Sous la forme des mémoires d'un Candide des temps modernes nommé Hippolyte, Le Bienfaiteur nous entraîne dans une sorte de grand voyage psychique, au cours duquel il devient impossible de distinguer ce qui relève de la vie rêvée du narrateur, puissamment imaginative, de ce qui concerne ses surprenantes péripéties dans le monde réel. Ce premier roman de Susan Sontag, paru aux États-Unis en 1963, propose un portrait fascinant, intelligent et acerbe d'un milieu bohème très en vogue en France à une certaine époque. Plus encore, Le Bienfaiteur traite comme nul autre d'idées, en particulier des idées religieuses : drôle, équilibriste, dérangeant et profond.
«Un écrivain majeur... J'admire particulièrement le talent qu'elle a pour produire une histoire vraie à partir de rêves et de pensées.» Hannah Arendt
L'oeuvre parle regroupe une sélection des premiers articles que Susan Sontag a écrits sur les arts et la culture contemporaine. Ce livre est rapidement devenu un classique et a eu énormément d'influence à l'étranger. En plus des célèbres textes intitulés «À propos du style» et «Le style Camp», le livre contient des réflexions sur Sartre, Simone Weil, Georg Lukács, Lévi-Strauss, Artaud, Genet, Brecht, Beckett, Bresson et Godard.
«Les essais de Susan Sontag sont de prodigieuses interprétations, et même des concrétisations, de ce qui se passe réellement.» Carlos Fuentes
«Susan Sontag est un écrivain d'une énergie rare et d'une nouveauté provocante.»The Nation
De sa jeunesse d'aspirante actrice, avant guerre, madame B. a gardé une grâce que ses amours contrariées et les difficultés n'ont jamais altérée ; et quand elle arpente de son pas léger les rues de Rome le matin de bonne heure, on pourrait la croire éternelle. Aussi la radio des poumons qu'elle mentionne au détour de la conversation n'alarme-t-elle en rien sa fille, la narratrice, qui ne l'a jamais vue vieillir. Un simple examen de routine, que justifie une ancienne tuberculose. Mais il en va tout autrement. C'est le début d'un douloureux voyage à travers le monde hostile de la maladie, où tout, vocabulaire, codes, relations humaines, est à apprendre.
La narratrice voudrait accompagner sa mère le long de ce chemin, mais elle ne sait comment s'y prendre, elle a peur, elle se perd. Et, peu à peu, un silence maladroit s'installe entre les deux femmes pourtant profondément liées. Car madame B. a également entrepris un voyage intérieur, parmi les souvenirs et au fond de son âme, où elle aimerait entraîner sa fille. Une fille écrivain à laquelle le langage fait soudain défaut. Elisabetta Rasy brosse avec pudeur le portrait d'une mère insoumise confrontée à la mort et aux fantômes de son histoire, et celui d'une fille, spectatrice épouvantée.
Piero Calamandrei (1889-1956) est l'une des plus grandes figures de l'Italie contemporaine. Grand juriste, antifasciste de la première heure, pivot essentiel de la réflexion politique de l'après-guerre, il laisse aussi, avec l'Inventaire d'une maison de campagne (1941), une oeuvre littéraire où se savoure la fine pointe de l'élégance Toscane. Cette manière d'autobiographie est plus qu'un merveilleux livre de souvenirs d'enfance ; sous l'émotion contenue, ce voyage à travers le paysage toscan de villages où, enfant, l'auteur passait l'été, donne à la réflexion sur le sens de l'histoire et la responsabilité qu'elle exige sa mesure la plus intimement vécue.
À l'âge de dix-huit ans, Lucy Gayheart part étudier le piano à Chicago. Elle est belle, impressionnable, avec un tempérament ardent, ce qui attire l'attention de Clement Sebastian, un célèbre ténor plus âgé qu'elle, qui décide de la prendre comme accompagnatrice en remplacement de son pianiste habituel.
Très vite se noue entre eux une relation qui dépasse le cadre de la simple collaboration. Il lui voit une fraîcheur qu'il n'a plus, et exerce sur elle la sinistre fascination de celui qui sacrifie tout pour retrouver la gloire une dernière fois. Follement éprise, Lucy se jette à corps perdu dans cet amour sans savoir que de cette passion va naître une funeste tragédie.
Dans ce roman écrit en 1935, Willa Cather signe une série de variations sur la perte de l'innocence, et toujours ce même sentiment d'exaltation qu'éprouve une jeune fille en quittant sa petite ville de province pour conquérir le monde avec son art.
Sofia se réveille à l’hôpital après une tentative de suicide. Quelles circonstances ont bien pu pousser la jeune femme à attenter à ses jours ? Il y a tout d’abord un penchant affirmé pour les hommes dépressifs comme elle, mais surtout faibles et lâches, dont son ex-mari Nicola et ses deux amants, Arturo et Marcello. Mais cela ne serait rien sans une histoire familiale pour le moins difficile : son père Ferdinando, océanologue, est absent depuis toujours et lui envoie des quatre coins du monde par Internet de petits films consacrés à la vie des requins, et sa mère Margherita s’est donnée la mort alors que Sofia était encore enfant. Déjà précaire, l'équilibre psychique de la jeune femme vacille un peu plus lorsqu’elle retrouve un paquet de lettres que sa mère n’a jamais expédiées et dont la lecture lui ouvre les yeux. Mais les apparences sont trompeuses : Sofia a-t-elle vraiment voulu se tuer ? Ne s'agirait-il pas plutôt d’une seconde naissance ?
Porté par un humour dévastateur, un rythme trépidant et une écriture flamboyante, L’équilibre des requins a le courage d’affronter un sujet difficile, la dépression, dans toute sa complexité. Un défi ambitieux que Caterina Bonvicini relève brillamment.
Comme c'était rafraîchissant ! Boulevard Saint-Germain, les grilles ondulées sur le trottoir, avec dessous les lumières du Métro et du gravier, me révélaient les dangers de l'enfer. La braise rouge d'une cigarette s'engouffra sauvagement par les mailles du grillage. Encore une étoile qui tombait ! Mais la tour de l'église s'élevait tel de l'ivoire ancien, rendue crayeuse par la palette du temps. Une jambe noire se profila sur un seuil blanc, une vieille femme furieuse avec une jeune chevelure blonde, des continents d'écorce brune s'accrochant au monde blanc et cylindrique d'un érable pelé, l'un d'eux incisé comme par un réseau de voies ferroviaires, tel était Paris : vent et pierre, urine et anneaux rouillés aux murs. Paris promettait de m'enivrer d'été et de café, afin que j'oublie mon Etoile. Paris m'offrait des spectacles devant des tentures étoilées. Paris se pliait en quatre pour me surprendre avec des orgasmes de sucre et de beurre. L'amour mort me hantait-il ? Paris m'ouvrait ses cuisses, elle était prête à tout, elle me tendait ses bras et ses jambes ! Une gracieuse Parisienne dotée d'une bouche étrangement mobile s'était mise à me poursuivre, elle agitait ses longs doigts nerveux, et tournait, incroyablement pâle, cherchant à me toucher, à m'étreindre. » W. T. Vollmann
Sous le signe de Lautréamont dans Les Chants de Maldoror ou de la Nadja de Breton, une élégie à l'amour - impossible, définitivement charnel, fatalement déconcertant - dans une ville de Paris sexuée à l'infini, immense et poétique lupanar et commune libre des passions effrénées, lieu par excellence de l'incarnation du désir. Un impétueux et voluptueux voyage au coeur d'un monde enfin et puissamment « décentré ».
À Buell, Pennsylvanie, les hauts-fourneaux sont éteints depuis belle lurette. Ce qui reste des heures glorieuses de la sidérurgie n'est que misère, délabrement, rouille. La somptueuse et sombre nature alentour, les inquiétants paysages de gares de triage désaffectées et d'usines à l'abandon, les bars glauques où des hommes aux abois ruminent leur triste destin, tout suinte le désespoir.
À vingt ans, unis par une improbable amitié, le chétif Isaac English et l'athlétique Billy Poe devraient être à l'université, mais aucun n'a quitté sa vallée natale. Tandis qu'Isaac le surdoué s'occupe de son père invalide, Billy l'athlète raté se défoule dans les bagarres...
Quand le premier se décide enfin à tenter sa chance ailleurs - avec en poche quatre mille dollars volés à son père -, Billy accepte de faire un bout de route avec lui. Mais un incident les oppose presque aussitôt à des vagabonds, et le drame se noue, mettant à mal toutes les loyautés - amicale, amoureuse, familiale, humaine. Prenant à bras-le-corps de grands mythes américains, Philipp Meyer signe un roman ambitieux et haletant qui saisit magistralement cette Amérique en sursis, celle qui, aujourd'hui plus que jamais, survit dans un renoncement perpétuel à ses propres fondements.
Nuovaiocche ? C'est ainsi que les Siciliens qui débarquent dans les années 20 dénomment New York, ville de bruit, de voitures et d'argent. Rien de commun avec l'île natale. Rien, sauf la Mafia. Celle-ci est toujours là, qui règle les vies et les morts. Willy Melodia, pianiste à l'oreille absolue, égrène les airs à la mode, du jazz à Frank Sinatra, et pendant vingt ans se laisse porter par les « amis ». Assis devant son piano, il assiste aux faits et gestes de Lucky Luciano, son protecteur en chef, de Vito Genovese, de Frank Costello. Sans parler de Ben Siegel, ce truand juif un peu fêlé qui rêve de tuer Hitler. Un rêve que Willy Melodia ne partage pas, indifférent aux événements du monde. Lui, derrière son paravent de notes, passe d'une femme à l'autre et attend que les amis décident. D'élire Roosevelt comme président. De soutenir Mussolini. De lâcher Mussolini. D'aider au débarquement en Sicile. Tout cela pour faire tourner le business. Willy et son piano accompagnent la marche de l'histoire, en lui tournant le dos.
Vienne, printemps 1933. Eugen Althager, jeune intellectuel au chômage, se réveille dans le désordre de sa petite chambre et se demande comment tuer le temps. Il est juif, bien qu'instruit dans la religion catholique. Ses études erratiques, interrompues pour des raisons économiques, l'ont porté vers les lettres et la philosophie. Au cours de sa promenade matinale, Eugen Althager va être témoin d'échauffourées antisémites dans les rues du quartier universitaire. Comment survivre, comment aimer, comment ne pas perdre la raison dans cette époque terrifiante ?
Roman sur fond de crise spirituelle, sociale et politique, oeuvre à fort accent autobiographique, Les Naufragés dressent le portrait étonnamment actuel d'une jeunesse en instance de sombrer.