Zazirocratie. Très curieuse introduction à la biopolitique et à la critique de la croissance

Zazirocratie. Très curieuse introduction à la biopolitique et à la critique de la croissance
Citton Yves
Ed. Amsterdam

En 1761, Charles Tiphaigne de la Roche, obscur médecin normand, publie L'Empire des Zaziris sur les humains ou la Zazirocratie. Il ne se doute pas que, deux siècles et demi plus tard, son oeuvre serait lue comme une géniale radiographie des ambivalences de nos régimes biopolitiques : les Zaziris, ce sont tous les simulacres qui mobilisent nos désirs vers la Croissance de nos économies consuméristes ; la Zazirocratie, c'est un régime qui épuise nos vies à force de vouloir les enrichir.

Ce livre propose une interprétation jubilatoire de cet auteur injustement oublié qui, dès 1760, avait « anticipé » la photographie, la télésurveillance globale, l'hyper-réalité, la digitalisation, les phéromones et les nanotubes. À travers un détour historique et littéraire, ce curieux voyage offre une introduction enjouée à l'analyse biopolitique des sociétés contemporaines. Il esquisse une vision du monde qui tient à la fois de la voyance et de la cartographie, pénétrant les logiques constitutives de notre monde de flux. Il fait surtout apparaître que notre imaginaire de la Croissance est hanté par un modèle végétal qui nous aveugle à la tâche primordiale de notre époque : non tant abattre l'idole de la Croissance que se donner les moyens de l'arraisonner et de la réorienter.

Philosophie. Le jour d'après demain

Philosophie. Le jour d'après demain
Cavell Stanley
Ed. Fayard

« Ma position a toujours été celle de l’ignorance attentive », écrit Stanley Cavell dans ses mémoires. Dans Philosophie. Le jour d’après demain, il tisse ensemble, sans doute pour la première fois et comme un testament pour après-demain, tous les fils de cette pensée hésitante et jubilatoire qui fait son originalité.
Héritier de la philosophie analytique, du scepticisme, de Wittgenstein et d’Austin, Stanley Cavell fait de l’Amérique elle-même un objet philosophique. Il fait se répondre Nietzsche et Emerson, ou Thoreau et Heidegger, et mêle intimement la relecture des penseurs déterminants à ses yeux avec celle des œuvres littéraires, des opéras ou des films, de Shakespeare à Fred Astaire.
Cet ouvrage regroupe dix courts essais dans lesquels le talent de Cavell pour lire les œuvres d’art qui nous entourent, sa capacité d’émerveillement et son sens de l’éloge au quotidien transparaissent à chaque page. « Qu’est ce qui arrive à la philosophie ? »

L'âge séculier

L'âge séculier
Taylor Charles
Ed. Seuil

Il est d'usage de dire que nous, modernes Occidentaux, appartenons à un «âge séculier». Comment est-on passé d'un temps, encore proche, où il était inconcevable de ne pas croire en Dieu, à l'époque actuelle, où la foi n'est plus qu'une option parmi d'autres et va jusqu'à susciter la commisération ?

L'explication la plus courante consiste à affirmer qu'à la faveur des progrès de la connaissance, la vérité aurait triomphé de l'illusion, nous poussant à ne chercher qu'en nous-mêmes notre raison d'être et les conditions de notre épanouissement ici-bas.

En révélant les impensés de ce récit classique de la victoire des Lumières qui fait du «désenchantement du monde» la seule clé de l'énigme, Charles Taylor entreprend une enquête philosophique et historique monumentale qui renoue les liens entre l'humanisme et l'aspiration à la transcendance. Loin d'être une «soustraction» de la religion, la sécularisation est un processus de redéfinition de la croyance qui a vu se multiplier les options spirituelles. Si plus aucune n'est en mesure de s'imposer, les impasses du «matérialisme» et les promesses déçues de la modernité continuent d'éveiller un besoin de sens.  

Derrida et la question de l'art. Déconstructions de l'esthétique

Derrida et la question de l'art. Déconstructions de l'esthétique
Collectif
Ed. Cécile Defaut

La contribution de Jacques Derrida à la pensée de l'art occupe incontestablement une place toute particulière dans le champ de l'esthétique contemporaine. En alternant divers tons de réflexion et de lecture critique, le présent ouvrage tente de prendre acte de l'extrême vigueur ainsi que des paradoxes qui irriguent cette contribution. Que ce soit dans les parages de la littérature et du poème, ou depuis un démontage des logiques de l'économimésis, ou encore à partir d'une série d'histoires spectrales de l'art, c'est à même le battement syncopé de plus d'un art que les déconstructions de l'esthétique doivent être interrogées. Les différentes études qui composent ce volume, venues de spécialistes reconnus de Jacques Derrida et de philosophes ayant accompagné de près ou de loin sa démarche, s'offrent comme autant de lectures prises à angle ouvert, tournant toutes autour de la singulière idiomaticité des arts.

Chebika

Chebika
Duvignaud Jean
Ed. Pocket/Terre humaine

Chebika est un village de montagne dans le sud de la Tunisie, et Chebika est un classique de la sociologie établi à partir des faits d'observations au début des années 1960.

Trente ans après, deux sociologues maghrébins sont revenus dans le village pour faire l'état des lieux. Apparemment, rien n'a changé. Le village est laissé à lui-même. Le pouvoir central, récemment ébranlé, abandonne ce qui constitue sa légitimité : la société paysanne dont ses fonctionnaires sont issus. L'immobilité des sociétés nomades et rurales, le mépris condescendant des villes de leur intelligentsia et des autorités à leur endroit engendrent émigration et intégrisme.

Chebika et Retour à Chebika, réunis ici, témoignent d'une évolution dont on voit les aboutissements aujourd'hui.

Philosophie des jeux vidéo

Philosophie des jeux vidéo
Triclot Mathieu
Ed. Zones

Vous êtes face à un jeu vidéo. Vous pressez les bonnes touches, vous déplacez la souris, vous appuyez en cadence sur les boutons du pad. Qu’est-ce qui se produit alors ? Quel est cet état si particulier, à la limite du vertige et de l’hallucination, face à l’écran et à la machine ? L’expérience ne ressemble à aucune autre : pas plus à l'état filmique des salles obscures qu'à l'état livresque de la lecture.
De « Space Invaders » à la 3D, depuis les premiers hackers qui programmaient la nuit sur les ordinateurs géants d’universités américaines jusqu’à la console de salon, en passant par la salle d’arcade des années 1970, ce qui s’est à chaque fois inventé, au fil de l’histoire des jeux vidéo, ce sont de nouvelles liaisons à la machine, de nouveaux régimes d’expérience, de nouvelles manières de jouir de l’écran. On aurait tort de négliger ce petit objet. Sous des dehors de gadget méprisable, il concentre en fait les logiques les plus puissantes du capitalisme informationnel. Et ceci parce qu’il tient ensemble, comme aucune autre forme culturelle ne sait le faire, désir, marchandise et information. Les jeux vidéo exhibent la marchandise parfaite du capitalisme contemporain, celle dont la consommation s’accomplit intégralement et sans résidu sous la forme d’une expérience ; une expérience-marchandise branchée en plein cœur de la mise en nombres du monde.
À l’âge de la « gamification généralisée », où le management rêve d’un « engagement total » mesuré par une batterie d’indicateurs, les jeux vidéo fournissent aussi un nouveau modèle pour l’organisation du travail, où l’aliénation s’évanouirait enfin dans le fun.

Le fanatisme. Modes d'emploi

Le fanatisme. Modes d'emploi
Toscano Alberto
Ed. La Fabrique

Pour disqualifier un ennemi politique, le fanatisme est l'un des meilleurs outils possibles. On peut l'utiliser contre des peuples non «civilisés», contre des groupes qui n'ont pas eu la chance d'accéder à l'universalité occidentale : il s'agit alors de fanatisme irrationnel. Mais on peut aussi accuser de fanatisme les esprits froids qui mettent en application leurs idées abstraites sur le bonheur de l'humanité - Robespierre, Lénine, Mao, ou le fanatisme hyper-rationnel. Dans tous les cas, l'accusation de fanatisme est portée contre ceux qui troublent l'ordre des choses, que ce soit par la révolte anticoloniale ou par la révolution égalitaire. De la guerre des Paysans au XVIe siècle en Allemagne jusqu'à la guerre froide, Alberto Toscano décrit les modes d'emploi d'une notion dont on peut aujourd'hui, des banlieues à l'Afghanistan, recenser tous les usages pervers.

Les murs invisibles. Femmes, genre et géographie sociale

Les murs invisibles. Femmes, genre et géographie sociale
Di Méo Guy
Ed. Armand Colin

Comment les femmes se représentent-elles et vivent-elles la ville ? En fonction de quels critères, motivations, attraits, nécessités, précautions et même préventions se déplacent-elles ?
S'intéresser aux représentations et aux pratiques citadines des femmes, Bordelaises en l'occurrence, tient ici à deux raisons. La première part du constat que les femmes, qui assument toujours la plus grosse part des tâches domestiques (espace privé), ont également investi, depuis plusieurs décennies, la sphère du travail rémunéré et de l'espace public. Il résulte pour elles, de cette double fonction, un rapport à la ville riche et complexe, qui fait du « deuxième sexe » celui de l'urbanité la plus accomplie. Cependant, l'expression même de « deuxième sexe » traduit une situation de domination que révèle bien le terme en débat de « genre ». S'agit-il d'une domination masculine ? D'un phénomène plus large : patriarcal, familial, social ? Les femmes sont-elles victimes et/ou, dans une certaine mesure, complices de leur situation de dominées ? Toujours est-il qu'elles ne font pas usage de la ville et de ses ressources dans une totale sérénité et liberté.
Ce sont à ces limites, à ces « murs invisibles » qui bornent l'espace de vie des citadines que s'attache ce livre-enquête. En s'efforçant d'identifier et de comprendre la nature des relations que les femmes tissent entre leur intérieur (le logement, la maison) et l'extérieur, cet ouvrage tente d'expliquer le plaisir que certains lieux leur procurent et l'aversion qu'elles éprouvent pour d'autres. Il ressort de ce tableau des portraits d'une telle variété que la validité même de la désignation d'un groupe homogène de femmes est questionnée.

D'après Foucault. Gestes, luttes, programmes

D'après Foucault. Gestes, luttes, programmes
Artières Philippe
Ed. Prairies ordinaires

Des prisonniers aux migrants, de la maladie aux formes inédites de contrôle, de la géopolitique au renouvellement des vieilles questions «que faire ?» et «d'où parlez-vous ?», de multiples raisons portent aujourd'hui à se mettre à l'écoute de Michel Foucault. Comment penser d'après lui ce qui vient après lui ? Comment se saisir de ses analyses pour renouveler la lecture du présent et les manières d'y intervenir ? User, comme il y invitait, de son oeuvre comme d'une boîte à outils suppose de briser l'image d'une doctrine sagement rangée aux côtés d'autres académismes : sous les mots trop connus du «discours», du «pouvoir», faire lever la série des gestes inventés par Foucault (une nouvelle manière de parler, d'écrire, de disparaître ou de rire), et la série des luttes auxquelles il prit part (tout en visant du coin de l'oeil d'autres luttes, actuelles, où ses travaux peuvent encore servir). Passeurs, parmi d'autres, de cette oeuvre dans un monde qui n'est plus le sien, nous voudrions prendre appui sur elle pour crayonner les programmes d'une histoire, d'une philosophie, d'une politique à venir. À quatre mains, on tâche ici de mettre le feu à la boîte pour s'inventer d'autres outils.

Les habits neufs de la politique mondiale. Néolibéralisme et néo-conservatisme

Les habits neufs de la politique mondiale. Néolibéralisme et néo-conservatisme
Brown Wendy
Ed. Prairies ordinaires

Devant nous, depuis quelques années et même quelques décennies, ce fait politique global sans doute irréversible : la démocratie libérale, comme forme sociale et historique, est en train de mourir. Et elle se meurt sous les coups de deux mouvements a priori antagonistes : le néolibéralisme et le néo-conservatisme. Dans ce livre, Wendy Brown montre que le premier fonctionne d'abord comme une rationalité politique, un mode de régulation générale des comportements, et que le second lui est devenu nécessaire. Car si le néolibéralisme est l'ensemble des techniques de contrôle d'autrui et de soi par accroissement plutôt que par diminution de la liberté, la liberté y sera d'autant plus sûrement autolimitée qu'elle se trouvera moralisée - c'est là la fonction du néo-conservatisme. Au-delà d'une telle analyse, Wendy Brown pose la question d'un avenir pour la gauche, qui passe selon elle par un travail de deuil : deuil d'une conception du pouvoir comme souveraineté, deuil d'un horizon de rupture politique défini dans la logique démocratique-libérale, mais aussi deuil d'une radicalité qui prend trop souvent la forme d'un désir de purification morale.

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