De Franz Zeise, né en 1896, on ne sait rien, ou presque, sinon qu'interprète et traducteur, passionné par l'Espagne, il vécut un temps à Berlin et qu'on l'aurait encore aperçu en 1954, mais perdu déjà dans les ténèbres d'une demi-démence ... Aussi bien ce roman de la folie de Don Juan d'Autriche , bâtard de Charles Quint, semblable comme dit Sciascia 'au souvenir d'un rêve : très fort, lourd d'inquiétude et de prémonition', est-il un prodigieux chef-d'oeuvre, qui n'est pas sans faire songer à tel récit d'Artaud. Hier encore inconnu, aujourd'hui révélé, demain : enfin célèbre, voici un roman comme vous n'en avez jamais lu de semblable.
« Peut-être que j'ai perdu l'esprit, mais ça ne me dérange pas, songea Moses Herzog. D'aucuns le croyaient cinglé et pendant un temps, lui-même douta d'avoir toute sa tête. Mais aujourd'hui, bien qu'il se comportât bizarrement encore, il se sentait sûr de lui, gai, clairvoyant et fort. Comme envoûté, il écrivait des lettres à la terre entière, et ces lettres l'exaltaient tant que depuis la fin du mois de juin, il allait d'un endroit à l'autre avec un sac de voyage bourré de papiers. Il l'avait porté de New York à Martha's Vineyard, d'où il était reparti aussitôt ; deux jours plus tard, il prenait l'avion pour Chicago, et de là, il se rendait dans un village de l'ouest du Massachusetts. Retiré à la campagne, il écrivit continuellement, fanatiquement, aux journaux, aux personnages publics, aux amis et aux parents, puis aux morts, à ses morts obscurs et, enfin, aux morts célèbres. »
Saul Bellow, Herzog
« Tel est Herzog, la plus grande création de Bellow, le Leopold Bloom de la littérature américaine, à ceci près qu'avec Ulysse l'esprit encyclopédique de l'auteur se fait chair dans le verbe qu'il écrit, sans que Joyce confère jamais à Bloom sa vaste érudition, alors que dans Herzog Bellow donne à son héros, non pas seulement un état d'esprit, une tournure d'esprit, mais un esprit digne de ce nom. »
Philip Roth, Parlons travail
« En tout cas, Mr. Sammler devait reconnaître qu'après avoir surpris une fois le pickpocket en action, il désirait ardemment le voir de nouveau à l'oeuvre. Il ne savait pas pourquoi. C'était un événement marquant, et illicite - ou du moins, opposé à ses principes fondamentaux -, et il mourait d'envie d'assister à sa répétition. [...] Dans le mal comme dans l'art il y a l'illumination. »
Saul Bellow, La planète de Mr. Sammler
'Chuck et le porno. Le porno et Chuck. Une liaison inévitable qui s'avère être le couple parfait.' The Washington Post
Cassie Wright, star du porno sur le retour, a décidé de terminer sa carrière sur un coup d'éclat : se faire prendre devant les caméras par six cents hommes au cours d'une seule nuit. Dans les coulisses, les heureux élus attendent patiemment leur tour. Parmi eux, les numéros 72, 137 et 600 font part de leurs impressions. Mais, entre fausses identités, désirs de vengeances et pulsions homicides, toutes les apparences vont se révéler trompeuses et la nuit ne va pas du tout se passer comme prévu.
Plus trash, subversif et sauvage que jamais, Chuck Palahniuk réussit l'exploit de nous offrir un roman à suspense se déroulant entièrement pendant un gang bang. Il poursuit au passage son exploration de la face obscure des sociétés bien-pensantes, sous l'angle, cette fois, de la pornographie.
'Jamais une femme ne l'avait invité de manière si gracieuse à franchir la frontière qui séparait l'affinité de l'intimité. Il n'y eut rien d'embarrassant dans sa manière de se dévêtir, ni rien de prétentieux : les vêtements glissèrent et furent envoyés au loin comme si elle avait attendu le moment de s'en débarrasser toute la journée ; puis elle se coucha dans son lit et l'invita par un regard brûlant d'un désir aussi adorable que ceux qu'on s'échangeait dans les film. [...] Pelotonné contre son dos, un bras passé autour de son corps et un de ses seins sublime et palpitant dans le creux de la main, Jack Fields ne prêtait aucune attention aux vagues. Il était trop heureux et trop ensommeilé pour se concentrer sur autre chose que l'unique pensée cohérente, et heureusement secrète, qui lui traversait alors l'esprit : Francis Scott Fitzgerald rencontre Sheilah Graham.'
On savait, depuis La Fenêtre panoramique, que Richard Yates appartenait au cercle des 'grands' romanciers américains. Dans ce receuil inédit, il apparaît aussi comme un nouvelliste remarquable. Les fragments de vie qu'il saisit à la manière d'instantanés offrent une expérience de lecture unique, la sensation de toucher une vérité crue, sombre mais finalement libératrice.
Écrit en 1930 après un séjour de cinq ans à Paris, ce « roman français » d'inspiration autobiographique est un texte important dans l'oeuvre de l'immense écrivain hongrois Sándor Márai.
1926. Après un an d'études à Berlin, un jeune docteur en philosophie de Budapest arrive à Paris pour quelques mois. Étranger à ce pays qui le fascine et le rejette à la fois, il évolue parmi d'autres étrangers. Comme lui, tous survivent tant bien que mal dans le Paris de la fin des années folles, des cafés de Montparnasse aux hôtels miteux du quartier latin. Philosophe déraciné, exilé volontaire, promeneur inquiet... l'identité floue du personnage évolue au gré d'une errance qui se prolonge dans une Bretagne idyllique où l'entraîne une femme rencontrée par hasard.
Récit initiatique, fabuleuse peinture de Paris, ce livre est une troublante réflexion sur l'exil, autant réel qu'intérieur, qui a nourri la vie et l'oeuvre de Sándor Márai.
Peter Mickelsson, ancienne gloire de la philosophie américaine, professeur respecté, a de terribles problèmes d'argent : il en donne trop à sa femme, dont il est séparé, il en doit trop au fisc. Pour tout arranger, il vient de contracter un emprunt afin d'acheter une très vieille maison (prétendument hantée) dans les montagnes qui ont vu naître Joseph Smith, le père fondateur de la religion mormone.
Tout cela pourrait rentrer dans l'ordre si d'autres bizarreries ne commençaient à s'accumuler : un soir, Mickelsson est obligé de tuer un chien d'un coup de canne ; son nouveau foyer est cambriolé ; une voiture verte semble le suivre et plusieurs de ses proches trouvent une fin tragique.
Peter en est convaincu, quelqu'un lui en veut. Mais les suspects sont trop nombreux : un de ses élèves, l'agent du fisc tatillon qui le harcèle au téléphone, Donnie, la prostituée qu'il fréquente, les mormons qui vivent à côté...
Habitant les quatre coins du monde, les personnages qui peuplent ces huit récits sont des gens simples, marginaux ou migrants, souvent doués d'une force et d'un charme mystérieux. Ainsi Pinhas Pradkin, jeune Juif pieux qui hante le port d'Odessa pour partir en Israël et qui se retrouve à la tête d'un régiment bolchevik en pleine guerre civile. Ou encore Raphaël, meunier chassé de son moulin pour n'avoir pas voulu transgresser l'interdiction de tuer. Ou Sholem Malnik, le peintre en bâtiments perdu dans New York... Leur point commun : ils ne sont pas maîtres de leur destin, se retrouvent à une place qu'ils n'ont pas choisie et demeurent nostalgiques des valeurs d'antan.
Entre humour, tendresse et tragédie, avec sa coutumière finesse, Israël Joshua Singer, grand maître de la littérature yiddish, fait renaître un monde de ses cendres.
« Elle fait indiscutablement partie de ma vie. Quand je ne travaille pas et que je ne suis pas avec elle, mes pensées vont vers elle aussi naturellement qu'une main se pose sur la tête d'un enfant... »
Frank, consultant dans le secteur financier, forme avec sa femme Véra un couple brillant et envié. Ils croisent Billy, une jeune historienne de l'économie, et son mari Grey. Ce petit monde a tout pour être heureux.
La belle harmonie s'évanouit lorsque Billy devient la maîtresse de Frank. Peu importe : ils s'aiment. Comme Vincent et Misty (Une vie merveilleuse), Lincoln et Polly (Une épouse presque parfaite !), Sven et Jane Louise (Famille, tracas & Cie), Frank et Billy se laissent pousser l'un vers l'autre par « cet étrange virus nommé passion ».
Trop tôt disparue, Laurie Colwin (1944-1992), que l'on a comparée à Dorothy Parker et à Françoise Sagan, laisse une poignée de romans et de nouvelles au charme incomparable, marqués par ce « something delicious » dont parlait le New Yorker à son propos.
Publié en 1980, Relevé de terre est le premier grand roman où apparaît la langue si singulière de José Saramago. Du début du XXe siècle à la révolution des oeillets en 1974, il relate à travers trois générations l'histoire des Mau-Tempo, une famille de travailleurs agricoles de l'Alentejo, une région de latifundiums parmi les plus arides du Portugal. L'exploitation, la misère, l'analphabétisme, la dureté des conditions de travail, la toute-puissance des propriétaires, de l'Église et d'un État dictatorial sont des motifs qui traversent tout le livre jusqu'à la lente apparition des premières prises de conscience, des premières grèves, des premiers soulèvements.
Roman réaliste qui casse tous les codes de la prose et du récit réalistes, fresque historique et politique sur la condition paysanne bâtie sur une magistrale construction du temps et des personnages, Relevé de terre est un texte révolutionnaire dans l'histoire de la littérature.