Ce livre est la relation d'un parcours - celui de Benny Lévy - à travers la voix de sa femme Léo, un itinéraire où les exigences de la pensée et les gestes quotidiens s'ajustent au plus près, alliant à l'extrême rigueur un généreux amour de la vie.
« Dans la lumière sans complaisance des matins de Jérusalem, trois stations : la maison, la maison de prière, la maison d'étude. Le soir, une fois par semaine, détour par le lieu d'enseignement où un public bariolé, passionné, vient écouter le petit homme en noir. Simplicité des rythmes, transparence des jours, soi rassemblé. À Jérusalem, aucun mystère, pas de recoins obscurs grouillant de projections fantasmatiques. Mais ailleurs ? En d'autres temps ?
Le chef révolutionnaire sans nom, à l'existence improbable, en tout cas invisible, pouvait-il vraiment du chaos des faits et des discours faire émerger une vision et une visée claires ? Il eut des maîtres. Côté philosophie, il se réfère à Sartre, Althusser et Lévinas. Côté sagesse d'Israël, il a été enseigné par un cabaliste ashkénaze, un rav français d'origine marocaine, un Yérouchalmi d'ascendance lituanienne.
Enfin, au coeur de l'énigme, quel lien entre ce tout jeune Juif arrivé d'Égypte, pathétique et ardent, en quête acharnée d'assimilation, et la fille du faubourg Saint-Antoine, placide, rigolote par parti pris, qui portait encore vivaces les traces des villes juives de Pologne ? Étrange rencontre. Plus étrange encore, la constance malgré les turbulences. »
L.L.
Côté famille, maman s'est tirée une fois de plus en m'abandonnant les mômes, et le Petit s'est mis à rêver d'ogres Noël.
Côté coeur, tante Julia a été séduite par ma nature de bouc (de bouc émissaire).
Côté boulot, la première bombe a explosé au rayon des jouets, cinq minutes après mon passage. La deuxième, quinze jours plus tard, au rayon des pulls, sous mes yeux. Comme j'étais là aussi pour l'explosion de la troisième, ils m'ont tous soupçonné.
Pourquoi moi ?
Je dois avoir un don...
«Il y a tant d'images dans le monde, qu'on croit avoir tout vu. Depuis des années, je cherche une photographie prise entre 1975 et 1979 par les Khmers rouges, quand ils dirigeaient le Cambodge. A elle seule, bien sûr, une image ne prouve pas le crime de masse ; mais elle donne à penser. A bâtir l'histoire. Je l'ai cherchée en vain dans les archives, dans les papiers, dans les campagnes de mon pays.
Maintenant je sais : cette image doit manquer. Et je ne la cherchais pas - ne serait-elle pas obscène ? Alors je la fabrique. Ce que je vous donne aujourd'hui n'est pas une image, ou la quête d'une seule image, mais le récit d'une quête : celle que permet le cinéma.»
R.P. et C.B.
Le film L'image manquante a obtenu le prix «Un certain regard» (Festival de Cannes 2013).
«Illustrer n’ajoute rien à la compréhension d’un texte. Je n’ai donc pas illustré Un amour de Swann, je me suis permis de décorer les marges. Orner. Cependant mon crayon a commis des infractions, quelques allusions d’une couleur sanguine : l’éclisse d’un violon, la courbe d’une robe, d’un dos, d’une chevelure, la canne théâtrale de Charlus. C’est alors que je me suis vu, côté cour, ajouter un va-et-vient pendulaire – le Temps, n’est-ce pas. Sorte de dessin animé primitif qui, d’un bout à l’autre de l’ouvrage, passe.»
Pierre Alechinsky.
C'est presque par hasard que je me suis retrouvé, un beau matin, à faire de la photographie. J'ai toujours aimé les textes, j'ai toujours aimé travailler chez moi, je n'ai jamais aimé me lever tôt et la photographie m'est toujours apparue comme une activité complexe et les photographes comme des héros osant s'aventurer sur des champs de bataille, déshabiller des filles, escalader des montagnes, bref braver tous les dangers. Et puis, presque par hasard donc, on m'a demandé de faire des billets pour la radio et de les lires en direct, très tôt le matin. C'est comme ça que j'ai découvert la ville à l'aube. Une ville à peu près déserte où les noctambules viennent de rentrer et où les travailleurs ne sont pas encore partis de chez eux. Une ville qui m'appartenait complètement. J'ai eu alors envie de capturer ces moments étranges de la «ville avant la ville», ces lumières bizarres, ces brumes, ces pluies et ces ciels de fin de nuit. C'est comme ça que j'ai commencé.
Jean est mort et Marie, sa femme, se rend pour la première fois sans lui à Patmos. Patmos, c'était la maison de Jean, son enfance, ses amis, que Marie va retrouver non sans une certaine crainte. Dès l'arrivée sur l'île, les souvenirs l'assaillent : sa rencontre avec Jean, leur vie, la maladie, sa passion folle pour Pierre, metteur en scène et amant insaisissable avec lequel elle a partagé travail et amour avant que Jean n'entre dans sa vie puis à nouveau, plus tard. Et alors qu'elle avance, incertaine dans cette revisitation du passé, Pierre arrive, rejoignant à Patmos son frère et ses neveux en vacances.
Comme dans une tragédie antique, le destin brouille les cartes, et l'île est un théâtre où se joue la dernière scène d'une histoire qui attendait sa fin.
« Un endroit où aller »
Avant le passage
amour qui me revient par vagues, m'inonde puis me déserte, me remplit à nouveau, je ne savais pas que c'était cela mourir, passer d'un instant à l'autre par toutes les mains de la vie, le très chaud et le très froid, la pluie d'été, la neige, les courants d'eau tiède de l'étang de Fédous, et sentir au-dedans ces gousses qui éclatent, toi qui me tiens la main, Mary, si je pouvais t'emporter dans mon voyage, te faire voir,
F. E.
Le narrateur, double de Pirotte, en proie aux métastases et à la chimiothérapie, se penche sur son passé.
Celui-ci le rejoint dans un présent où sa mort approche, où d'anciens sentiments de culpabilité le rattrapent. Le jeune homme qu'il fut, entouré de poésie alors qu'il fréquente des voyous et semble leur prêter la main, ne cesse de se reprocher chacune de ses aventures, qui l'ont mené à un mariage obscur, une naissance, et la perte de ce qu'il se croyait en mesure de sauver d'une existence erratique. L'enchevêtrement des événements, dont ses carnets retrouvés font foi, conduit le lecteur à se poser, comme souvent, la question du rachat par la littérature, telle que se la posent l'auteur et le narrateur. La vie est un brouillard.
La magie Pirotte est intacte dans ces pages vibrantes de vie où sourdent des musiques, de Schubert au blues de Billie Holiday. Un roman exceptionnel. À part. Au-dessus de la mêlée littéraire.
Tout avait commencé par ce numéro tatoué dont j'avais oublié la combinaison. Pour le retrouver, ou parce que, trop désabusée, je m'étais enfoncée dans le royaume des morts. Moins pour lui que pour moi, à dire vrai. Pour que je puisse m'en sortir. Remonter à la surface. Donner un sens. Parce que je savais aussi que Max en avait payé le prix, mais qu'il s'en était donné à coeur joie.
En apparence, Max avait laissé Auschwitz derrière lui. Une histoire ancienne qui avait fini par s'effacer comme, dans le souvenir de Nathalie Skowronek, le numéro tatoué sur le bras de son grand-père.
Max était à présent un homme d'affaires, qui, associé à Pavel, son vieil ami des camps, trafiquait par-dessus le mur de Berlin pour alimenter la nomenklatura d'Allemagne de l'Est en produits de luxe. Tout allait pour le mieux.
En apparence seulement.
Car Max, chaque matin, faisait le tour du zoo de Berlin, avec dans ses poches ses pilules, et un petit sac de diamants.
101, rue Condorcet, Clamart est l'adresse où vécut Marina Tsvetaeva, la grande poétesse russe, son mari Sergueï et leurs deux enfants, Alia et Mour, dans leur exil en France, après la révolution russe. Simon-Pierre Hamelin qui habita cet endroit un demi-siècle plus tard, découvrit par hasard que le lieu de son enfance avait abrité un des plus grands écrivains du XXe siècle. La fiction qu'il en tire, dans ce petit livre vibrant et tout en retenue, est poignante. Il y met en scène une descente d'huissier dans la famille Efron (nom du mari) et, par ce biais, nous décrit la misère, la panique, le rêve du retour en Russie, les grands cahiers bleus sur lesquels Marina écrit ses poèmes : « Éparpillés dans les librairies, gris de poussière, / Ni lus, ni cherchés, ni ouverts, ni vendus, / Mes poèmes seront dégustés comme les vins les plus rares / Quand ils seront vieux. »