Ce roman lyrique et baroque nous entraîne dans l'univers d'une réserve indienne du Dakota-du-Nord, où vit le père Damien, un prêtre quasi centenaire. Il a été témoin de nombreux événements, ordinaires et extraordinaires, qu'il a fidèlement rapportés aux papes successifs sans que cela suscite la moindre réaction. Et lorsque enfin le Vatican lui envoie un émissaire, il hésite à révéler l'incroyable vérité...
Il est ici question de secrets et de rédemption, mais surtout d'amour : amours humaines, amours divines, que l'écriture de Louise Erdrich transcende avec émotion et sensualité.
Haut en couleur, le roman joue sur des images fortes, sans reculer devant l'outrance, traduisant de façon presque visuelle les craintes, les fantasmes ou les passions qui nous habitent... Christine Jordis, Le Monde.
Parcouru par un souffle exalté, ce roman impose Louise Erdrich comme une romancière accomplie, de la trempe de Toni Morrison Laurent Sagalovitch, Libération.
Ce livre est le récit inoubliable des premières années d'Harry Crews. Il naît en pleine Grande Dépression, dans une misérable baraque de paysan au sud de la Géorgie. Mais si Bacon County est une région au sol aride et aux vendettas sanglantes, c'est aussi un lieu magique où les serpents parlent, où les oiseaux peuvent s'emparer de l'âme d'un enfant, où les prédicateurs et les sorcières gardent fantômes et démons à portée de main. C'est surtout une terre d'hommes et de femmes pour qui la solidarité n'est pas un vain mot et le respect du soleil et de la pluie l'essence même de l'existence.
À la fois choquant, attendrissant et drôle, Des mules et des hommes raconte les débuts d'un écrivain dans un monde où «survivre est suffisant comme triomphe».
Xiao Yanqiu a la beauté froide de la Chang'E de la légende, qui avala la pilule d'immortalité avant de s'élancer vers la lune, où elle vit désormais dans une solitude glacée. Mais dans son coeur brûlent la passion de son art et le regret d'avoir, à l'orée de sa jeunesse, brisé sa carrière d'actrice d'opéra. Vingt ans après, on lui propose de reprendre le rôle de la déesse de la lune dans le célèbre opéra tiré de la légende. A quel prix saura-t-elle incarner celle qui évoque l'impossible désir humain d'échapper à son destin ?
Le récit fort et émouvant de Bi Feiyu nous plonge dans les coulisses de l'opéra de Pékin, où il faut bien composer avec ces soucis terre-à-terre que sont l'argent et les pressions politiques. Mais il dresse surtout le portrait d'une femme qui, de toute la force de sa volonté, cherche à aller au-delà d'elle-même en fusionnant avec l'image que lui tend le miroir de l'art.
Une partouze géante au fin fond de l'Ouest américain, un combat de moissonneuses-batteuses, une expédition en sous-marin nucléaire, la construction d'un château en béton, un face-à-face improbable avec Marilyn Manson, les promenades d'un escort boy avec un malade en phase terminale : autant d'évocations d'une Amérique déjantée dont Chuck Palahniuk s'est fait le chroniqueur.
Dans ce recueil d'histoires vraies où se mêlent subversion, tendresse, humour décapant et exhibitionnisme, il démontre combien la réalité peut dépasser l'imagination et dévoile ainsi l'envers du décor de ses romans. Il nous fait découvrir une autre Amérique, dont les héros illuminés ne sont pas si éloignés de nous. On ne ressort pas indemne de ce voyage au bout du bizarre et du tragique.
Elle n'avait pas prévu qu'on lui volerait son sac à la sortie du magasin. Encore moins que le voleur jetterait le contenu dans un parking. Quant à Georges, s'il avait pu se douter, il ne se serait pas baissé pour le ramasser.
Tout pilote connaît la consigne : après chaque vol, il faut remplir le livre de bord. Remplir le livre de bord, telle est donc, en bonne logique, la dernière phrase d'un roman qu'on découvre étonnamment semblable à un numéro de voltige aérienne, avec préparation au sol, envol, figures et atterrissage en finesse. Un art de l'arabesque que Christian Gailly cultive avec une virtuosité croissante. Cela commence par un sac à main arraché près de la place Vendôme, un jour de canicule. Un... vol inaugural, en quelque sorte. On apprend ultérieurement l'identité de la victime : Marguerite Muir, quarante ans. Un peu plus tard encore, on découvre celle-ci dentiste. On sait aussi qu'elle possède un brevet de pilote, depuis que Georges Palet, cinquante-huit ans, a retrouvé ses papiers, jetés sur le parking de l'hypermarché Continent, à L'Haÿ-les-Roses, Val de Marne. Autre information : celui qui raconte est un familier de Marguerite et pratique lui-même le pilotage. Mais sur ce chapitre, on n'en saura jamais davantage. On nous révèle incidemment que Georges Palet se trouve assigné à résidence et privé de droits civiques. Des histoires avec des femmes. Peut-être même un meurtre. Autre détail, qui ne sera dévoilé qu'à l'approche de la fin, la vedette masculine du roman de Christian Gailly se passionne pour les avions de combat et ne rate aucun film de guerre... Jean-Claude Lebrun
Falconer est un pénitencier ordinaire des États-Unis, et Ezechiel Farragut y est incarcéré pour le meurtre de son frère.
Livre magnifique, par sa simplicité de ton, Falconer nous décrit la vie quotidienne d'un prisonnier : l'obsédante et permanente misère sexuelle, la coexistence forcée avec les codétenus, leurs peines, leurs vices, leurs histoires. Mais aussi le chantage qu'exercent les gardiens, la visite express d'un évêque venant du ciel en hélicoptère... Et la douleur physique, et les souffrances morales : seul le passé a un sens et permet un instant à l'esprit de s'évader.
Plus qu'un livre sur la prison, Falconer est une réflexion violente et incisive sur la nature humaine.
« Ce que je suis : un écrivain en route dans sa langue. C'est dans la langue qu'on chemine, autant que dans le paysage. Parfois je m'arrête en plein vent : mes mots aussitôt ravalés, comme le voile blanc sur la bouche des femmes druzes, comme un souffle d'homme sur la soie protégeant un sexe humide de femme. Je marche un peu seul sur la route de Hermel. Le chauffeur s'est endormi dans la voiture. Pas de secret à découvrir ou à livrer : je suis en mouvement sur la terre rouge de la Bekaa, entre deux chaînes de montagnes.
Peut-être ne suis-je là que pour oublier ce qu'une femme a fait de moi : un être hors de lui, condamné à marcher, penser, parler seul (trois langues à la bouche et nulle envie qu'elles s'ébruitent dans l'après-midi poussiéreuse). »
Roumanie.
Depuis que le meunier Windisch veut émigrer, il voit la fin partout dans le village. Peut-être n'a-t-il pas tort. Les chants sont tristes, on voit la mort au fond des tasses, et chacun doit faire la putain pour vivre, a fortiori pour émigrer. Windisch a beau livrer des sacs de farine, et payer, le passeport promis se fait toujours attendre. Sa fille Amélie se donne au milicien et au pasteur, dans le même but. Un jour, ils partiront par l'ornière grise et lézardée que Windisch empruntait pour rentrer du moulin. Plus tard, ils reviendront, un jour d'été, en visite, revêtus des vêtements qu'on porte à l'Ouest, de chaussures qui les mettent en déséquilibre dans l'ornière de leur village, avec des objets de l'Ouest, signe de leur réussite sociale, et, « sur la joue de Windisch, une larme de verre ».
Sept histoires et cinquante recettes de Sicile au parfum d'Arabie
Au XIe siècle, le comte Roger Ier, noble normand qui a conquis la Sicile sur les Arabes, veut faire exécuter le prince Omar qui a comploté contre lui. Mais la soeur de ce dernier, la très belle princesse Yasmina, va tenter de le convaincre d'y renoncer en l'invitant à sa table.
Sept banquets vont se succéder, chacun dédié à une forme d'amour, de l'amour maternel à l'amour parfait, en passant par l'amour pour les animaux, l'amour-amitié, l'amour courtois... Durant ces repas où l'on découvre avec le comte tous les plats de la tradition culinaire sicilienne et leur empreinte arabe, Yasmina va déployer ses charmes en livrant des récits tirés du répertoire légendaire de la Sicile ou de l'imagination des auteurs, en résonance avec une très ancienne, tragique et succulente histoire.
Ponctué des interventions de Giufà, le bouffon de la tradition méditerranéenne, accompagné des recettes puisées aux meilleures sources familiales d'aujourd'hui, soutenu par une intrigue aux rebondissements surprenants, ce Mille et Une Nuits culinaire, sensuel et drôle, évoque ce moment où deux hautes civilisations se sont rencontrées pour se mélanger avec bonheur.
« Quel fourmillement dans ce monde, une heure avant sa fin ! Les ministres, ces garçons de course de l'Europe, courent d'un poste perdu à un autre et un malheur nouveau fleurit dans les ruines ! Tous les États entretiennent avec eux des ' relations amicales '. Leurs relations amicales [...] reposent en outre sur le principe de la soi-disant ' non-ingérence ', c'est-à-dire qu'il est interdit au locataire Müller du premier étage de monter au deuxième quand justement le locataire Meier bat son enfant à mort. » Joseph Roth, 1934
Joseph Roth, dès avant 1933, année où il se réfugia à Paris, laissa des articles brûlants sur cette « fin du monde » que sera la Seconde Guerre mondiale. Incisifs, parfois jusqu'à la violence, ironiques, parfois jusqu'à la caricature, les textes ici rassemblés confirment que le talent de Roth journaliste égale celui de Roth romancier et possèdent une résonance toujours actuelle.