« Puis le ronflement sourd de la rame qui s’approchait à grande vitesse a provoqué un frémissement parmi les rares voyageurs. Le vieil homme s’est tourné vers moi avec toujours ce sourire limpide, j’ai cru qu’il allait me demander quelque chose, mais il a sauté sur les rails comme un enfant qui enjambe un buisson, avec la même légèreté. »
Avant que le vieil homme ne se jette sur la voie en lui adressant son dernier sourire, la narratrice partait rejoindre l’homme qu’elle aime à l’hôtel des Embruns. Le choc a fait tout basculer. Plutôt que d’aller à la gare, elle s’enfonce dans les rues de Paris pour une longue errance nocturne sous l’orage. Revenue chez elle au petit matin, toujours incapable d’expliquer à son amant pourquoi elle n’était pas au rendez-vous, elle murmure à son intention le récit de sa nuit blanche. Lui, le photographe pour qui les mots ne sont jamais à la hauteur, sera-t-il capable de comprendre l’énigmatique message qu’elle finit par lui laisser : « Écoute la pluie » ?
Avec ce roman dense et bouleversant, Michèle Lesbre poursuit une œuvre lumineuse qu’éclaire le sentiment du désir et de l’urgence de vivre.
Des bribes d'images, une culture, une emprise dix-huitième : libertinage, Encyclopédie, rococo, Terreur, il suffit de peu pour entrer dans ce champ magnétique - rossignols et guillotine, soupirs, ariettes, accents.
Vous me revenez par crises, madame l'Histoire. Rubans, moutons, musette et roseaux. La veste rayée de Robespierre.
Le gobelet peint, le cruchon, l'oeillet, le petit oiseau mort sur le dos, pattes raidies, minuscule, ébouriffé.
Un excitant. Un petit transport. Je n'ai pas votre ambition, madame l'Histoire, j'ai le détail.
Allez : de l'air, des riens.
« La liberté n'est jamais acquise, elle est une perpétuelle reconquête. Quand je vois l'imbécile « nouvel ordre mondial » prôné par les pharisiens glabres d'outre-Atlantique et les excités barbus d'Arabie (qui, les uns et les autres, prétendent régenter nos moeurs, nous dicter ce que nous devons penser, croire, écrire, manger, fumer, aimer) étendre son ombre sur la planète, j'ai l'impression d'avoir labouré la mer, écrit et agi en vain. Pourtant, je m'opiniâtre. Qu'il s'agisse de la résistance au décervelage opéré par les media, de la résistance aux sales guerres de l'impérialisme américain, de la résistance à l'omniprésente vulgarité des mufles, de la résistance aux prurigineux anathèmes des quakeresses de gauche et des psychiatres de droite, Séraphin, c'est la fin !, où sont assemblées des pages écrites de 1964 à 2012, témoigne que je demeure fidèle aux passions qui ont empli ma vie d'homme et inspiré mon travail d'écrivain ; que, jusqu'au bout, je persiste dans mon être. »
Gabriel Matzneff
Après Le Sabre de Didi (1986), Le Dîner des mousquetaires (1995), C'est la gloire, Pierre-François ! (2002), Yogourt et yoga (2004) et Vous avez dit métèque ? (2008), Séraphin, c'est la fin ! est le sixième recueil de textes de Gabriel Matzneff à paraître à La Table Ronde.
C'est l'histoire d'un fils qui a grandi dans une famille où l'on parlait peu. Le fils de l'Italiano.
C'est l'histoire d'un frère qui a perdu un frère et une soeur.
C'est l'histoire d'un père qui se demande ce qu'il faisait avant d'être père.
C'est l'histoire d'un homme qui a cru qu'il allait mourir à 47 ans comme son grand-père italien, qui n'est pas mort et qui prend le temps, et la vie comme elle vient.
C'est l'histoire d'un homme qui apprend à se dépouiller des choses autour de lui pour ne devenir qu'un regard, celui du photographe, qu'un lecteur, qu'un capteur de rencontres fugaces et surprenantes.
C'est l'histoire d'un homme qui a 'une tête d'abruti, d'andouille, de con' et cela lui plaît bien. Un homme qui fait confiance aux gens, qui a passé l'âge de ne pas répondre aux inconnus qui l'abordent.
C'est l'histoire d'un homme qui découvre l'écriture. Un rythme, celui des nouvelles, une phrase mouvante, des images qui secouent comme la vie dans la ville, comme la vie au bord de la mort. Une écriture sur le fil.
Massimo Bortolini est bruxellois par hasard, il travaille sur les thématiques liées aux migrations et à la multiculturalité, il est un des spécialistes mondiaux des orechiette broccoli et à ses heures, il écrit.
Composé de 365 fragments, Le Livres des employés est un parcours de mémoire insolite, à suivre à la lettre, ou pas. Ce n'est pas un dédale mais un proposition narrative où se mêlent les souvenirs, les faits divers, les livres et les rêves. Au lecteur de s'y aventurer, à son rythme, en toute liberté. Il y rencontrera une multitude de personnages, en reconnaîtra certains, qui lui serviront de guide. Il écoutera leur histoire et, dans un jeu d'échos et de correspondances, il y trouvera son propre chemin.
Soixante ans dans une chambre d’hôtel à Paris, huit livres publiés, des années à donner l’impression de ne rien faire, un détachement absolu de tout bien matériel et, au bout du compte, une vie qui tient dans trois cartons... Voilà comment pourrait se résumer la longue existence d’Albert Cossery.
Mais ce serait sans compter avec l’indélébile empreinte qu’il a laissée dans la littérature française, dans le monde des lettres en général et à Saint-Germain-des-Prés en particulier...
Après avoir rendu hommage, à sa façon, à Christine Angot dont il a fait le personnage principal de son roman précédent, Frédéric Andrau évoque cette fois-ci un autre écrivain, Albert Cossery, à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance.
À travers ce récit, qui est à la fois une visite intime de son univers et une évocation de son parcours littéraire, avec un mélange habile d’émotion et d’humour, l’auteur rend un hommage vivant et vibrant à l’écrivain disparu en 2008 qui avait su si bien faire de ses origines égyptiennes une carte de visite.
Après À fleur de peaux (Le Sémaphore 2005) et Quelques jours avec Christine A. (Plon 2008), Monsieur Albert est le troisième livre de Frédéric Andrau.
Dans l’eau du ventre ils se dépliaient, ils touchaient, ils exploraient, appuyant le pied sur un point d’élan ils gravitaient, ils tournaient et se retournaient, dans l’ombre, ils dansaient presque.
Tout à coup ils dansent vraiment - tout à coup ils surgissent dans la lumière, dans le froid, dans l’air, et là ils tombent. Ils s’effondrent dans la décoordination, dans la non motricité, dans la défaillance musculaire. Ils ne sont plus des foetus, ils sont devenus des enfants envahis de souffle, immergés dans l’air lumineux et l’audition d’une langue parlée dont ils n’ont pas le maniement. Ils ne nagent plus dans l’eau nourrissante de Celle-qui-est-sans-nom-dans-leur-mère-avant-d’être-leur-mère.
Une fois tombés sur la terre, l’air a envahi tout leur corps comme une tempête. Alors les quatre fers en l’air, ils agitent les deux jambes, ils lancent en l’air les deux bras, qu’ils meuvent en tous sens, ils ne savent plus comment s’orienter de l’anus à la bouche, ils ouvrent toute grande la bouche, ils poussent un cri.
De même qu’il y a une voix perdue lors de la mue des adolescents (quand leur voix, au fond de leur corps, devient autre et, brusquement, s’abaisse) de même il y a une danse perdue (dans le corps tombé, natal, désorienté, souillé, atterré, vagissant) lors de la nativité des enfants.
La cérémonie de la voix perdue, en grec, c’est la tragôdia.
La cérémonie de la danse perdue, en japonais, c’est l’ankoku butô.
Le narrateur, amoureux de l'Italie, revient à Venise pour y passer quelques mois dans la pension où il vécut neuf ans plus tôt. Jour après jours, au détour des calli et des Fondamenta qu'il arpente d'un sestiere à l'autre, son passé ressurgit et, avec lui, celui de l'Italie et de l'Europe. Métronome : mouvement de balancier entre passé et présent, Est et Ouest, clair-obscur de l'Ancien Règne et du Nouvel Ordre. Tout au long de son séjour, le narrateur derécouvre la cité lagunaire, province souveraine qui se livre au rythme de ses marées et de ses offices. Avec ses amis d'hier et d'aujourd'hui, on parle le russe, l'anglais ou l'hébreu, l'italien, le vénitien ou le romain. Ensemble, ils font dialoguer le Vénitien Gozzi, le Romain Belli, le Milanais Stendhal avec le Pétersbourgeois Joseph Brodsky et le Moscovite Sergueï Averintsev. Le temps d'une saison, entre rêveries et conversations, se font entendre, sous une même coupole, les voix de l'Empire d'Orient et d'Occident qui animent nos vies.
PRIX PREMIERE 2013
1954, la guerre d'Indochine touche à sa fin. Dans un hôpital militaire français de Hanoï, Mai, une jeune Annamite qui aide les équipes médicales, croise le regard de Yann, un soldat breton blessé à la poitrine. C'est le coup de foudre. La fougue, la candeur, la jeunesse leur font croire qu'ils pourront vivre librement leur passion. Mais le père de Mai, juge influent, l'a promise à un autre. Elle s'insurge, elle est bannie de la famille...
À peine marié, Yann doit rejoindre les bataillons de la cuvette de Diên Biên Phu. Pluie, bombardements, boue, corps-à-corps : c'est l'apocalypse. Après la défaite, Yann n'est que l'un des milliers de prisonniers condamnés aux marches infernales vers les camps d'internement. Mai est prête à tout pour le tirer de l'abîme.
Dans une langue précise, poétique, avec grâce et pudeur, Hoai Huong Nguyen peint le Vietnam d'hier et un amour, frêle esquif, qui affronte la violence d'une guerre. L'histoire de Mai et de Yann laisse percer la lumière des humbles héros qui croient à la liberté et à l'absolu malgré les vicissitudes de l'Histoire.
Hoai Huong Nguyen, dont le prénom signifie «se souvenir du pays», est née en 1976, en France, de parents vietnamiens. Détentrice d'un doctorat de Lettres modernes portant sur «L'eau dans la poésie de Paul Claudel et celle de poètes chinois et japonais», elle est actuellement enseignante.
Du jour où j'ai décidé d'écrire un roman américain, il fut très vite clair que beaucoup de choses se passeraient à Détroit, Michigan, au volant d'une vieille Dodge, sur les rives des grands lacs. Il fut clair aussi que le personnage principal s'appellerait Dwayne Koster, qu'il enseignerait à l'université, qu'il aurait cinquante ans, qu'il serait divorcé et que Susan, son ex-femme, aurait pour amant un type qu'il détestait.