«Raconter des histoires, c'est raconter des mensonges», tel était le refrain obsessionnel de l'écrivain britannique B.S. Johnson (1933-1973), adepte d'une écriture-vérité au service d'une sincérité absolue et d'une mise à nu des sentiments, admirateur du Nouveau Roman et fervent défenseur d'innovations formelles de tous ordres qu'il mit en pratique dans des ouvrages aussi poignants et insolites que Albert Angelo, Chalut, Les Malchanceux ou R.A.S. Infirmière-Chef.
Issu de la classe ouvrière, évacué de Londres pendant la Seconde Guerre mondiale, sujet à des expériences mystiques, à la fois isolé et très entouré, Johnson ne cessa tout au long de sa carrière de s'inspirer des épisodes de sa vie personnelle pour livrer au lecteur une émotion brute et exorciser ses propres démons. Sa vie est à l'image de son œuvre : celle d'un jeune homme perpétuellement en colère, débordant d'énergie créatrice et d'humour noir, toutes plaies dehors. Une vie fulgurante à laquelle il mit un terme à l'âge de quarante ans.
Premier d'une série de trois volumes présentant une sélection des journaux et carnets de Susan Sontag, cet ouvrage nous permet de suivre la trajectoire constamment surprenante d'un grand esprit en formation. Le livre s'ouvre sur les débuts des journaux et les premières tentatives d'écriture de fiction, lors des années d'université, et il se clôt en 1963, quand Susan Sontag devient à la fois une figure et une observatrice de la vie artistique et intellectuelle new-yorkaise.
Renaître est un autoportrait kaléidoscopique d'un des plus grands écrivains et penseurs nord-américains, que la curiosité et l'appétit de vivre exceptionnels de Sontag rendent d'autant plus vivant. Nous observons ainsi la naissance d'une conscience de soi complexe, nous la voyons s'enrichir des rencontres avec les écrivains, universitaires, artistes, et intellectuels qui ont structuré sa pensée et s'engager dans l'immense défi de l'écriture, le tout filtré par le prisme des détails inimitables du quotidien.
Le jeune Liberty Fish a grandi dans l'Amérique dynamique mais inquiète des années 1850. Lorsque éclate la guerre de Sécession, il s'engage dans les troupes nordistes, conformément à l'idéal abolitionniste de ses parents. Mais si son père est un Yankee, sa mère est fille de planteur sudiste. Alors, las des horreurs du champ de bataille, il part en quête du domaine ancestral. Et ce qu'il y découvre excède ses pires hantises...
Entre ironie et cauchemar, le plus rare des grands écrivains américains brosse ici un tableau puissant et visionnaire, intensément romanesque, d'une période troublée. Mais à travers la vigoureuse précision et la truculence verbale de l'évocation historique, il offre avant tout une vision sombre et lucide d'une Amérique encore vivace, dont l'idéalisme ravageur prend les formes les plus contradictoires, voire les plus monstrueuses. Et sa réflexion dérangeante sur l'héritage esclavagiste et ses obsessions raciales, sur le métissage, mais aussi sur l'esprit missionnaire et la tentation utopiste, résonne avec une pertinence plus actuelle que jamais. S. C.
Dans l’Anatomie de la Mélancolie, Robert Burton tente de faire l’anatomie d’un état de l’esprit, Shelley Jackson (née en 1963) tente, au contraire, de spiritualiser l’anatomie. Ce faisant, elle donne au lecteur tout le plaisir que l’on peut trouver dans les vieux livres de science que l’on connaît surtout aujourd’hui pour leur qualité littéraire. La Mélancolie de l’Anatomie, explore ce même territoire, celui des limites entre la littérature et la recherche scientifique, entre la citation à outrance et une écriture entièrement neuve, entre la religion et la fantaisie. Comme le dit l’auteur, « Si certaines de mes phrases sont d’une grande complexité, ce n’est rien quand on les compare à celles de Burton. »
Là où Burton pénètre dans le corps humain pour y chercher les liens entre l’esprit, la psyché et le corps tel qu’on le connaissait à la fin de la Renaissance (en fonction de la théorie des humeurs), Jackson imagine l’œuf, le sperme, le fœtus, le cancer, les nerfs, les godemichés, le flegme, les cheveux, le sommeil, le sang, le lait et la graisse comme extérieurs, séparés, influençant les humains, leur corps, leur culture, leurs relations, du dehors. Son livre est également structuré selon les humeurs, qui divisent le livre en quatre parties : Cholérique, Mélancolique, Flegmatique et Sanguin.
Jackson se concentre sur ce qu’elle appelle les « résidus » du corps, elle leur donne une vie séparée et imagine, avec humour, énormément d’imagination verbale et une très grande virtuosité de construction, comment les êtres humains peuvent interagir avec tous ces éléments dont ils font en général peu de cas.
Robert Coover a dit de Shelley Jackson qu’elle était un des talents les plus mûrs et originaux de sa génération.
« J'ai commencé à tenir un journal en 1961 alors que je vivais avec ma petite amie de l'époque dans un immeuble de Greenwich Village. Les murs étaient fins comme du papier à cigarettes et nos voisins entendaient presque tout ce que nous disions, d'autant mieux que la plupart du temps nous hurlions à pleins poumons. [Mais] je ne parlais [...] à personne et tenais un journal intime que je gardais secret. » (L. Michaels, Time out of Mind).
Léonard Michaels rencontre Sylvia Bloch en 1960 et l'épouse deux ans après. Leur relation passionnelle se termine tragiquement un soir de 1964. Ce n'est que trente ans plus tard qu'il décide de faire le récit quasi clinique de ce premier mariage. Dans Manhattan alors en plein bouleversement, le couple croise et se mêle à des cohortes de marginaux et d'intellectuels - de Miles Davis à Jack Kerouac, en passant par Lenny Bruce.
« Chacune de ses pages témoigne d'un talent remarquablement original et brillant. » (William Styron)
Conteurs, menteurs regroupe trente-huit nouvelles de Leonard Michaels écrites sur une période de plus de trente ans. Cette anthologie contient notamment l'intégralité de ses recueils Faire son chemin (1969) et Avec grandes terreurs et répugnance (1975) ainsi que ses derniers écrits parus dans The New Yorker, The Threepenny Review et la Partisan Review, juste avant sa mort en 2003.
Dans une langue d'une inventivité toujours renouvelée, Leonard Michaels met en scène des histoires aussi noires que drôles et dresse le portrait de ses personnages, autant de doubles de lui-même, avec un humour dévastateur et une franchise déconcertante.
« Une avalanche dense, paillarde, astringente de talent pur. » (Susan Sontag)
« Ces nouvelles sont des diamants bruts, à lire et à relire. » (William Styron)
« Espiègles, brillantes, irrévérencieuses et pleines d'aphorismes, les histoires que raconte Leonard Michaels sont à mettre au même niveau que celles de ses contemporains les plus célébrés, tels que Grâce Paley ou Philip Roth. » (Mona Simpson, The New York Times)
« Je suis foutu, songe Bunny Munro avec la lucidité soudaine de ceux qui vont mourir. »
Bunny Munro vend produits de beauté et rêves d'espoir aux ménagères esseulées de la côté sud de l'Angleterre. Lancé à la dérive par la mort subite de sa femme et luttant pour rester en phase avec la réalité, il fait la seule chose qui lui vienne à l'esprit - prendre la route, son fils de neuf ans à ses côtés. Tandis que Bunny colporte sa marchandise et son sex-appeal, Bunny Junior attend patiemment dans la voiture, explorant le monde à travers son encyclopédie. À mesure que leur étrange odyssée approche de son épilogue, Bunny réalise que les fantômes qui l'entourent sortent de l'ombre pour venir réclamer leur dû.
Portrait sensible de la relation entre un père et son fils, Mort de Bunny Munro est un roman palpitant, plein de style et de fureur, regorgeant de cet esprit et de ce mystère que les fans reconnaîtront comme les marques de fabrique de la vision si singulière de Nick Cave.
« Un livre drôle, effrayant et émouvant, écrit dans une prose riche et frénétique. » The Times
Je suis mort cette année. Tout le monde voulait mourir cette année. Quand on a vécu jusqu'à aujourd'hui, on a vu tout ce qu'on pouvait voir. On a vu les chiens dans l'espace, les hommes sur la Lune et un robot à roulettes sur Mars. On a vu exploser New York, Londres et Madrid et pas seulement Kaboul et Bagdad. On a vu l'oeuf Kinder transformer chaque jour de l'année en des Pâques infinies. On a vu le lait en poudre, le vin en tetrapak et les fraises au vinaigre. Tout le monde voulait mourir cette année parce qu'à partir de l'année prochaine, on ne verra plus rien de nouveau. Le monde se répétera comme la rediffusion d'une émission déjà passée sur les ondes. Le futur sera un résumé des épisodes précédents. À partir de demain, même l'extermination sera un spectacle ennuyeux. Je suis né dans les années soixante.
Qu'est-ce qui peut conduire un banquier âgé de 78 ans, citoyen britannique et juif, à s'installer dans un palace d'Europe centrale pour une durée indéterminée ?
Haffner est un homme à femmes, il ne l'a jamais caché, et son séjour dans ce spa luxueux devrait lui permettre de vérifier que son pouvoir de séduction est intact. Et puis, il y a la villa confisquée par le gouvernement local soixante ans plus tôt, et qu'il a pour mission de récupérer.
Mais la véritable raison est ailleurs. Haffner est un éternel adolescent - il en a les appétits et la naïveté - et un libertin. C'est un déserteur qui s'efforce d'échapper à l'âge mûr et à ses maux - la gravité, le sens des responsabilités, l'expérience. Mais peut-on vraiment s'évader de sa propre vie ? N'est-ce pas un leurre de plus, une illusion que nous propose le Destin, comme une farce ultime avant la disparition définitive ?
Avec ce livre troublant, Adam Thirlwell tient toutes les promesses de son premier roman, Politique. Comique, érotique, imprévisible, L'Évasion s'inscrit d'emblée dans une tradition littéraire qui, de Tristram Shandy aux romans de Kundera, passe l'existence humaine au crible de l'ironie.
« Un roman dont l'humour est mélancolique, la mélancolie malicieuse et le talent impressionnant. »
Milan Kundera
Dans les années soixante, en Ombrie, un vieux peintre rassemble les souvenirs de sa vie tandis qu'il continue de peindre son motif favori : des bouteilles. Peu de temps après, une jeune fille aveugle à qui il a enseigné le dessin s'efforce de s'acclimater au monde désormais invisible qui l'entoure.
Trente ans plus tard, Peter Caldicutt, qui avait entretenu une correspondance avec le vieux maître, est lui-même devenu un peintre paysagiste réputé. Quelque temps après, à Londres, sa fille Susan peine à surmonter la douleur causée par la mort de son frère jumeau et s'attelle difficilement au montage d'une exposition consacrée aux maîtres européens du XXe siècle.
Entrecroisant habilement les trajectoires de ces quatre personnages, Sarah Hall livre une réflexion brillante et féroce sur l'art et la place qu'il occupe dans nos vies.
«L'écriture de Sarah Hall est à la fois puissante et délicate. Comment peindre un homme mort procure les plaisirs les plus intenses que la fiction a à offrir.» Nadeem Aslam
«Une incroyable prouesse d'ingénierie littéraire. Si ses personnages laissent un souvenir obsédant, sa maîtrise de la description des paysages est impressionnante.» Katy Guest, Independent on Sunday