Le blaireau et le roi. Avec Yves Berger

Le blaireau et le roi. Avec Yves Berger
Berger John
Ed. Héros-limite

Sur la place du marché, certains arrivent tôt le matin, d'autres plus en retard font leur place des espaces restants. Il y a ceux qui ont beaucoup à déballer, ceux qui cherchent à provoquer un échange, d'autres encore qui observent et semblent attendre. Les jours de pluie ou de grand froid, ils partagent des regards complices et se reconnaissent encore davantage.

Ce livre se rêve ainsi : la rumeur d'un marché, une place pour les voix.

Horizon mobile

Horizon mobile
Del Giudice Daniele
Ed. Seuil/La librairie du XXIe siècle

Un homme voyage vers «le Sud le plus profond et radical», l'Antarctique, de Santiago du Chili à Punta Arenas, jusqu'à «une autre planète, un corps céleste habité par des millions de pingouins, impeccables et gauches martiens». Il explore ce paysage hypnotique et indifférent, ce Sud gelé qui conserve dans ses neiges éternelles et ses glaciers les histoires de ceux qui l'ont habité, de ceux qui ont tenté de le rejoindre : hommes aventureux au destin souvent tragique qui ont connu le désespoir, la peur, l'emprisonnement dans les glaces, et parfois la folie.

Daniele Del Giudice nous raconte ce voyage dans la nuit polaire de l'homme et du monde.

Par un travail de marqueterie, à la limite entre la vie et la littérature, l'auteur reconstitue une «hyper-expédition» qui relie entre eux des épisodes de voyages historiquement réalisés, en refaisant leurs parcours sur les sentiers du monde et sur ceux de l'écriture.

Le nazi et le barbier

Le nazi et le barbier
Hilsenrath Edgar
Ed. Attila

1933. Max, le fils bâtard de la pute Minna Schulz, s'enrôle dans les SS à l'arrivée d'Hitler au pouvoir.
Affecté dans un camp d'extermination, où disparaissent son meilleur ami (juif) et toute sa famille, il décide à la fin de la guerre de se faire passer pour un juif... et endosser l'identité de son ami assassiné. Max Schulz, devenu Itzig Finkelstein, épouse la cause juive, traverse l'Europe et rejoint la Palestine, où il devient barbier et sioniste fanatique.
Le nazi et le barbier fut, trente ans avant Les bienveillantes, le premier roman sur l'Holocauste écrit du point de vue du bourreau. L'humour (noir) en plus.

 

Demain, à Pampelune

Demain, à Pampelune
Van Mersbergen Jan
Ed. Gallimard/Du monde entier

Un homme en tenue de boxeur fait du stop sur l'autoroute, à la sortie d'Amsterdam. Il est hors d'haleine, détrempé par la pluie et visiblement sous le coup d'une émotion violente. Robert, l'homme qui le prend en voiture, est en route pour l'Espagne, où il veut participer comme tous les ans à un traditionnel lâcher de taureaux dans la ville de Pampelune. Il comprend que Danny n'a pas très envie de se confier, mais il lui propose de l'amener avec lui malgré tout. Il lui prête des vêtements, et les deux hommes poursuivent le voyage ensemble, sans beaucoup se parler. Danny est submergé par des images, des souvenirs de Ragna, la jeune femme d'origine thaïlandaise qui travaillait pour son imprésario de boxe.

Arrivés à Pampelune, les deux hommes participent à cette course périlleuse devant les taureaux, mais Robert se rend compte trop tard que Danny et lui ne la font pas tout à fait pour les mêmes raisons...

Dans ce roman parfaitement construit, qui ménage le suspense jusqu'à la dernière page, Jan van Mersbergen évoque une rencontre étonnante entre deux hommes que rien ne rapproche. Sa description de la rituelle course de Pampelune, une sorte de jeu archaïque avec la vie et la mort, lui permet non seulement de nous offrir des pages hautement dramatiques, mais aussi de se livrer à une réflexion subtile sur la place de la violence dans nos vies.

Le deuxième avion. 11-Septembre : 2001-2007

Le deuxième avion. 11-Septembre : 2001-2007
Amis Martin
Ed. Gallimard

Le 11-Septembre a ébranlé Martin Amis de façon toute personnelle : par-delà l'horreur et l'incrédulité unanimes, le romancier s'est senti confronté à une réalité qui dépassait la fiction, et l'humaniste à un événement qui défiait la raison. Très tôt, et à maintes reprises, il a rédigé des articles et des essais visant à donner sens et forme à ce traumatisme et à ses conséquences - dont la guerre d'Irak. Analyses à chaud, comptes rendus d'ouvrages, long reportage drolatique où il accompagne Tony Blair jusqu'à Bagdad : ce sont ces textes, volontiers polémiques et passionnément rationnels, qui sont rassemblés ici. Martin Amis y pourfend l'extrémisme, tous les extrémismes, avec la même rigueur impitoyable qu'il mettait à disséquer naguère le nazisme ou le stalinisme. Et même si l'on ne partage pas toutes ses analyses et positions, l'on ne peut qu'admirer son acuité et son éloquence. Le recueil culmine avec deux nouvelles, l'une évoquant un authentique terroriste du 11-Septembre, l'autre le sosie d'un dictateur à peine imaginaire : l'auteur y réaffirme, avec éclat, toute la puissance de la fiction, et le pouvoir qu'à l'écrivain de nous aider à penser le réel.

 

City Boy

City Boy
White Edmund
Ed. Plon

Les années soixante-dix : au seuil de la banqueroute, en plein chaos urbain, jamais New York n'a abrité plus de dangers, d'audaces et de talents. En pleine ébullition intellectuelle et artistique, la ville de Susan Sontag, Truman Capote et Jasper Johns voit défiler les scandales et éclore les génies. C'est là que le jeune Edmund White fait ses débuts d'écrivain, là qu'il croise William Burroughs ou Vladimir Nabokov, là que s'insinuent en lui cet esprit à la fois transgressif et désinvolte, cette mondaine subtilité et ce charme ambigu. Là encore que s'expriment tous ses appétits, ceux d'un lecteur boulimique, d'un curieux jamais rassasié, d'un sensuel en quête d'hommes, sans fard ni fausse pudeur, d'errances érotiques en interdits assouvis.

Parcours initiatique traversé d'icônes et de passions, ce texte brosse le portrait d'une époque et d'une ville mythiques, sous la plume sulfureuse d'un écrivain en devenir, porte-drapeau d'une génération d'artistes gays.

 

Ca commence à faire mal

Ca commence à faire mal
Lasdun James
Ed. Jacqueline Chambon

Les personnages des nouvelles de James Lasdun sont comme nous : plein d'illusions sur eux-mêmes ; inquiets et avides de l'image que les autres leur renvoient ; tout à la fois enferrés et confortablement installés dans leurs habitudes, leurs idées, leurs routines ; sincèrement épris d'une vie bonne qu'obère sans cesse la suite de leurs infimes mais douloureuses compromissions. Avec un instinct psychologique infaillible et le sens de ces situations faussement banales mais en vérité décisives où se laisse saisir l'essence d'une vie, James Lasdun raconte ces moments où « ça commence à faire mal ». Ecrivain précieux et discret, il nous montre avec ce nouveau recueil qu'il est bien, comme le dit justement le critique américain James Wood, « un des jardins secrets de la littérature anglaise... Lorsqu'on le lit, on se souvient de ce pour quoi notre langue est faite. »

Warlock

Warlock
Hall Oakley Maxwell
Ed. Passage du Nord-Ouest

« La ville de Tombstone en Arizona, pendant les années 1880, est notre Camelot national. Une terre fabuleuse où les vertus de l'Amérique s'incarnent chez les frères Earp et ses maux dans la bande des Clanton ; une terre imaginaire aussi, où l'affrontement d'OK Corral se revêt de la pureté dépouillée des joutes arthuriennes.

Dans son magistral roman Warlock, Oakley Hall rend son humanité véritable, sanglante et mortelle au mythe de Tombstone. Wyatt Earp s'y métamorphose en un tireur d'élite nommé Blaisedell qui, à cause de l'image donnée de lui dans les magazines spécialisés sur le Far West, pense qu'il est un héros. Et c'est parce qu'ils croient en ce héros que les citoyens exaspérés de Warlock font appel à lui. Mais lorsque Blaisedell découvre qu'il ne peut répondre à leurs attentes, il est obligé de reconnaître ses failles, son abîme intime n'étant pas si éloigné de celui qui règne en ville.

Avant même que s'achève l'angoissante épopée du livre [...], Warlock doit admettre que ce que l'on nomme la société et l'état de droit sont des concepts aussi fragiles et précaires que la chair, voués à retourner à la poussière des déserts aussi rapidement qu'un cadavre. C'est la sensibilité profonde de Warlock qui fait de cet ouvrage un grand roman américain.

Nous sommes, dans ce pays, encore nombreux à trouver naturel de jeter nos papiers d'emballage au fond du Grand Canyon avant de prendre une photo couleur et de remonter en voiture ; par conséquent, notre nation a besoin de voix comme celle d'Oakley Hall pour se rappeler l'existence de ce morceau de papier voltigeant qui, dans sa chute scintillante, n'en finit pas de tomber. » Thomas Pynchon

Waveland

Waveland
Barthelme Frederick
Ed. Christian Bourgois

Sur la côte du golfe du Mississippi, Vaughn Williams, architecte sans emploi, s'efforce de parer à son désoeuvrement : il regarde la télévision, surfe sur Internet et enseigne de temps à autre dans une université locale. Lorsque son ex-femme, rouée de coups par son petit ami, lui demande de venir s'installer chez elle avec sa compagne Greta, il accepte. S'ensuivent des complications rocambolesques au sein desquelles Frederick Barthelme distille réflexions philosophiques et politiques, entre autres digressions réjouissantes.

Évoluant entre tristesse et drôlerie, les personnages de Barthelme s'efforcent de résoudre les problèmes qui les taraudent. Un an après le passage de l'ouragan Katrina, le paysage dévasté reflète parfaitement ces existences tranquillement déglinguées.

Les enfants de la veuve

Les enfants de la veuve
Fox Paula
Ed. Joëlle Losfeld

À La veille d'un voyage en Afrique, Laura Maldonada Clapper et son mari, Desmond, boivent du scotch assis dans une chambre d'hôtel new-yorkaise, en attendant leurs trois invités : Clara, la timide fille de Laura née d'un précédent mariage ; Carlos, l'exubérant frère de Laura, critique musical raté ; et Peter, un éditeur falot et mélancolique que Laura n'a pas revu depuis un an. Ce qui s'annonçait comme une petite fête de départ se transforme bientôt en un amer et angoissant règlement de compte familial. Laura, sorte de « diva », qui tout au moins semble se considérer comme telle, orchestre la soirée avec une impériale cruauté et multiplie insinuations et hostilités pour tenter de cacher une terrible nouvelle qu'elle vient d'apprendre.

Paula Fox révèle une fois de plus son incontestable maîtrise esthétique et sa capacité à raconter les relations humaines telles qu'elles sont et non telles qu'elles devraient être. Elle met en scène avec une grande subtilité la toute-puissance maternelle dans ce qu'elle peut avoir de manipulateur et de déstabilisant.

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