Jean-Pierre Vernant, spécialiste de la Grèce antique et combattant de la Résistance, s'interroge dans cet ouvrage sur l'invisible réseau de correspondances tissées entre sa vie intellectuelle et son expérience de vie. Les frontières s'abolissent dans un rapport au passé qui est interrogé au travers de la mémoire. L'auteur met en lumière différentes acceptions - mémoire individuelle, mémoire collective et mémoire des historiens - qui ont en commun d'être des reconstructions plus ou moins laborieuses du passé. Homme d'entre-deux, entre passé et présent, mythe et raison, soi-même et l'autre, Jean-Pierre Vernant tente de franchir les frontières pour en dégager plus clairement les traits caractéristiques de cela même qu'elles séparent.
Vingt-deux anthropologues confrontent dans cet ouvrage leurs hypothèses et les résultats de leurs travaux sur la question du corps, ses affects, émotions et perceptions, compris comme invariant biologique d'une multitude de cultures. Car à quoi se réfère ce sentiment d'étrange familiarité que nous éprouvons en face d'une société 'autre', si ce n'est peut-être à une logique de l'ordonnancement du réel jouant avec des formes universellement comprises ?
Ce champ de recherche, longtemps négligé par l'anthropologie sociale, est investi aujourd'hui par les neurosciences et plusieurs formes de psychologie qui en montrent l'importance décisive pour la compréhension de l'être humain.
Parmi les nombreux livres consacrés à Heidegger, celui-ci est sans doute l'un des plus complets. Il contient une lecture interne de l'oeuvre, progressant par ses chemins propres, tout en la situant dans son environnement historique et biographique. Il tient compte de la littérature de commentaires. Depuis les débuts de la philosophie occidentale, il y a du Centre à l'oeuvre, ramenant le divers à l'Un, l'excentrique à la norme récapitulatrice. La Métaphysique célèbre une convergence impérialiste que transposeront dans l'ordre de la cité, la théorie et l'action politiques qui s'en inspirent. L'apogée du processus est atteint dans le texte et le contexte heideggeriens.
L'exacerbation du Centre contraignant va de pair avec un certain retour à la 'pensée grecque' la plus originaire. L'idéal citoyen se mue en injonction extrême, par-delà la tradition et hors de toute éthique, celles-ci étant complices de 'l'oubli de l'Etre'.
Après L'aube de l'Un, Le Cercle accompli, La cité harmonieuse selon Marx, ouvrages remarqués, l'auteur poursuit sa relecture de l'histoire philosophique européenne, à partir de la grille conceptuelle de la réciprocité ontologie-centralisme. Celle-ci fournit la clé de l'activisme politique, puis des formes de désengagement de Heidegger, mais aussi des modifications de sa compréhension de l'Etre de l'étant... et de l'Allemagne.
Le présent travail visite cette 'génétique totalitaire', contre laquelle l'intellectualisme et les expressions de la pensée la plus profonde n'immunisent pas nécessairement notre imaginaire. Il entraîne le lecteur dans le basculement de 25 siècles d'un horizon de sens, désormais incertain. Mais en faisant basculer à son tour le corpus heideggerien, il transmet le goût d'une libération inédite.
Présentation de l'éditeur
Renaud Denuit, docteur en philosophie et journaliste politique, est l'auteur de recueils de poésie, d'essais et d'ouvrages de philosophie.
Le livre de l'historien et philosophe Marino Pulliero retrace la vie du philosophe Walter Benjamin (1892-1940) et l'histoire intellectuelle et culturelle de l'Allemagne wilhelminienne (1870-1918) autour de grandes thématiques : la critique de la culture, la transformation de la vie et de la sensibilité au sein des grandes métropoles modernes, les différentes faces de la refonte de l'identitié juive, les mouvements de jeunesse et leurs idéologies du retour à la nature et au corps, les conflits religieux autour de la problématique de la sécularisation et du désenchantement, etc.
La figure de Walter Benjamin, qui apparaît ici comme exemplaire, a exercé son influence bien au-delà de la Grande Guerre et jusque dans la réception contemporaine, notamment en France.
L'homme, dont l'action était à l'origine limitée à la portée de ses sens, a été progressivement contraint d'agir dans un rayon de plus en plus important. Aujourd'hui, grâce aux images et aux moyens de communication, le monde s'approche virtuellement de nous, devient 'à portée de main', sans que nous puissions pour autant avoir une réelle prise sur lui.
Rüdiger Safranski invoque penseurs et écrivains (Kant, Rousseau, Nietzsche, Descartes, Robespierre, Dostoïevski, Benjamin, Dante, Goethe, Schiller, Heidegger...) pour comprendre et dépasser cette contradiction fondamentale.
Comment ne pas être tétanisé devant la multiplication des informations et des domaines d'action qu'offre la mondialisation ? Le secret serait peut-être de 'transformer le monde en l'humanité qu'on est soi-même'.
'Penser globalement, agir localement', cette devise alter-mondialiste se trouve ici élargie par une pensée philosophique soucieuse de ne jamais perdre de vue l'essence de l'activité humaine : l'accomplissement et la liberté de l'individu.
Présentation de l'éditeur
L'être 'déraciné' et sans formation 'humaniste' sera toujours à la merci de l'économie mondiale et de la masse d'informations et d'excitations qui déferle quotidiennement sur nous.
Partant de la métaphore du moteur humain et de la loi de la conservation de l'énergie découverte au XIXe siècle, ce livre explore les retombées de cette notion dans la vie sociale et intellectuelle européenne : du productivisme du Capital à Charcot, Freud ou Max Weber en passant par les photographies d'Etienne-Jules Marey. Mais, de même que l'entropie aboutit au déclin irréversible de l'énergie, le moteur humain est freiné par la fatigue, la neurasthénie, l'épuisement physique et nerveux. C'est la fameuse 'psychasthénie' fin de siècle, dont Marcel Proust est comme le paradigme.
De la science du travail à la poésie, de la physique au fordisme, de la médecine à la politique, Anson Rabinbach nous livre le foisonnant panorama d'une époque.
Traduite en grec, La Bible a nécessairement dû intégrer la réflexion philosophique sédimentée dans les termes aussi décisifs que celui de 'Verbe' ; le prologue de l'Evangile de Jean parle ainsi de l''incarnation' dans des termes qui ne peuvent en rien se référer au logos aristotélicien. Et pourtant, même lorsqu'elle quitte son statut de 'servante' de la théologie, la philosophie moderne importe cette tradition chrétienne et la discute, voire cherche à s'en émanciper. Mais il y a plus surprenant, et c'est l'essentiel de la démonstration du livre : le plus grand représentant de la philosophie des Lumières, Kant, tout en affirmant la nécessité de 'penser par soi-même' en s'affranchissant de toute tutelle des autorités religieuses, n'a de cesse de montrer qu'il est indispensable d''avoir une religion' en raison même des limites de notre propre raison. L'Ecriture reprend donc une importance décisive dans le cadre de la 'raison pratique' où l'autonomie morale doit cependant admettre la tutelle scripturaire dans le but de faire place à une 'raison étrangère'.
Le XXe siècle a été jugé et condamné : siècle de la terreur totalitaire, des idéologies utopiques et criminelles, des illusions vides, des génocides, des fausses avant-gardes, de l'abstraction partout substituée au réalisme démocratique. Je ne souhaite pas plaider pour un accusé qui sait se défendre seul. Je ne veux pas non plus, comme Frantz, le héros de la pièce de Sartre Les Séquestrés d'Altona, proclamer : ' J'ai pris le siècle sur mes épaules, et j'ai dit : J'en répondrai ! ' Je veux seulement examiner ce que ce siècle maudit, de l'intérieur de son propre devenir, a dit qu'il était. Je veux ouvrir le dossier du siècle, tel qu'il se constitue dans le siècle, et non pas du côté des sages juges repus que nous prétendons être. Pour ce faire, j'utilise des poèmes, des fragments philosophiques, des pensées politiques, des pièces de théâtre... Tout un matériel, que d'aucuns prétendent désuet, où le siècle déclare en pensée sa vie, son drame, ses créations, sa passion. Et je vois alors qu'au rebours de tout le jugement prononcé, cette passion, la passion du XXe siècle, n'a nullement été celle de l'imaginaire ou des idéologies. Encore moins une passion messianique. La terrible passion du XXe siècle a été, contre le prophétisme du XIXe, la passion du réel. Il s'agissait d'activer le Vrai, ici et maintenant.
Présentation de l'éditeur
Pour la pensée européenne, le bonheur est l'aspiration ultime de l'homme. Pour les penseurs chinois, une voie autre s'affranchit des clivages entre le corps et l'esprit, le matériel et le spirituel : la lecture de Zhuangzi, grand penseur de l'Antiquité chinoise, conduit à creuser l'écart avec l'idéal grec de la connaissance ainsi qu'avec l'idée de bonheur, conçu comme une finalité. Le Sage est sans destination et sans aspiration ; il se déprend alors des encombrements de la vie.
Certains de nos partis pris les plus massifs en sont ébranlés, et tout d'abord, ceux de l''âme' et du 'corps'.
Une autre intelligibilité se dégage, loin de ce que les marchands du 'développement personnel' ont voulu faire du 'zen'...
Depuis son invention par Destutt de Tracy et sa réinvention par Marx et Engels, le concept d'idéologie n'a cessé de faire problème. Passé dans le langage courant, largement utilisé par les sciences humaines, bien qu'en des significations souvent exclusives les unes des autres, il hante la philosophie comme une sorte de mauvais génie perturbateur qui lui rappellerait l'impureté de ses origines et de ses usages, et qu'il lui faudrait toujours s'employer à réduire ou à sublimer.
Encore faudrait-il en produire une définition cohérente. Mais comment y parvenir sans une enquête systématique, à la fois analytique et épistémologique, qui tienne compte de la multiplicité des usages et dégage une problématique générale, sans éluder pour autant la question du caractère polémique du concept? C'est ce qu'a entrepris Nestor Capdevila en déterminant le jeu de significations pertinentes, bien que potentiellement contradictoires, qui sont à l'oeuvre dans les analyses historiques, anthropologiques ou théologiques contemporaines où l'on peut étudier son fonctionnement.
Cette approche nouvelle conteste la thèse accréditée par la tradition sociologique d'une modernité de l'idéologie, totalitaire ou non. Elle montre la valeur d'un modèle religieux fondé sur le concept d'hérésie qui, tout en reconnaissant l'exemplarité idéologique de la religion, ne réduit pas l'idéologie à la religion. Elle critique également les définitions de l'idéologie qui par souci d'objectivité prétendent purifier le concept de son aspect intrinsèquement polémique.
Celui-ci fait du concept d'idéologie une illustration exemplaire de la dimension politique des concepts de la politique.
Présentation de l'éditeur