Sur une plage mexicaine du Guerrero, à l'aube, la tête décapitée de Josué raconte son histoire. Élevé par une gouvernante acariâtre, ignorant de ses origines, Josué Nadal est un enfant solitaire jusqu'à sa rencontre avec Jéricho, qui semble n'avoir ni nom de famille ni parents. Dès lors, unis par cette absence d'environnement familial, les deux garçons deviennent inséparables tels Castor et Pollux, guidés seulement par leur soif d'absolu et leur professeur libre-penseur, le père Philopater.
Quelques années plus tard, les deux amis, anciens complices en quête de la Toison d'Or, de la Volonté et de la Fortune, sont-ils voués à devenir Caïn et Abel en s'affrontant sur le terrain politique ?
Au sein d'une narration complexe, qui se tisse implacablement telle une toile d'araignée, dans un roman choral riche en personnages hauts en couleur, Carlos Fuentes donne une nouvelle fois à la ville de Mexico, « hydre aux mille têtes », un rôle central, dans des pages où alternent la réalité la plus noire et sordide du Mexique contemporain, la critique, dans un humour féroce, des luttes de pouvoir d'une société corrompue et un lyrisme onirique et atemporel.
Le temps d'un été, Mazarine Pingeot et Jean-Michel Djian ont mené des entretiens sur France Culture dans une émission intitulée «La part d'enfance».
D'agnès b. à Boris Cyrulnik en passant par Robert Badinter, Jean-Pierre Darroussin, Michel Serres, Amin Maalouf, Franz Olivier Giesbert, Abd Al Malik, Sempé, Érik Orsenna, Sophie Calle ou encore Michel-Édouard Leclerc, une vingtaine de personnalités de tous horizons leur ont confié leurs souvenirs d'enfance. Des conversations intimes qui ont révélé la naissance d'un destin, la fabrique d'une ambition.
En créant la complicité nécessaire pour recueillir ces souvenirs souvent drôles, saisissants, décalés, parfois poignants, Mazarine Pingeot et Jean-Michel Djian ont réussi leur pari. Jamais ces personnages publics ne nous auront semblé si proches.
Mozart compose à Vienne, en 1785, la Fantaisie en ut mineur K.475 pour piano. C'est une oeuvre profonde, inquiète, l'une de ses plus mélancoliques. Elle dure environ douze minutes. Le pianiste From n'aurait peut-être pas dû arrêter de la travailler pour rejoindre, dans un château du Lubéron, une femme qui l'appelle et qu'il croit ne plus aimer. Le séjour dure environ une semaine. Lizbie a les attaches fines, une robe fuchsia et ressemble à une biche. From la suit jusqu'où Mozart le conduisait : un rêve et un trou. From ne résiste jamais à ce qu'il aime en lui échappant. La musique est ancienne, l'histoire se passe aujourd'hui.
Il ne s'y attendait pas. Et, à vrai dire, il n'y tenait pas. Toutes ces années à fuir, à se draper dans les brumes feutrées de Venise, dans des cathédrales vaporeuses, dans des femmes qui ressemblaient à des paysages.
Et ils étaient là. Suppliciés, implacables. Un jour il avait pris son crayon et ils étaient là. Le trait s'était déployé, la mémoire avait repris le pouvoir, l'avait guidé, avait tenu sa main selon la logique impitoyable des cauchemars. Les visages grimaçant au-dessus de cordes de pendus, les corps décharnés, les presque squelettes, les déjà cadavres avaient surgi.
Les fantômes avaient pris possession de son refuge, de son abri de papier blanc, et il y avait de quoi se mettre en colère.
Mais il devait leur obéir. L'armée des ombres, des assassinés, des génocides se levait sur le papier. Il retrouvait le coup de crayon halluciné de là-bas, cette possession, cette atroce fascination. La beauté inavouable de l'horreur.
Là-bas, c'était aujourd'hui.
Il n'avait pas le droit de retenir les fantômes qui tremblaient sous ses doigts.
Je sais bien que les objets familiers sont synonymes d'aveuglement : nous ne les regardons plus et ils ne disent que la force de l'habitude. Mais le coquetier, dans le placard à vaisselle, et ne serait-ce que de façon très épisodique, a eu bien des occasions de susciter quelques bouffées de tendresse à l'égard de Marie. Je me dis qu'on ne conserve pas un objet aussi modeste, et aussi défraîchi, pendant soixante-dix ans sans de sérieuses raisons. La crainte de le voir disparaître confirme cet attachement. Le petit coquetier, aujourd'hui, n'est donc pas seulement la concrétion d'un souvenir. Est-il abusif d'y voir la qualité même de ce souvenir, sa texture, quelque chose d'aussi incertain que le reflet d'une aura ? M.C.
«Comment aurais-je su ce matin-là, en me levant de ma natte dans notre concession clanique, qu'une espèce de savant Cosinus blanc, vêtu d'une interminable robe de femme, allait m'empêcher de grandir paisiblement dans l'ère préhistorique où ronronnait mon village du golfe de Guinée ?»
Ainsi bascula le destin de Kofi, petit Africain «prélevé» par un missionnaire français, débarqué en Bretagne avec «la marée noire», et que les habitants de Cornouaille allaient élire maire, avant qu'il ne devienne... ministre !
De cette histoire vraie librement romancée, Gaston Kelman a fait un texte jubilatoire, retrouvant l'humour contagieux de son premier succès, Je suis noir et je n'aime pas le manioc. On y découvre que sur la Terre des hommes, toutes latitudes et couleurs confondues, règnent les mêmes sentiments, fleurissent les mêmes espoirs, et s'éteignent les conflits quand on cherche à se connaître.
«Dans la vie, c'est toujours une question de passion. La passion nous distrait, nous tord, nous modèle, nous pousse en avant. La passion est variable, elle mute, elle disparaît et laisse sa place à une autre, sans problème, en toute légèreté. Hors des passions, on est fichus. On continue d'être des hommes, quand même, mais pas tout à fait. Des homoncules, des larves plutôt. C'est pour ça que je tolérais les soucoupes volantes de mon père.»
Les nigauds de l'oubli et autres saloperies, c'est l'histoire de Lily. Elle vit dans un bled, quelque part en Italie, entre son père, Ronnie, coiffeur pour dames au bord de la faillite, et sa belle-mère, Jeanne, qui fait de son mieux, parfois. Sans l'arrivée de Franz Pelliccia, tueur à la retraite mais néanmoins en cavale, on n'aurait pas parié mille lires sur l'avenir de Lily. Et on ne se serait pas dit qu'on vit tous plus ou moins dans un bled, avec plus de questions que de réponses, avec des émotions incroyables qui nous mettent le coeur à l'envers, avec une si grande envie de comprendre un peu ce qui se passe et, surtout, d'aimer et d'être aimé, quoi qu'il arrive.
Quolibets ? Un journal de lectures, l’hommage d’un écrivain à soixante-huit confrères d’hier et d’aujourd’hui. Un panthéon littéraire, où l’on croisera Stendhal et Paul Morand, Jacqueline de Romilly et Jean Forton, Ernst Jünger et Michel Déon, Guy Dupré et Jean Clair… Des voix singulières, qui ont en commun un même amour du Vrai, du Juste et du Beau. Quolibets ? Une conversation au coin du feu au cours de laquelle se fait entendre une sensibilité insulaire et décalée, à rebours du siècle. Un autoportrait en pointillé où s’exprime, par touches et fragments, la passion de la liberté, le refus de la décadence et le culte de la langue française. À la fin du siècle dernier, des générations d’ingénieurs et de médecins russes disparaissaient de leur plein gré au plus profond des forêts sibériennes pour y former des communautés en marge. Fuyant policiers et bureaucrates, ces hommes pratiquaient la secessio nobilitatis, l’exil intérieur d’une phratrie se tenant à l’écart du triste festin sur lequel se ruaient les laquais. Nobilitas dépourvue de titres et de patrimoine matériel, comme il se doit ; secessio pacifique et exempte de provocation.
Toute ville découverte par intime nécessité est un jeu de tarots, un roman d’aventures, un miroir, un labyrinthe qui devrait être brisé, une écriture en marche. Tel ce « Londres ou le labyrinthe brisé », où Guy Vaes se découvre lui-même. Ce qui s’inscrit dans les canyons de brique de Rotherhithe ou dans les spires de coquillage du musée de Soane, c’est la quête d’un promeneur en route vers son « agonie créatrice » qui entraîne ses lecteurs dans le dédale d’un homme séparé de son vrai lieu natal. « Singapour », second volet de ce diptyque, approfondit l’initiation londonienne grâce au kaléidoscope torride du Sud-Est asiatique. Ici s’expriment, avec véhémence, sur les quais du vieux port de cabotage, sous les lampions de Bugis Street, le quartier des travestis, les fantasmes du désir et de l’angoisse.
Reclus à la campagne, un couple se défait peu à peu. Alors que Nestor s'interroge sans fin sur son sort, Irène se mure dans le silence. Pierre leur ami est impuissant face au drame qui se noue. En une langue magistrale et sans artifices, Irène, Nestor et la Vérité dit un amour qui finit mal.
'Je n'ai pas grande pensée sur les choses mais il me semble me souvenir d'une gaieté jadis vécue et de ricochets qui ont bondi longtemps.'