leurs petites misères existentielles, Raoul Vaneigem nous entraîne à travers ce Journal imaginaire dans le tourbillon de ses idées. Nombre de ses phrases sonnent comme des aphorismes cinglants. Des insolences à portée de coeur.
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Roland Barthes. Le métier d'écrire

Roland Barthes. Le métier d'écrire
Marty Eric
Ed. Seuil

Pourquoi Roland Barthes ? C'est peut-être à cette interrogation que le présent livre tente de répondre. Plus de vingt-cinq ans après sa mort, mais aussi, après la disparition, dans les années qui suivirent, de toute une génération qui avait donné un sens neuf à l'acte de penser, une telle question n'est pas indécente. Davantage qu'une nécessité, elle trouve un certain charme à être posée.

Roland Barthes, le métier d'écrire expose Barthes à trois lectures : « Mémoire d'une amitié », récit autobiographique qui raconte au quotidien les dernières années ; « L'oeuvre », qui parcourt la totalité des textes dans leur déploiement chronologique et singulier ; « Sur les Fragments d'un discours amoureux », séminaire qui décrypte la stratégie souterraine du livre le plus connu de Barthes, à travers les motifs obsédants de l'Image et du « Non-Vouloir-Saisir ».

Le témoignage, le panorama, le séminaire : tout cela constitue un véritable cheminement. Au récit de la rencontre du jeune disciple avec le maître succèdent une méditation sur l'oeuvre et son exploration minutieuse. « Le métier d'écrire » devient alors la formule même de la vie d'écrivain. E.M.

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