Qu'est-ce que la littérature peut apporter à la philosophie morale ? Il y a comme une matière commune à l'éthique et la littérature : elles semblent parfois parler de la même chose, décrire une même réalité morale. Mais rien n'est moins évident à saisir. Le contenu, la portée morale des ?uvres littéraires ou cinématographiques ne peuvent être déterminés par une connaissance, des arguments, des jugements ; pourtant, ces ?uvres nous apprennent quelque chose, nous éduquent, donnent forme à notre vie. Comment expliquer sinon l'intérêt passionné que nous portons à la personne et à la vie des personnages de roman ou de cinéma, à leurs désirs et à leurs émotions, aux conflits éthiques qu'ils affrontent, à leurs expériences et aventures morales ? Ce volume veut suggérer que la littérature, par l'éducation sensible qu'elle nous offre, définit une nouvelle forme d'attention à la vie humaine ordinaire avec la perception de ses détails et différences, la sensibilité au sens et à l'importance de ses moments. La lecture se révèle une véritable expérience, indissolublement intellectuelle et sensible : une ' aventure de la personnalité ' (Martha Nussbaum), qui transforme la nature de la pensée morale.
Présentation de l'éditeur
Philosophie et Différence. Sous ce titre général, je me propose de réfléchir, dans un premier temps, sur ce qui unit de manière intrinsèque l'exercice du philosopher et le déploiement de la différence, que ce soir celle de l'être et de l'apparence (Parménide), du sensible et de l'idée (Platon), du phénomène et de la chose en soi (Kant), de la conscience et de l'esprit (Hegel), de l'empirique et du transcendantal (Husserl), de l'ontique et de l'ontologique (Heidegger).
Dans chacun de ces cas cependant, la différence est à la fois pensée comme séparation et comme lien. Il faudrait alors, dans un deuxième temps, montrer que l'on trouve dans la philosophie contemporaine, et singulièrement la phénoménologie, une pensée de l'avènement de la différence qui fait d'elle tout autre chose qu'une distinction subsistante.
C'est ce qu'il s'agirait alors d'élucider chez le «second» Heidegger, mais aussi chez Merleau-Ponty et Derrida. Françoise Dastur
Ce volume regroupe une série de leçons professées sur les grands penseurs allemands, notamment sur l'oeuvre de Martin Heidegger, dont Jean Beaufret fut l'interlocuteur privilégié. C'est le deuxième tome d'un ensemble qui constitue une véritable somme, tout à la fois introduction à et histoire de la philosophie.
Le volume I consacré à la philosophie grecque est toujours disponible.
L'argument du cours a été le suivant : on a défini comme relevant du Neutre toute inflexion qui esquive ou déjoue la structure paradigmatique, oppositionnelle, du sens, et vise par conséquent à la suspension des données conflictuelles du discours. Le relevé de ces inflexions s'est fait à travers un corpus qui ne pouvait être exhaustif ; cependant, les textes des philosophies orientales et mystiques se sont trouvés naturellement privilégiés. [...] A travers des touches successives, des références diverses (du Tao à Boehme et à Blanchot) et des digressions libres, on a essayé de faire entendre que le Neutre ne correspondait pas forcément à l'image plate, foncièrement dépréciée qu'en a la Doxa, mais pouvait constituer une valeur forte, active. R. B.
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Procédé exceptionnel qu'on s'autorise dans une situation embarrassante, l'expédient a certes une efficacité potentielle, mais une faible consistance théorique. Impuissant à se justifier, illégitime en son principe, c'est pourtant lui qui pallie les défaillances de la démarche régulière, lui qui atteste que la pratique est toujours plus et autre que ce qu'en a décidé la théorie.
Corinne Enaudeau et Patrice Loraux ont imaginé de réunir des représentants de différentes disciplines (mathématiques, philosophie, psychanalyse, droit, sociologie, anthropologie, traduction) pour réfléchir sur le statut théorique de l'expédient, ce parent pauvre de la rationalité. Par-delà la diversité des domaines concernés, l'exercice de tout métier - intellectuel aussi bien - remet de fait en chantier les règles de la méthode constituée. La nécessité de poursuivre en dépit des incertitudes conduit à user de ressources improvisées mais indispensables. Parce qu'il est le ressort de la démarche effective, l'expédient demande à la méthode de prendre acte de son premier ennemi : l'impasse où nous immobilise l'obstacle imprévu.
L'art de suppléer inopinément au déficit pratique serait cette paradoxale 'méthode de l'expédient' que les textes ici rassemblés interrogent.
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La condition juive dans l'histoire moderne exige d'être traitée dans toute sa complexité, donc sa difficulté. Je me suis attelé à cette tâche, autant pour concevoir les temps modernes dont on ne peut abstraire le ferment juif, que pour concevoir la question juive dont on ne peut abstraire la question des temps modernes. Bien que je veuille avant tout comprendre et faire comprendre, je sais que la compréhension est souvent mal comprise, et je ne peux affronter ce travail sans crainte ni tremblement.
La notion de juif était claire quand elle indiquait une identité à la fois de nation, de peuple, de religion. Dès lors que les juifs ont participé à la culture et à la citoyenneté des gentils, la disjonction entre juif et gentil a masqué la jonction accomplie entre ces deux termes devenus complémentaires mais pouvant demeurer antagonistes selon les développements du moderne antisémitisme (racial) qui succède au vieil antijudaïsme (religieux).
Au terme de cet essai, il a fallu considérer la tragédie provoquée par le nazisme, d'où est né l'Etat d'Israël, et où la notion de juif prend une nouvelle signification. Par malheur, l'implantation d'Israël en terre islamique a créé une nouvelle tragédie d'ampleur planétaire. E. M.
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Les individus ont souvent - et à raison - le sentiment de vivre dans une société du mépris. Ils perçoivent que l'accroissement des possibilités de réalisation de soi conquises au cours du XXe siècle donne lieu aujourd'hui à une récupération de ces idéaux par le néolibéralisme. N'est-ce pas là un paradoxe ? Comment expliquer que les progrès des décennies passées soient à ce point détournés pour légitimer une nouvelle étape de l'expansion capitaliste ? Comment, à l'inverse, concevoir une théorie critique de la société lorsque les exigences d'émancipation dont elle se réclame se muent en idéologie ?
Autant de questions abordées ici par le philosophe et sociologue Axel Honneth, à la lumière d'une pensée profondément originale. Les textes de ce volume offrent un aperçu du chantier théorique dans lequel il est engagé de longue date. Inscrit dans le sillage de la philosophie sociale de l'École de Francfort dont il est un des représentants contemporains majeurs, il reconstruit ses orientations de fond pour mieux pointer son actualité. Il s'emploie surtout à mettre au jour les « pathologies sociales » du temps présent, qu'il analyse comme des évolutions affectant les conditions fondamentales d'une vie sociale réussie.
Ce geste critique s'inscrit au plus près de l'expérience sociale des sujets sociaux soumis au mépris et s'articule avec force à une morale de la reconnaissance. Ce livre traduit un effort rigoureux pour concevoir une théorie critique de la société offrant des perspectives nouvelles et précieuses pour affronter certains enjeux politiques et sociaux majeurs du XXIe siècle.
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La scène se passe à Venise. Le genre est celui de la conversation, comme ceux que l'on publiait si volontiers au siècle des Lumières. Qui sont les personnages ? Une assemblée de délégués - philosophes, historiens, anthropologues, artistes - porte-parole autorisés mais qu'aucune instance supérieure n'a pourtant mandatés pour négocier avec les autres. Quel est le thème ? Un sentiment partagé de crise aiguë : la vie politique est devenue difficile, il n'y a plus de monde commun. Quelle est l'intrigue ? Les participants ne veulent pas s'entendre trop rapidement. Ils achoppent sur chaque définition : comment se parler ? comment rendre un peu respirable l'atmosphère du bon gouvernement ?
Là-haut sur le dôme étincelant, Saint Georges dresse sa lance aiguisée : « Donc c'est la guerre ? » À moins que... Trois jours, ils ont trois jours pour décider. Le bras de Saint Georges s'est levé.
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Au coeur des trois monothéismes, le discours prophétique surgit comme une parole de violence, un hurlement qui annonce le malheur, une lamentation qui fonde et tout à la fois menace l'autorité des Écritures.
La figure du prophète joue un rôle central dans l'établissement des religions du Livre. Il est un messager, un médiateur, un interprète : un envoyé de Dieu, qui représente à lui seul la possibilité d'une révélation divine. Le prophète est donc à la source ou au fondement de toute religion révélée, mais, en même temps, il accuse tout représentant du pouvoir de n'avoir pas écouté la vraie parole de Dieu, donc d'abuser du pouvoir, et, en ce sens, il menace l'autorité des religions instituées. D'où la nécessité de le mettre au silence, de l'exiler, voire de le tuer.
En lui-même, le prophète révèle la crise des fondements de toute institution sociale et dévoile cet état de ruines sur lesquelles vont s'élaborer une nouvelle définition du religieux et de nouveaux rapports entre religion et société. Le « rationalisme des grandes prophéties », comme l'écrit Max Weber, est le lieu critique du discours, où le christianisme naissant fonde sa théologie de l'incarnation, d'un Verbe ou d'une Parole révélée sans intermédiaire ni médiation. Mais il est aussi le lieu d'émergence d'un certain criticisme, qui ouvre l'horizon d'une histoire de la modernité.
Il s'agira ici non seulement de reconstituer la formation du discours prophétique, parmi les trois monothéismes, mais encore de soumettre ce discours aux enjeux critiques de la modernité, portés par Spinoza et Freud lorsqu'ils avancent l'un et l'autre l'idée d'une falsification des Écritures. Le premier, en instaurant une méthode d'interprétation pour renverser l'idéologie religieuse d'une tradition des Écritures, et le second, en développant une réflexion sur le meurtre de Moïse, son refoulement par la tradition et l'annonce de son retour par la rébellion des prophètes. Mais là où Spinoza élabore une « déconstruction du Pentateuque », Freud y inscrit les « conditions d'un retour du refoulé ». Deux discours critiques de la modernité qui permettront d'en situer le destin au sein des religions du Livre.
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Indøvelse i Christendom [Exercice en christianisme] paraît en 1850. Publié sous le nom d'Anti-Climacus, c'est le dernier grand livre pseudonyme de Kierkegaard et peut-être le moins lu. Rassemblant trois grandes méditations sur la Parole, il constitue pourtant, à de nombreux points de vue, l'achèvement d'une production particulièrement abondante, extraordinairement diversifiée et déroutante. Achèvement, d'abord, d'une longue réflexion sur le «devenir chrétien» qui trouve ici son expression la plus intransigeante, la plus acérée, parfois la plus violente : écrit par un pseudonyme «supérieur», c'est-à-dire supérieur à Kierkegaard lui-même, «chrétien au plus haut degré» ou représentant de l'idéalité du christianisme, ce livre n'est pourtant rien de théologique et si l'on voulait y voir par ailleurs une apologie du christianisme, c'en serait une forme bien particulière, luttant contre toute défense émolliente qui en affaiblirait la difficulté, stigmatisant la trahison par la religion instituée du scandale essentiel qu'il représente pour l'esprit, renvoyant brutalement le croyant au Modèle paradoxal et souffrant et à la solitude vertigineuse de la décision de croire. Mais c'est aussi l'achèvement d'une philosophie qui s'est inlassablement employée à faire ressurgir le fait, la structure et la tâche de la subjectivité existante contre toute tentative de dilution ou de dépassement dans le «Système», produisant à vif des catégories, découvrant des structures (contradiction, situation, compréhension, contemporanéité) et une théorie de la vérité qui marquera le XXe siècle. Enfin, ce livre constitue, et notamment par le dernier état d'une réflexion continue sur la communication, une forme de point final à une stratégie d'écriture philosophique totalement inédite, qui a vu s'entrelacer écriture pseudonyme et écriture autonyme et se bâtir une pratique discursive à la fois multiple et cohérente, bousculant les frontières entre philosophie, littérature et langage religieux, que réclamait un «objet», le fait d'exister, irréductible au Concept et au discours philosophique traditionnel. Par le truchement d'Anti-Climacus et de son rapport à tous les auteurs qui se rassemblent sous le nom de Kierkegaard, le philosophe trouvait, définitivement, sa voix.
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