Chaque été, depuis quarante ans, son automobile surchargée de livres, de documents, de recettes de cuisine, d'images glanées partout dans le monde et d'un entassement de valises, Cees Nooteboom quitte Amsterdam, traverse la France et regagne l'Espagne où il s'embarque enfin pour Minorque.
C'est cette île qu'il nous raconte ici, le bonheur d'y retrouver l'isolement, la lumière et la mer, le retrait nécessaire à l'écriture, l'austère beauté des terres, l'humilité des êtres, la présence rassurante ou malicieuse du règne animal, la force des pierres et l'infinie sérénité d'un jardin où les arbres ont grandi, témoins immobiles des temps perdus.
Ainsi se déploie toute une vie. Car c'est bien la biographie de l'auteur qui court à travers ce livre, une façon de se mettre en scène, de se souvenir ou d'avouer ce qui est oublié : avec légèreté, humour, ironie ou émotion, mais toujours avec le plaisir de dire, car pour Nooteboom ce qui n'est pas raconté n'est pas vraiment vécu.
« Et puis, un beau jour, les archives sont pleines. Les souvenirs sont engrangés, il est temps de rentrer vers la ville aquatique où j'ai ma maison, vers l'Europe de mes premiers voyages en stop et vers l'île estivale, l'île du jardin avec ses deux palmiers que j'ai plantés il y a plus de trente ans et qui, tout ce temps, sont restés au même endroit tandis que je dansais autour du monde. »
« Autrefois on disait déjà la colline comme on aurait dit la mer ou la forêt. J'y allais le soir, quittant la ville qui s'obscurcissait, et, pour moi, ce n'était pas un endroit comme un autre, mais un aspect des choses, une façon de vivre. [...] J'y montais le soir pour éviter le sursaut des alertes : les chemins fourmillaient de gens, de pauvres gens que l'on évacuait pour qu'ils dorment au besoin dans les prés, en emportant un matelas sur leur vélo ou sur leur dos, criaillant et discutant, indociles, crédules, amusés. » Cesare Pavese, La Maison des collines, 1948.
Comprend :
Travailler fatigue : suivi de deux essais critique sur sa poésie
Par chez toi
La plage
Vacance d'août
Le camarade
Dialogues avec Leuco
Avant que le coq chante
Le bel été
La Lune et les feux
Le métier de vivre : édition intégrale accompagnée d'un choix de lettres
Un éditeur donne à J.C., écrivain australien d'origine sud-africaine, l'occasion d'exprimer ses opinions sur des sujets de son choix : musique, sport, pédophilie, servitude volontaire, Machiavel, démocratie, Guantanamo, torture, terrorisme, etc. Par alter ego interposé, J.M. Coetzee jette sur notre monde un regard intransigeant et livre une méditation crépusculaire sur la vieillesse, le déclin des forces créatrices, la mort.
Ralenti par la maladie, il confie la dactylographie de ses essais à une jeune voisine philippine qui l'émoustille. Dotée d'un solide bon sens, celle-ci critique ses idées, discute les textes avec son compagnon, financier peu scrupuleux, et finit par ôter leur tranchant aux opinions arrêtées de l'auteur, inspirant à Señor C une deuxième livraison d'opinions 'adoucies'.
Le texte se dispose sur la page comme une partition sur trois portées pour des voix tantôt en résonance, tantôt en discordance. L'amour-tendresse et la compassion s'offrent en contrepoint de la disgrâce et du désespoir tandis que J.C. s'apprivoise à la mort dans l'admiration de Bach et de Dostoïevski.
Premier ouvrage posthume de Susan Sontag, ce recueil rassemble seize essais et discours auxquels elle travailla jusqu'à sa mort. Ses considérations sur la beauté, la littérature russe et l'art de la traduction littéraire voisinent avec des textes - manifestes sur la situation en Israël, le 11 Septembre et Abou Ghraib. Mais, plus que dans aucun autre livre, Susan Sontag exprime ici sa foi en la littérature et le pouvoir qu'elle lui confère. Elle y dévoile ses centres d'intérêt majeurs - la lecture, l'écriture, la traduction - ainsi que ces qualités qu'elle prisait avant tout, dans son travail comme dans sa vie : l'honnêteté intellectuelle et morale ainsi que l'esprit de sérieux.
Rosamond vient de mourir, mais sa voix résonne encore, dans une confession enregistrée, adressée à la mystérieuse Imogen. S'appuyant sur vingt photos soigneusement choisies, elle laisse libre cours à ses souvenirs et raconte, des années quarante à aujourd'hui, l'histoire de trois générations de femmes, liées par le désir, l'enfance perdue et quelques lieux magiques. Et de son récit douloureux et intense naît une question, lancinante : y a-t-il une logique qui préside à ces existences ?
Tout Jonathan Coe est là : la virtuosité de la construction, le don d'inscrire l'intime dans l'Histoire, l'obsession des coïncidences et des échos qui font osciller nos vies entre hasard et destin. Et s'il délaisse cette fois le masque de la comédie, il nous offre du même coup son roman le plus grave, le plus poignant, le plus abouti.
Au Zénith est le chef-d'œuvre de Duong Thu Huong : voici un roman qu'elle portait en elle depuis plus de dix ans, et où convergent son combat politique et son talent littéraire.
En 1953, le président - c'est ainsi que l'auteur le nomme, mais on comprend très vite qu'il s'agit de Ho Chi Minh - tombe éperdument amoureux, à plus de soixante ans, d'une très jeune femme. Avec elle, il fonde une famille, qu'il installe à Hanoi dès la reconquête de la capitale. Mais il n'est pas un homme ordinaire, il est le père de la nation, et quand lui vient le souhait d'officialiser son union, les ministres, dont il a favorisé l'ascension, lui font valoir que cette affaire privée le ferait descendre de son piédestal politique. Le président cède, croyant choisir une légitime raison d'État. De ce jour, sa vie bascule. Sa jeune compagne est assassinée, ses enfants recueillis par des proches, et le pouvoir effectif lui échappe : cachés derrière sa figure tutélaire, ses anciens compagnons construisent un régime dont les fondements sont bien éloignés des combats de leur jeunesse.
Pour donner toute sa mesure à ce drame intime et politique, l'écrivain déploie une construction romanesque époustouflante, juxtaposant quatre points de vue narratifs.
Celui du président qui, à la fin de sa vie, pendant la guerre contre les Américains, avec pour seuls compagnons les soldats qui le surveillent et les bonzesses de la pagode voisine, tente d'éclairer les méandres de son propre parcours.
Celui de son meilleur ami, Vu, qui élève son fils, et dont la propre femme, une ancienne révolutionnaire pure et dure comme lui, symbolise désormais la corruption au pouvoir.
Parenthèse bucolique et contrepoint à l'intrigue principale : Duong Thu Huong raconte comment un vieil homme respecté dans son Village des bûcherons est parvenu, non sans difficultés, à imposer son union avec une femme de quarante ans plus jeune que lui.
Dernier point de vue : celui du beau-frère de la jeune épouse sacrifiée. Fou de douleur, ce Compatriote inconnu ne survit que pour se venger.
Au long de cette fresque impressionnante, l'écrivain - héraut des idéaux bafoués que le président a portés jusqu'au bout - élucide, sans jamais porter de jugement, un destin d'autant plus tragique qu'il s'est joué d'un être bien réel et maître du pouvoir.
Biarritz, son rocher, sa plage, ses tamaris, ses surfeurs, tout cela est bien connu, mais Biarritz destination peu regardante à l'heure d'accueillir des nouveaux riches russes, cela l'est moins. C'est dans cette ville, en tout cas, qu'un certain Bazz Oxelotl, écrivain en exil, double d'Axionov, au surmoi hypertrophique et juché parfois sur un âne portugais, commence son récit.
Quelques vagues, et voilà que le roman se débride, s'imbrique et se désimbrique comme les célèbres poupées russes. On se trouve entraîné dans un rythme échevelé, du fin fond de l'Afrique avec ses richesses des terres rares jusqu'en Sibérie, et à Moscou évidemment, le Moscou des grandes purges de 1937 mais surtout la capitale de cette nouvelle Russie avec ses « oligarques » séduisants et arrivistes, sans scrupules et tout-puissants, bien qu'en butte au vieil appareil de contrôle. Apparatchiks nouvelle mouture, tenants de l'économie libérale aux dents longues, entrepreneurs audacieux, hommes de main en 4X4, avec lunettes noires et téléphones mobiles, surprenant président africain imprégné de magie et d'idéologie marxisante, amoureux fous, jeune surdoué, tels sont les personnages qui peuplent Terres rares.
Au final, une farandole loufoque et jubilatoire, une fable boulgakovienne d'aujourd'hui, quelque chose comme un Hellzapoppin romanesque, peut-être. Et pour le lecteur, un petit tour dans les cuisines de la littérature, où un Vassili Axionov, en permanente et féroce autodérision, convoque, comme pour un adieu prémonitoire, tous les personnages de ses romans précédents.
Un bonheur sans réserve donc, à servir aussi glacé qu'une vodka en savourant les zakouskis d'une langue jouissive, inventive et aussi déjantée que tout le reste.
'Pourquoi cherchons-nous des définitions d'identités par les mots et quel est, dans une telle quête, le rôle du conteur d'histoires ? Comment le langage peut-il déterminer, limiter et accroître notre imagination du monde ? Comment les histoires que nous racontons nous aident-elles dans notre perception de nous-mêmes et des autres ? De telles histoires peuvent-elles prêter à une société entière une identité, vraie ou fausse ? Et, en conclusion, est-il possible que des histoires nous transforment, nous et le monde dans lequel nous vivons ?' Alberto Manguel (extrait de l'introduction)
Dans cette série de conférences prononcées en 2007 à Toronto dans le cadre des Massey Lectures, tribune annuellement offerte à des penseurs contemporains pour traiter des grandes questions de notre temps, Alberto Manguel, dressant de fascinants parallèles entre les réalités individuelles et politiques du monde actuel et celles que, de tout temps, ont pris en charge le mythe, la légende et le récit, propose de prêter attention, plutôt qu'au discours d'autorités prétendument 'compétentes', à ce qu'ont à nous dire, sur la manière de bâtir une société, les visionnaires - poètes, romanciers, essayistes ou cinéastes - dont les oeuvres, parce qu'elles acceptent d'assumer l'humain dans toute sa complexité, montrent la voie de l'ouverture sur laquelle peut se fonder une communauté plus juste et plus durable.
En France, la majeure partie de l'oeuvre d'Alberto Manguel est publiée par Actes Sud.
La rencontre fortuite de Tommy, débarqué à San Francisco de son Midwest natal pour devenir le nouveau Jack Kerouac, et de Jody, une bouillonnante secrétaire de vingt-six ans, aurait pu nourrir une banale histoire d'amour. Seulement voilà, juste avant de faire la connaissance du jeune homme, la belle Jody a été mordue par Élie Ben Sapir, un vampire âgé de huit siècles qui a fait d'elle un nosferatu - histoire manifestement de lui pourrir la (non-)vie. Fort heureusement, Tommy l'écrivain tourmenté, tombé amoureux fou de Jody, veille au grain. Avec l'aide de ses collègues de l'équipe de nuit du supermarché où il travaille et d'un sympathique clochard autoproclamé empereur de San Francisco, il n'aura de cesse de traquer le vieux démon pour défendre sa dulcinée - sans oublier de passer chercher le linge en rentrant, merci.
Après Godzilla dans Le Lézard lubrique de Melancholy Cove, les zombies dans Le Sot de l'ange ou la Mort herself dans Un sale boulot, Christopher Moore dynamite cette fois le mythe du vampire avec sa folie coutumière. À conseiller aux dépressifs.
« Monsieur Valéry tenait toujours sous le bras un livre entouré d'un élastique et d'une couverture en plastique.
En plus de lire le livre, il l'utilisait comme portefeuille pour ranger ses billets.
Monsieur Valéry expliquait : - Jamais je n'ai aimé séparer la littérature et l'argent. [...]
Qui venait à rencontrer monsieur Valéry et le voyait, assis à la table d'un café, agripper fermement son livre des deux mains, n'arrivait jamais à décider si ses bras contractés démontraient une avarice mesquine ou un profond amour de la littérature. »
Gonçalo M. Tavares a imaginé un quartier où coexistent et déambulent des « messieurs ». Une succession de petits épisodes nous font atterrir, comme Alice, dans leur quotidien. Les Éditions Viviane Hamy ont bien l'intention de surprendre Monsieur Henri, Monsieur Kraus, Monsieur Brecht, Monsieur Duchamp, Madame Woolf, Madame Bausch, Monsieur Gogol...
« Comme le village d'Astérix : o bairro, un lieu où l'on tente de résister à l'entrée de la barbarie. »