L'auteur de Taxi campe ici, avec la même verve et le même talent de conteur, douze personnages dont les destins se sont croisés avant ou après avoir émigré à la recherche d'un emploi - ou tenté de le faire.
Le premier, Ahmad Ezzedine, est un jeune licencié en droit qui ne parvient pas à accéder au poste qu'il a toujours ardemment souhaité, faute de pouvoir payer le pot-de-vin « réglementaire ». Il se décide à partir pour les États-Unis et rompt avec sa fiancée. Celle-ci est contrainte par ses parents à se marier avec un restaurateur déjà installé à New York. Il est assisté de son cuisinier et homme à tout faire, Abd al-Latif Awad, entré clandestinement aux États-Unis après un périple rocambolesque en Amérique du Sud. Mais Abd al-Latif ne tarde pas à se mettre au service d'un homme d'affaires véreux qui a réussi à passer sa grosse fortune à l'étranger et dont le fils, Farid, mène à Londres une vie de bâton de chaise...
Défilent ensuite les autres personnages : le professeur de philosophie dans une université britannique, son cousin reconduit en Égypte après une tentative ratée d'immigration clandestine, le jeune Nubien d'Assouan, le passeur débrouillard, la doctoresse copte, la prostituée. À travers ces portraits se révèle une société sur le point d'exploser, minée par la corruption, la répression politique et les discriminations confessionnelles ou ethniques.
À la lumière des événements de 2011 en Égypte, ce roman de Khaled Al Khamissi, paru en 2009, frappe par sa puissance prémonitoire.
1980. Jane, brillante diplômée de Havard, quitte la ferme du Vermont où elle vivait avec Ben, musicien et poète en herbe, pour s'installer à New York avec Neil, un professeur écrivain beaucoup plus âgé qu'elle, qui décide de prendre en main son éducation. Ceci jusqu'au jour où elle découvre qu'il est marié et, contrairement à ce qu'il prétendait, ne passe pas ses nuits à écrire dans le cabinet de Tyler, son ami vétérinaire...
En une centaine de page, Anne Beatti décrit un univers complexe où règnent le doute amoureux, la passion, la volonté de survivre, l'ambition, avec une justesse et une ironie subtiles, un sens de la description qui restitue l'atmosphère new-yorkaise d'une époque révolue mais toujours vivace.
Le héros de cette aventure littéraire se nomme Herbert Stencil, né en 1901 et membres d'un groupe d'artistes pseudo-bohèmes, la Tierce des Paumés. Il lui arrive de lire des passages du journal intime laissé par son père, mort en 1919 dans d'obscure circonstances alors qu'il enquêtait sur des soulèvement dans l'île de Malte. Mais c'est en 1945 seulement, àune terrasse de café à Oran, qu'il tombe sur quelques lignes énigmatiques : 'Avril 1899, Florence. Il y a plus derrière V., et dans V. qu'aucun de nous n'a jamais soupçonné. Non pas qui, mais quoi - qu'est-ce qu'elle est?'
Il est aussitôt intrigué, et part dans une sorte de quête de 'V.' qui l'emmène successivement à New York, en Allemagne, à Paris et dans d'autres contrées du monde plus ou moins connues. On pourrait croire, tour à tour, que V. est une jeune femme déflorée au Caire; une femelle de rat, dénommée Véronique, qui tient ses quartiers dans les égouts de Manhattan; une danseuse allemande pré-nazi dans le Sud-Ouest africain; un pays mystérieux appelé Vheissu; ou encore une lesbienne du boulevard Clichy. Et si V. n'était finalement rien moins que la clé expliquant le chaos mondial? 'Ce que sont pour le libertin les cuisses ouvertes, ce qu'est un vol d'oiseaux migrateurs pour l'ornithologue, ce qu'est la tenaille pour l'ajusteur, voilà ce qu'était pour le jeune Stencil la lettre V.'
Le nouveau héros de Wilhelm Genazino a tout pour être heureux : un travail qui le passionne et une compagne, Maria. Il ne parvient cependant pas à se défaire d'un sentiment dedéssaroi latent. L'équilibre précaire de sa vie bascule lorsqu'il reprend le poste d'architecte d'un ami disparu, sa voiture et sa femme. Pour échapper à cette existence par procuration, il commet une petite escroquerie qui sera lourde de conséquences...
Ironique, drôle et méchant, Genazino poursuit son observation décalée du quotidien de l'homme contemporain, confronté à un monde toujours plus impitoyable.
Un homme quitte soudain la table du dîner, fait ses adieux à sa femme, après avoir gardé pendant cing ans le silence sur 'cette nuit-là'. Il se met en route pour 'là-bas', à la recherche de son fils mort.
De jour en jour, sa marche autour de la ville se fait plus obstinée. D'autres parents qui ont aussi perdu un enfant le suicent. Parmi eux, un cordonnier, une sage-femme, un centaure-écrivain tentent d'accepter l'intolérable, de matérialiser l'absence radicale de ceux qu'ils pleurent.
Un chroniqueur commente leurs faits et gestes.
Aisni, par la force et la grâce de la poésie, les personnages de ce récit polyphonique envoûtant parviennent un bref instant à rejoindre leurs disparus et à rompre la solitude que le deuil impose aux vivants.
David Grossman nous surprend une fois encore par la délicatesse de son écriture et pas son humanité.
Récits de vies est un ouvrage majeur qui témoigne de l'engagement politique de Nadine Gordimer sur les questions les plus cruciales de ces cinquante dernières années, de l'aube de la domination coloniale en Afrique du Sud à la longue lutte contre le régime de l'Apartheid, jusqu'aux combats plus récents contre le sida, la mondialisation et les violences ethniques.
Récits de vies est l'autobiographie que Nadine Gordimer n'écrira pas : un document exceptionnel d'histoire sociale, politique et littéraire du XXe siècle. Son rôle fut déterminant dans la reconnaissance des plus grands auteurs africains et européens, d'Achebe à Soyinka. Nadine Gordimer (prix Nobel de littérature, 1991) est sans aucun doute l'un des plus grands écrivains de notre temps.
Cet ouvrage reprend l'intégralité des traductions de Franz Kafka par Jean Carrive (1905-1963). Seule est écartée sa traduction de La mureille de Chine qui fut reprise par Gallimard.
A l'origine, ses traductions ne sont parues qu'en revues, L'Arbalète, Les Cahiers du Sud, etc. pendant la dernière guerre. Il s'agit essentillement des 'pièces courtes' de Kafka. Ses traductions étaient pour Jean Carrive un acte de Résistance à l'hitlérisme. Cohérent, il cessera ce travail à la Libération.
Après avoir publié un dossier complet sur Franz Kafka et Jean Carrive, nous rendons ici disponible en un volume l'ensemble de ce travail de traducteur qui permet de relire, avec un nouveau regard, l'oeuvre de ce géant de la littérature du vingtième siècle.
< C'est quelque chose qui m'est apporté comme par le vent, de l'intérieur ou de l'extérieur - ou des deux à la fois? Je suis assez bien entraîné maintenant, depuis toutes ces décennies, si bien que je pense de façon concise. Ce que j'ai pensé là, malgré moi, a une forme étrange, sans même que j'aie la volonté ni l'idée d'une formulation. Je le note, et cela me fait du bien. Je tombe parfois sur ces phrases comme sur des messages, et je me dis : 'C'est curieux, il n'y a encore jamais eu cette figure de phrase. Ce serait dommage que ce que ce vent m'apporte soit emporté loin de moi' - et alors je le saisis doucement, sans l'emprisonner.>
Peter Handke, 2010
« Quiconque m'aurait vu devant la vitrine du garage Nissan aurait pensé : ce type est un rêveur. Et c'est vrai, je rêvais. Mon rêve, je ne me lasserai pas de le répéter, était cette Tsuru Nissan, gris métallisé, que j'avais sous les yeux et que je regardais comme une jeune et chaste provinciale regarde une robe de mariée dans une vitrine. »
Cet enlèvement de la fille Del Moral tombe décidément à pic : le père, entre deux verres de mezcal, a accepté de lâcher 20 000 pesos pour la retrouver. À moi la nouvelle Nissan ! En attendant, surtout ne pas louper la remise de rançon. Si possible éviter de me faire démolir le portrait. Et, par-dessus tout, ne pas me laisser engloutir dans ces satanés embouteillages !