Vers la fin des années 1950, un petit pays de l'Est est envahi par une puissance étrangère. Andreas, un étudiant qui vit dans la capitale, doit s'exiler ; il trouve refuge en Italie, après un voyage riche en péripéties. Pour ce jeune homme devenu orphelin de sa langue maternelle, c'est le début d'une véritable métamorphose. A l'instar de Wilhelm Meister, le héros de Goethe, il fait l'apprentissage de la vie et de l'amour à travers l'univers du théâtre. Avec l'aide de figures tutélaires féminines, il découvre peu à peu un monde nouveau et suit des cours d'art dramatique, mais doit déjouer les pièges des mensonges et des faux-semblants. Sa quête d'authenticité est jalonnée par la lecture d'un manuscrit où l'on reconnaît le philosophe Carlo Michelstaedter, dont l'histoire constitue ici un véritable roman dans le roman, et par sa rencontre avec le vieux Gerson, sosie de son père, menteur invétéré, mais riche de son expérience vécue.
Ecrit dans une prose légère et tendre, traversé par les grandes interrogations de la culture juive, La Langue perdue oscille constamment entre l'ombre et la lumière, entre la tentation du désespoir et la 'religion de l'Autre'.
Ce roman historique évoque l'épopée et la tragédie des Guaranis au XVIIIe siècle, à l'époque des reducciones jésuites en Amérique du Sud. On sait que ces missions jésuites auprès des Indiens guaranis ont duré près de 150 ans, de 1609 à 1768. Les terres des Guaranis s'étendaient sur une surface immense, correspondant, en termes actuels, au nord de l'Uruguay, au sud-est du Paraguay et traversant le Brésil et l'Argentine. Le fonctionnement des «réductions» était tout à fait particulier. Toutes bâties sur le même plan - au centre du village se trouvaient l'église et un collège (l'enseignement pour les garçons et les filles était obligatoire pendant cinq ans), qu'entouraient des écoles d'artisanat et des ateliers - elles étaient gouvernées par un corregidor guarani, l'autorité spirituelle étant exercée par les deux jésuites - au maximum - qui vivaient dans chaque «réduction». L'élevage et la culture du maté étaient les grandes ressources de ces communautés, où les Guaranis, qui s'étaient volontairement mis sous la souveraineté du Roi d'Espagne, vivaient libres, dispensés du servage.
La Terre des Guaranis nous fait revivre, à partir de 1740, la vie d'une de ces «réductions», à l'époque de leur apogée puis de leur déclin. Les razzias des bandeirantes, esclavagistes portugais du Brésil, constituent une menace permanente. Les appétits des grandes puissances sont manifestes. Le traité signé en 1750 entre le marquis de Pombal et Ferdinand VI, au terme duquel l'Espagne cède au Portugal une grande partie du territoire des Missions, sonne le glas des «réductions». La suppression de la Compagnie de Jésus aggrave la situation des Guaranis. Ils ne pourront résister longtemps aux armées espagnole et portugaise qui imposent l'application du traité. Mais l'idéal des «réductions» n'est pas pour autant effacé des terres ni des coeurs des Guaranis, qui semblent pourtant condamnés à retourner à l'état nomade.
Eugenio Corti a peint ici une superbe fresque historique sur trois générations, nous faisant suivre les vicissitudes d'une communauté qui ne plie pas devant la violence de l'Histoire, et a créé des personnages inoubliables. La peinture de la vie quotidienne de la «réduction» et des éternelles passions des hommes, alternent avec d'admirables descriptions de scènes de batailles, de la forêt, de voyage vers les grandes villes, où parviennent, tamisés, les échos des événements qui sont en train de bouleverser l'Europe. Dans ce roman, l'auteur du Cheval rouge use d'une technique narrative inédite, d'une grande efficacité, qui situe le lecteur à la fois au coeur des événements et de la création littéraire, le plongeant dans une atmosphère captivante qui constitue sa signature.
Couronné par le National Book Critics Circle Award, le premier roman de Louise Erdrich a imposé la voix singulière d'une romancière aujourd'hui reconnue et saluée comme un écrivain majeur.
De 1934 à nos jours, Love Médicine retrace les destins entrelacés de deux familles indiennes, isolées sur leur réserve du Dakota, à qui les Blancs ont non seulement volé leur terre mais ont aussi tenté de voler leur âme. Mêlant comédie et tragédie, puisant aux sources d'un univers imaginaire riche et poétique qui marque tous ses livres, de Derniers rapports à Little No Horse à Ce qui a dévoré nos coeurs, ce roman est présenté ici dans sa version définitive, reprise et augmentée par l'auteur.
« Un livre d'une telle beauté qu'on en oublierait presque qu'il nous brise le coeur. » Toni Morrison, Prix Nobel de Littérature
« Ses livres ont imposé Louise Erdrich comme l'une des grandes voix de la littérature américaine, mais elle est l'une des rares à construire un édifice romanesque d'une complexité comparable à celle de Faulkner. » Le Point
« À peine les cartes étalées sur la table, elle sait tout : un blond, amoureux, bref - le roi de coeur. Tu vois, il est sur le départ. Elle fixe les figures avec satisfaction : il a un voyage en perspective, ton roi, inutile de t'inquiéter !
En effet. Le roi se trouve dans la deuxième rangée, premier à droite, suivi d'un six de coeur qui représente le voyage. Il y a tout de même trois mauvaises cartes de pique, mais ce n'est pas bien grave, explique Terenia, tu vas recevoir de ses nouvelles dans les prochains jours.
Elle reçoit des nouvelles. D'Auschwitz, il est vrai, mais avec un numéro où elle peut envoyer des colis. Dans sa lettre écrite sur un imprimé officiel, son mari l'informe : « Je suis en bonne santé, envoie-moi de la nourriture. » Elle expédie un kilo de sucre, un kilo de saindoux, du pain, de la poitrine fumée et des oignons. Cela lui coûte cent vingt zlotys et elle a le droit d'envoyer un colis par mois. Même si je dois mourir, même si je dois me vendre, je trouverai cent vingt zlotys chaque mois, annonce-t-elle à Lilusia. »
Deux soeurs jumelles se cachent dans une cabane en haut d'un arbre. L'une d'elles se fait la narratrice du spectacle qui se déroule sous ses yeux : des paysans chantent, puis mettent le feu à une maison. La leur ? Sans doute.
Au milieu de l'horreur, la mémoire des jours heureux submerge la jeune fille. Les étés au bord de l'étang, les pique-niques dans la clairière - mais tout est en train de partir en fumée. On est probablement à la fin des années trente...
Un bonheur familial mis en pièces, un vétérinaire juif calomnié, la fin de l'innocence pour deux jeunes filles. Dans une langue d'une grande fluidité, adoptant la focalisation interne du regard de l'enfant, le récit de Kevin Vennemann plonge le lecteur au coeur même de l'incompréhensible machinerie de l'horreur humaine.
«Ils sont partis. Je suis resté là, dans un silence absolu. Une heure, deux heures. Je comprenais qu'il fallait que je trouve le moyen de sortir. Le laissez-passer allemand que l'on m'avait remis à la Gestapo avait été déchiré par l'officier lituanien. Je n'avais plus que ma carte de lycéen délivrée en 1939. Ma nationalité ne figurait pas sur cette carte, juste mon nom, Dieter Stein. Un nom allemand ordinaire. J'ai arraché l'étoile jaune de ma manche. J'avais pris une décision : le Juif allait rester dans cette cave. Celui qui remonterait à la surface serait allemand. Il fallait que je me comporte comme un Allemand. Non, comme un Polonais. Mon père était allemand et ma mère polonaise, ce serait mieux comme ça. Et ils étaient morts...»
Ce nouveau livre de la grande romancière et nouvelliste russe Ludmila Oulitskaïa est consacré à un personnage hors du commun, le père Daniel Stein, né en Pologne en 1922 et mort en Israël en 1995. Son destin est exceptionnel à plus d'un titre : il échappe miraculeusement à la déportation en se faisant passer pour un Allemand, puis se convertit au catholicisme, avant de s'installer en Israël dans un monastère près d'Haïfa. Dans ce livre foisonnant, Ludmila Oulitskaïa ressuscite avec brio un personnage fascinant injustement oublié du grand public.
Le voyage dans le passé est l'histoire des retrouvailles au goût amer entre un homme et une femme qui se sont aimés et qui croient s'aimer encore.
Louis, jeune homme pauvre mû par une « volonté fanatique », tombe amoureux de la femme de son riche bienfaiteur, mais il est envoyé quelques mois au Mexique pour une mission de confiance. La grande guerre éclate. Ils ne se reverront que neuf ans plus tard, L'amour résiste-t-il à tout ? A l'usure du temps, à la trahison, à une tragédie ?
Dans ce texte bouleversant, jamais traduit en français jusqu'à ce jour, on retrouve le savoir-faire unique de Zweig, son génie de la psychologie, son art de suggérer par un geste, un regard, les tourments intérieurs, les arrières-pensées, les abîmes de l'inconscient.
Octobre 1972 - janvier 1973 : Rolf Dieter Brinkmann (1940-1975) séjourne à Rome, à la Villa Massimo, pendant allemand de la Villa Médicis. Il en revient avec trois cahiers dans lesquels il a engrangé ses impressions, sa correspondance amicale ou pas, les lettres envoyées à Maleen, sa compagne. Il y consigne son voyage, la découverte de cet endroit destiné à la « création » artistique, ses démêlés avec les occupants, ses rencontres avec les autochtones, ses lectures, les difficultés matérielles constantes, ses interrogations multiples. Il prend des photos, réalise des collages, déambule dans Rome, cette ville de vestiges qui impose son passé alors qu'en lui vocifèrent colère et désolation.
Avec une impétuosité généreuse et hirsute de rebelle misanthrope, Brinkmann livre dans Rome, Regards sa pensée au travail et son combat avec les mots pour faire exploser la langue de l'intérieur. Chronique des jours à Rome et chez les hommes, ces regards collages arrivent enfin jusqu'à nous.
« Sans doute le seul génie de la littérature ouest-allemande d'après-guerre » Heiner Millier
Fuyant l'Allemagne hitlérienne, Léo Löwe se retrouve à bord du paquebot Go(...)afoss en route pour l'Islande. Dans la boîte à chapeau qu'il conserve précieusement sommeille un petit garçon d'argile qu'il espère éveiller à la vie.
Afin d'y parvenir, Léo doit réussir toute une série d'épreuves : apprendre l'islandais, traire chaque jour une chèvre pour baigner l'enfant, demander la nationalité auprès d'un fonctionnaire qui l'interroge sur le régime alimentaire des loups-garous et s'adjoindre les services d'un cuisinier-espion russe et d'un théologien noir américain également champion de lutte.
Gottland, c'est ainsi que le brillant journaliste polonais Mariusz Szczygiet nomme la République tchèque, en jouant avec le nom d'une vedette de la chanson. Sur ses voisins, qu'il chérit et dont il parle la langue, il signe un livre érudit et magistralement composé où l'on trouve des personnages et des histoires insolites : l'édification du plus grand monument de Staline au monde ; l'ascension et la chute d'une star du cinéma tchèque dont Goebbels était tombé éperdument amoureux ; l'épopée de la dynastie Bata ; les subterfuges de la nièce de Franz Kafka pour garder l'anonymat.
Sous couvert de merveilleux petits contes cruels, Gottland est une radioscopie subtile de la dérive du totalitarisme - le récit d'un « avenir radieux » raconté par les victimes qu'il a engendrées.