« C'est sur un livre que s'endort la jeune fille, bien avant d'imaginer qu'un jour elle partagera son lit. C'est plongé dans un livre que le patient conjure son angoisse dans la salle d'attente du médecin. C'est dans le livre que le prisonnier tente de se libérer de sa geôle. C'est en s'emparant d'un livre que le bébé apprend qu'il y a des signes qui lui sont interdits et promis. C'est par le livre et l'histoire lue chaque soir que l'enfant trouve le sommeil. C'est par le Livre que l'homme s'élève à Dieu. Ces rencontres seraient-elles si futiles que jamais il n'en serait question ? »
Quel lecteur ne s'est jamais interrogé sur la nécessité de conserver les centaines de livres accumulés tout au long de sa vie ? C'est la question cruelle à laquelle une mystérieuse jeune femme va soumettre, tel un sphinx, le narrateur du Soldeur, roman initiatique, hommage à toutes les formes de littérature.
Lors d'une conférence à Genève, en janvier 2015, Tristan, brillant professeur de mathématiques à l'université de Princeton, tombe sous le charme d'une mystérieuse jeune femme, Yse, qui semble disposer, comme lui, de dons de prescience...
Saura-t-il empêcher l'immense catastrophe qu'elle prévoit ? La guerre mondiale qu'il devine aura-t-elle lieu ?
De Rome à Paris, de Venise à Angkor, de Vârânasî à Jérusalem, Yse l'entraîne à la recherche de savoirs anciens qui pourraient l'aider à relever ces défis.
En racontant leur histoire d'amour et l'étrange pacte qui les lie, Jacques Attali rompt l'ordonnancement du temps et pose les questions qui hantent l'humanité depuis ses commencements : peut-on échapper à son destin, tel que les autres le prévoient ou le décident ? Pouvons-nous faire en sorte que notre vie ne se réduise pas à ce que les autres en disent ?
Jean-Jacques Schuhl
Obsessions
Collection L'Infini, Gallimard
Parution : 03-04-2014
«J'avais rencontré la jeune femme par hasard et après quelques verres on s'était retrouvés dans une chambre en forme de cube aux murs faits de miroirs, le plafond aussi : un dé géant en miroirs, et comme j'avais bu j'ai eu l'impression à un moment que le dé commençait à rouler.
Sa robe tomba tout de suite et elle fut à quatre pattes sur le tapis, en dessous chics. Et elle déclara sur un ton naturel : 'Je suis un cheval!' Cette information éveilla mon intérêt (après tout, je suis un grand fan de l'inconsistance humaine), mais me laissa désemparé (devrais-je dire désarçonné?) quant à la marche à suivre... Sur l'instant j'ai pensé : 'Me voilà dans un dé avec une centaure.' Je suis si romanesque!»
Le grand paon-de-nuit
suivi de Murs
suivi de Métro
Dans Le grand paon-de-nuit, comme dans les deux titres repris dans ce volume, on peut se demander s'il s'agit bien de prose, et non pas plutôt de poésie.
En lisant ces textes brefs, souvent fulgurants, on se demande même si Marcel Cohen ne nous livre pas des sujets de nouvelles, ou des réflexions, qui ne gagneraient rien à être développés. Chez un auteur qui se contente souvent de rapporter des Faits, comme dans la trilogie du même nom, on touche sans doute là l'essentiel : au fil de ces pages d'un laconisme extrême, ce qui nous captive c'est, finalement, notre rôle de lecteur : peut-être nous revient-il, et à nous seul, d'écrire le volume que nous tenons entre les mains. Le plus important, semble nous dire l'auteur, s'écrit dans le blanc de la page, le lecteur est adulte, et il a toujours raison.
Cela fait maintenant cinquante-six ans que Aïko Toda a connu le coup de foudre pour celui quelle acceptait d'épouser dès leur premier rendez-vous. Aux côtés de cet homme, un cadre dévoué de l'importante compagnie Goshima, elle a été aux premières lignes de la reconstruction économique de son pays dévasté par la guerre. Toujours aussi amoureux, tous deux profitent aujourd'hui de leur retraite. Au fil des jours de pluie et des promenades, Aïko songe à ce demi-siècle passé auprès de Tsuyoshi Toda, son samurai ; un bonheur dont elle prend la mesure alors que remontent aussi à sa mémoire les années qui ont précédé cette rencontre, celles d'un premier mariage raté.
Au plus près de l'intimité de ses personnages, Aki Shimazaki clôt avec cette histoire le cycle romanesque Au coeur du Yamato.
Aden, août 1880. Jules Suel, gérant du Grand Hôtel de l'Univers, a décidé de s'offrir un cliché publicitaire. Il convie quelques fidèles à poser autour de lui. Tous se prêtent au jeu, plutôt de bonne grâce. Seul un employé de la maison Bardey, un être taciturne vêtu comme un ouvrier, se fait prier - et ce personnage n'est autre qu'Arthur Rimbaud.
S'inspirant de la célèbre photo retrouvée par hasard en 2010, Serge Filippini imagine les deux heures qui mènent à la prise de vue. Il entrecroise les vies des six hommes et de la femme bientôt figés dans leur portrait de groupe. Qui sont-ils, ces commerçants et ces explorateurs ? Quelles obsessions, quels rêves les animent ? Quels secrets sont-ils venus cacher dans la chaleur accablante et la poussière d'Arabie ? Et pourquoi Rimbaud refuse-t-il l'amour qui s'offre à lui ?
Un jeune étranger séjourne à l'Istituto d'Arte de Rome dans les années 1930 pour y poursuivre ses recherches en histoire de l'art sur le peintre Poussin. Il fait sa cour à Giulia Falconieri, jeune aristocrate à la pureté sculpturale, tandis que la sensuelle Wanda, d'origine polonaise, le pourchasse. Mais chacun triche déjà dans ce triangle amoureux, comme si le travestissement des sentiments n'était que la répétition générale du camouflage des identités. Lorsqu'il fait la connaissance d'Igor, fils d'une famille de Russes blancs ayant fui la révolution d'Octobre pour se réfugier dans l'Italie mussolinienne, le narrateur rencontre son destin. Par amour pour ce garçon, il va devenir un espion au service du régime communiste.
A Moscou, où nos deux apprentis agents apportent les documents qu'ils sont parvenus à subtiliser à Rome, les mâchoires du piège se referment sur ces idéalistes dont le régime a su faire ses «idiots utiles»...
Quelques grands noms de créateurs (Mozart, Stendhal, Schiele, Joyce...) et de créatures (Eurydice, Oedipe, Rossinante, Jacques le Fataliste...) sont au coeur de ces nouvelles. Le plus souvent, les personnages sont vus de biais, par un parent, une interprète ou une compagne qui, quoique bienveillants, ne sont jamais dupes.
À travers ces approches ludiques et ces regards multiples, Claude Pujade-Renaud éclaire certaines correspondances entre vie et création, soulignant avec un humour complice l'heureuse et nécessaire part de folie qui préside plus ou moins secrètement à la genèse de l'oeuvre.
«Le 29 mai 67, tu as noué dans tes cheveux un foulard à motif jaune et bleu et une mèche de tes cheveux s'est échappée de ce chignon retenu par un foulard.
Le sais-tu, toi, que ce jour-là une mèche blonde a glissé de ce tissu serré jaune et bleu ?
Je découvre et j'admire tout, ce foulard jaune et bleu, un grain de beauté plat et clair sur ta joue gauche, cette manière que tu as de te tenir debout dans un léger déhanchement, l'odeur mentholée de la lotion que tu appliques sur tes jambes après les avoir exposées au soleil. Ces mots 'dégoûtant', 'rigolo' qui étaient si nouveaux et qui ne le sont plus, la première télévision couleur, les premiers cinémas d'art et d'essai, les premières pilules contraceptives, tes jupes beaucoup trop courtes, la chanson 'Summer of Love' que l'on écoutait à la radio, tout cela est toujours présent.
Tu me conduis, ce printemps-là, vers la modernité.»
Comment peut-on aimer quand le monde entier vous désire ?
De Paris à Rome à la fin des années 60, une histoire aussi brève que solaire entre «Bri», la plus belle fille du monde, l'une des plus célèbres aussi, et un jeune homme dont elle aura été le professeur d'amour.