Le narrateur raconte comment son grand-père lui parlait de son oncle Yodok. Ce personnage disparu que le narrateur n'a pas connu devient une obsession pour le grand-père et envahit le texte en mettant à mal la typographie et l'orthographe !
Gravures de Marfa Indoukaeva
'Je
suis
votre
voix'
disait Anna
Akhmatova.
En 1941 cette
voix revient du
silence où elle avait
été reléguée, et affirme
dans l'épreuve et la lutte
collectives, sans rien céder à
un régime qui aurait voulu ne
l'utiliser qu'à ses fins, la primauté
d'une conscience individuelle, sa
liberté, sa souffrance et sa vie. 'On
ne forcera nul de nous à se soumettre!'
En 2004, Keith Waldrop publie un livre au titre étrange pour un lecteur français : The Real Subject: Queries and Conjectures of Jacob de Lafon. Le vrai sujet : interrogations et conjectures de Jacob de Lafon est une séquence de poèmes en prose, méditations poétiques, drôles, absurdes, mais aussi tristes et mélancoliques du «héros» Jacob de Lafon à qui Keith Waldrop a prêté vie et que la traduction française a dû anoblir.
Fils de R. Mutt (signature apposée par Marcel Duchamp sur son célèbre urinoir), le Jacob de Lafon est une sorte de pied nickelé américain, n'oubliant jamais l'origine modeste et prosaïque de son nom ; mais c'est un pied nickelé rêveur qui se perd en «conjectures et interrogations», à la recherche (illusoire) du «vrai sujet» qu'il ne trouvera d'ailleurs pas, le livre se terminant sur une phrase inachevée et le mot «surprise». Le vrai sujet est une quête qui, consciente de sa propre absurdité, la met en scène dans de nombreux passages très drôles. Et pourtant «profonds» aussi, si l'on décide d'y voir les nombreux échos à la littérature, philosophie et aux Écritures qui ponctuent les textes.
Bréviaire de l'apprenti philosophe de waters, Le vrai sujet présente au lecteur les pensées d'un personnage qui refait le monde et, pendant qu'il y est, le langage - alors même que son patronyme devrait l'inviter à une prudente modestie. Notre héros est un funambule qui avance en vacillant sans cesse entre grotesque et beauté, humour et gravité, rire et larmes. Olivier Brossard
Quatrième livre, mais premier à être traduit en français, de cette auteure américaine née en 1963, Si toi aussi tu m'abandonnes relève d'un genre inventé et développé aux Etats-Unis : la «documentary poetry». Mais Claudia Rankine se l'est approprié pour créer un texte d'une grande originalité.
A la fois autobiographie et chronique des années Bush, elle y sonde ce qui ronge et, à proprement parler, infecte la vie aux Etats-Unis : la télévision, la publicité - notamment celle pour les médicaments - et une justice en général à deux vitesses selon la qualité et la couleur des suspects. Mais parce que tout ce qui l'affecte l'isole, elle ressent aussi la solitude comme une conséquence de sa sensibilité.
Claudia Rankine est virulente mais profondément humaine ; elle porte un regard acéré, à la fois critique et drôle, mais sans cynisme, sur cette Amérique surconsommatrice d'images et de pharmacopées. Elle traverse drames nationaux et dépressions familiales avec une lucidité engagée et un humour radical qui rendent sa poésie neuve et attachante.
Conçue comme une introduction à l'humour sombre et désespéré, cette compilation réunit une trentaine d'auteurs majeurs du dérisoire et du sarcasme. Le dénominateur commun de ces textes est leur forme courte : haïku, aphorisme, notule, pièce en un acte, roman en neuf lettres, chronique, histoire brève, page de carnet, nouvelle en trois lignes, autobiographie expresse, compte-rendu de poche, etc.
Lire aussi l'article du Matricule des Anges référencé sur lelibraire.com
L'anthologie de l'Oulipo
Créé autour de l'écrivain Raymond Queneau et du mathématicien François Le Lionnais, l'Oulipo compte parmi ses membres célèbres Georges Perec, Italo Calvino, Marcel Duchamp, Jacques Roubaud... C'est l'unique exemple dans le monde d'un groupe littéraire toujours actif et se renouvelant, un demi-siècle après sa création.
Jamais autant de textes de l'Ouvroir de littérature potentielle, aussi divers, n'ont été rassemblés en un volume unique. Pour le plus grand plaisir du lecteur, la langue, comme le poème, a ici kekchose d'extrême.
Le film L'Oulipo mode d'emploi
Ce documentaire est un portrait à la fois historique et actuel de l'Oulipo, mélangeant archives, scènes de la vie du groupe et entretiens avec ses membres. Semé d'astucieuses animations graphiques, ce film réjouissant nous fait découvrir un monde ludique, surprenant, protéiforme mais contraint - en un mot, oulipien.
Un film documentaire réalisé par Jean-Claude Guidicelli, écrit par Jean-Claude Guidicelli et Frédéric Forte, avec la collaboration d'Hervé Le Tellier et Daniel Levin Becker.
C’est un monument ; l’une des quelques merveilles absolues du patrimoine littéraire de l’humanité. Les 154 Sonnets de William Shakespeare sont peut-être moins connus que les grandes œuvres dramaturgiques du barde de Stratford, Hamlet, Macbeth, Othello et consorts, mais ils n’ont cessé, depuis quatre cents ans, d’ensorceler les lecteurs et de passionner la critique, à la fois par leur beauté, expression suprême de l’art poétique élisabéthain, et par leur impénétrable mystère.
Car ces sonnets, s’ils participent pleinement à la légende de l’œuvre shakespearienne, en sont aussi l’une des énigmes. À qui s’adressent ces bouleversants poèmes d’amour, tour à tour ode à la procréation, hymne érotique et cri de rage jalouse ? Qui est ce mystérieux « W.H. » à qui le recueil est dédié ? Qui, enfin, est le « William Shakespeare » qui parle ici et semble, au crépuscule de sa vie théâtrale, tomber le masque pour mettre son cœur à nu ?
Après avoir redonné vie et vigueur à l’œuvre de Malcolm Lowry et à celle de Walt Whitman, Jacques Darras nous offre ces Sonnets comme on ne les avait jamais lus – ou, faudrait-il dire plutôt, comme on ne les avait jamais entendus. Car tout l’enjeu de cette nouvelle traduction est de nous faire entendre la musique, proprement inouïe, des vers de Shakespeare : une symphonie baroque, échevelée, d’une audace contemporaine et d’une splendeur inépuisable.
Deuxième livre de l'auteur à paraître chez Corti - après Si Riche Heure en 2007 -, L'Âge de Verre retrouve le rythme de vers coupé qui est sa signature mais en alternance cette fois avec de brefs blocs de prose. L'auteur parcourt ainsi à sa façon l'histoire du verre et donc, surtout, celle de la fenêtre : tant l'invention de l'objet et ses conséquences sur le regard que nous portons sur le monde, que la représentation qui en est faite depuis la Renaissance. La peinture s'étant emparée de la fenêtre pour en faire son deus ex machina : la source de toute mise en scène, cadrage et perspective.
Raison pour laquelle cette histoire s'entretisse avec celle de Bonnard - le peintre des fenêtres s'il en est - poursuivant en sa compagnie, de vitre en reflet et réciproquement, une réflexion sur la réflexion. Poème de la traversée de la transparence et de ce qui la procure, ce livre noue et dénoue ce qu'il en est de la vue et de la vision, de l'intensification des diverses modalités du voir. Nicolas Pesquès