Avant de nous quitter, Gaston Compère, immense auteur belge, nous léguait ce roman.
Quatre années se seront écoulées avant qu’il ne voie enfin le jour.
Roman de voyage, roman initiatique, où l’auteur règle ses comptes avec les religions, la philosophie, la politique, le syndicalisme, les médias, le machisme et un certain féminisme, la famille, mais surtout avec la psychanalyse.
Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il les règle avec verve et virulence. Entrons donc brièvement dans le vif du blanc de la nuit.
Nous y rencontrons Agathe, jeune femme insoumise, cultivée et sensible, qui dévoile son histoire d’insoumise. Nous suivons cette femme attachante, profondément triste et en colère à la fois, dans sa fuite d’Europe en Inde, d’où elle écrit des lettres à son oncle – lettres dans lesquelles elle cerne lentement les tréfonds de son âme mutilée et commente impitoyablement l’état du monde contemporain – dans un style fulgurant qui mêle virtuosité musicale, humour mordant, désespoir enjoué et volonté de vivre ; de revivre à travers l’écriture. Aussi éloigné que possible de l’hypocrisie, du mensonge et de la bêtise humaine sous toutes ses formes. Et ainsi Agathe nous fait fiévreusement parcourir des couloirs d’hôtels et des routes du subcontinent indien, en parcourant l’itinéraire inverse du héros du Nocturne indien d’Antonio Tabucchi… jusqu’au dénouement, qui lui pourrait se résumer dans une paraphrase de ce cher Jean-Sol Partre : la géhenne c’est autrui.
Pressé immobile est l'histoire d'un peuple qui ment aisément et avec élégance, cherche la vérité avec abnégation et vit avec une extraordinaire capacité de mêler le passé, le présent et l'espoir d'un futur glorieux.
C'est le récit de l'Iran au seuil d'une révolution devenue tout naturellement Islamique.
Une révolution qui sera comme une « mère de toutes les révolutions » dans ces printemps successifs qui traverseront les pays du monde arabe plus de 30 ans après les événements de 1979.
Un roman à la fois historique et esthétique, un roman poignant qui nous offre de multiples clés de compréhension sur cet orient si méconnu et familier à la fois.
L'hiver s'était emparé de moi, rude et sec. Céderait-il un jour la place à un printemps chaud et fleuri ?
Du déclinologue à la « brève de comptoir », il y a cette expression qui court les rues : « C'était mieux avant. » Nous sommes dans la perte, le regret, le deuil. Le passé ne se rend pas. Il a bien eu lieu. Le passé est une vie antérieure qui vient frapper à notre porte verrouillée. Il faut aller de l'avant, nous dit-on, mais nous cherchons derrière nous, pauvres Petit Poucet, les petits cailloux laissés par tous ceux qui nous ont précédés. Tous les lendemains déchantent et nous aspirons à d'étranges retours. Le retour du Grand homme, de la spiritualité, du cinéma en noir et blanc, des femmes fatales, de la solidarité, des vrais écrivains... Le passé remonte à la surface. Oui, c'est cela, nous sommes à la recherche d'un temps perdu, par bribes nous tentons de reconstruire un passé décomposé, de redresser le chapiteau d'un paysage disparu et de croire à notre humanité vacillante...
Olivier Dazat, dans une ultime tentative pour remonter le temps à l'endroit, nous convie à quelques retours en arrière comme un souffle léger du passé sur la nuque.
L'opium du peuple dans le monde actuel n'est peut-être pas tant la religion que l'ennui accepté. Un tel monde est à la merci [...] de ceux qui fournissent au moins un semblant d'issue à l'ennui. La vie humaine aspire aux passions et retrouve ses exigences. Georges Bataille
C'est à nous de savoir trouver [...] pour secouer l'apathie [...] des mots d'ordre neufs, des mots d'ordre qui rappellent à la nécessité de bouleverser le monde de fond en comble et qui soient, en rupture avec tous ceux qui ont cours, pour chacun d'abord, des mots d'ordre bouleversants. André Breton
La détresse est la même qui incline, qui courbe, qui peut soulever aussi. Si l'on suit Bataille de près, l'imbécillisation est la même à laquelle le vide de la vie réduit qui porte en elle l'effervescence de sa fin. Affirmation qui tient du pari. Michel Surya
C'est en 1920 que le jeune universitaire anversois Robert Guiette (1895-1976), passionné de littérature, écrit à Blaise Cendrars (1887-1961) avant de le rencontrer à Paris l'année suivante. Dès lors, leur amitié transfrontalière favorise de nombreux échanges entre les milieux littéraires parisiens et bruxellois. Mais surtout, elle engage une correspondance très intense où Cendrars, poète d'avant-garde, puis écrivain célèbre, journaliste et mémorialiste, se confie volontiers et donne son avis sans concession.
Cet ensemble inédit des lettres de Blaise Cendrars permet de saisir l'effervescence créatrice, éditoriale et intellectuelle à laquelle les deux écrivains ont largement participé, particulièrement durant les années 20 et 30. Et grâce au Journal de Guiette, ainsi qu'à ses comptes rendus des publications de Cendrars que nous proposons dans ce volume, les voix des deux amis se croisent constamment en échos et résonances, traces d'un respect mutuel qui dépasse largement la relation du maître à l'élève.
Dès 1934, Blaise Cendrars (1887-1961) a précieusement conservé les nombreuses lettres envoyées par son ami Henry Miller (1891-1980), et ces enveloppes aériennes américaines, couvertes d'encres verte, rouge ou noire ont reçu réponse jusqu'à Big Sur, en Californie. Cette relation à l'écrivain américain fait partie des rares amitiés littéraires de Cendrars, lui qui avait révélé en 1935 déjà le caractère fondateur de Tropic of Cancer.
La plume de ces deux géants de la littérature du XXe siècle court par-delà l'océan durant vingt-cinq ans, à un rythme très régulier. En toute liberté de ton et de forme, les lettres se composent au gré des humeurs, des rencontres, des phases d'écriture ou de lecture. Elles dessinent en filigrane une image de chacun moins rabelaisienne que celle, publique, qui a fait d'eux des doubles de leurs oeuvres.
Reflet d'une profonde complicité, la correspondance que nous présentons est faite pour ravir, comme Cendrars l'imaginait déjà à propos de l'essai que Miller lui consacrait en 1951 : «Moi, ce qui me réjouit, c'est de me trouver avec vous sous la même couverture, comme si l'on faisait une bonne blague aux copains !...»
En écho à cette correspondance, la présente édition enrichit le dialogue des deux artistes avec quelques lettres adressées à des proches et, par résonance, elle met à disposition les textes d'hommage qu'ils se sont adressés, entre 1934 et 1959. De plus, de nombreuses illustrations inédites permettent une compréhension visuelle de cette amitié dense.
Émile Verhaeren (1855-1916), est l'un des plus grands poètes belges d'expression française. Dans ses vers, marqués par un symbolisme sensuel et mystique, sa conscience sociale lui fait évoquer avec lyrisme, et sur un ton d'une grande musicalité, le monde moderne dans ce qu'il a de plus brutal mais aussi de plus vrai : Les Débâcles (1888), Les Campagnes hallucinées (1893), Les Villes tentaculaires (1895), Les Villages illusoires (1895).
Auteur de très nombreux recueils de poèmes, d'impressions de voyage, de critiques littéraires, d'études d'art ainsi que de pièces de théâtre, Émile Verhaeren fut aussi un magnifique conteur, au style chatoyant et imagé, usant volontiers du fantastique et de l'insolite. On trouvera ici réunis pour la première fois, l'ensemble des récits et des contes publiés par ses soins dans des revues et dans les Contes de minuit (1884), ainsi que ceux recueillis après sa mort dans Cinq récits (1920) et dans Le Travailleur étrange (1921), illustrés des cinquante-quatre admirables gravures sur bois de Frans Masereel.
« Le temps est splendide, encore estival, les grands arbres, les pelouses, tout est d'un vert éclatant, vif, lumineux, euphorisant. Je marche, je la cherche autour du bâtiment, je ne la vois pas. Je croise des patients qui ont un air vraiment bizarre, qui errent seuls et me regardent avec hébétude, curiosité, agressivité peut-être. Certains sont silencieux, d'autres marmonnent tout bas, ils tournent en rond, ils marchent sans but, ils me semblent terriblement malheureux, nos regards se croisent, ils devinent que je ne suis pas des leurs. Une ou deux fois j'ai peur en les voyant qui avancent lentement dans ma direction. Aucune trace d'elle. »
Glenn Gould est-il vraiment mort en 1982 ? Soliste décrit un personnage qui lui ressemble fort, habitant ses obsessions, ses gestes, sa virtuosité… Dans une ville de taille moyenne, il se terre, se fond dans le paysage, croisant le parcours de personnages pittoresques : un vieux pâtissier à la gouaille hardie qui contraste avec la rigueur du pianiste ; une coiffeuse philosophe dressant un constat sans concessions de la société actuelle ; un étudiant fasciné par les figures de faussaires. Et une jolie serveuse qui tombe sous le charme de son détachement élégant. Incognito pour survivre à un monde oppressant, il n’en développe pas moins le cœur de son art : sa passion pour le Grand Nord et la solitude, son amour des animaux, sa terreur des salles de concert, sa précision interprétative… On découvre une personnalité attachante et drôle, complexe. Et au fil du récit, on se demande : Glenn Gould a-t-il feint sa disparition en 1982 pour mener une existence tranquille loin des contraintes de la notoriété ? A-t-on affaire à un imposteur ? Empruntant et adaptant la structure des Variations Goldberg, trente-deux parties aux motifs qui se répondent, Laure Limongi livre un récit sensible qui célèbre l’icône du pianiste tout en livrant une histoire originale, en prise avec les préoccupations de notre temps.
Chronique littéraire et politique des années 2010 à 2012, Autrement et encore est un viatique contre les attaques de la médiocrité ambiante et les laideurs collatérales du capitalisme triomphant. Littéralement empoisonné par la vulgarité contemporaine, mais nourri et protégé par la fréquentation roborative d’une bibliothèque ouverte à deux battants, où circulent en liberté idées, mémoires des actes, poésie et souvenirs de voyages, Sébastien Lapaque regarde le monde dans un parfait dosage de distance et d’intimité. Sa manière de contre-journal est énergisante, addictive et provocatrice. Il n’est pas tout à fait impossible qu’on en revienne meilleur : il nous aura prêté sa vision des choses pour mieux les affronter.
Il a la flamme de la révolte, une impitoyable lucidité, une profondeur d’écoute mais aussi un désir de croire en l’homme : une vieille et indécrottable tendresse pour l’humanité – ce flamboyant anarchiste catholique n’a pas l’impudence de s’en cacher –, qui fait de ces pages un inégalable cordial, au sens où Victor Hugo parlait de l’enthousiasme.