« et c'est donc bien comme je pensais l'avoir un jour compris : on ne commence jamais, on continue et, des cris imités des animaux qui, à l'inverse de l'élégiaque, jamais ne hurlent, sifflent, gazouillent, rugissent ni ne brament pour rien mais font ainsi connaître qu'ils ont réellement faim ou soif, qu'ils ont peur, qu'ils menacent, désirent s'accoupler, pressentent la venue de la pluie, l'imminence du retour de la lumière ou de son déclin,
avant même qu'on ait eu l'idée de nommer sa propre main puis l'arme ou l'outil qu'elle invente en ramassant un caillou tranchant ou un bout de bois pointu,
dans ce réseau de significations très précises où le tonnerre imposait tout à coup le silence fracassant d'un dieu,
on passa de l'écoute intelligente des cris des bêtes à ceux que l'on poussait en matant les soubresauts d'une femelle ou pour chasser les urubus profanateurs des morts. »
La nuit, certains quittent leur lit et l'on se dit simplement qu'ils sont somnambules et que cela passera peut-être avec le temps, que l'âge arrangera tout ça.
D'autres se lèvent aussi, mais on ne sait pas trop vers où ils marchent et ils ne semblent jamais regagner leur lit. On se dit alors que ceux-là vont marcher jusqu'au bord du visible, jusqu'au bord inespéré du visible.
En 1914, le Liégeois Oscar Thiry passe par la Hollande neutre pour s'engager en France comme volontaire de guerre. Dès qu'il atteint l'âge de 18 ans, son frère Marcel le rejoint. Ils s'enrôlent au corps des autos-canons, destiné à la guerre de mouvement. Ce corps est expédié par bateau vers la Russie, pour y combattre les Autrichiens. En juillet 17, Oscar est blessé au cerveau par des éclats de shrapnells et ramené en France. Après la révolution d'octobre, les Belges ne sont plus en Russie en pays allié. Ils vont donc devoir rejoindre la France par la Chine puis les Etats-Unis.
Le tour du monde en guerre des autos-canons belges, que Marcel Thiry publie en 1965 seulement, est le récit de ce périple peu banal. L'auteur meurt en 1977 sans savoir que demeurent enfouies au fond d'un tiroir familial les lettres que les deux frères envoyèrent à leurs parents de 1914 à 191. Publiés enfin aujourd'hui, 80 ans plus tard, elles offrent un témoignage unique sur la vie de deux jeunes hommes confrontés à la guerre. Leur tonalité affecticve éclaire d'un jour attachant la chronique journalistique que constitue le Tour du monde.
Présentation du petit carnet que Guillaume Apollinaire, alors sur le front en première ligne des tranchées, avait dans sa poche, et sur lequel il écrivait et dessinait dans les rares moments de répits. Un témoignage sur la vie des tranchées. Une collection pour découvrir autrement un auteur ou un artiste, à partir de pièces d'archives ou de documents rares.
L'île veilleuse 55'
La vie, l'oeuvre et l'action politique du poète. Aimé Césaire nous fait découvrir sa Martinique.
Au rendez-vous de la conquête 57'
L'éthique, la théorie et la philosophie de la Négritude. Les différentes rencontres du jeune étudiant Aimé Césaire à Paris avec des penseurs, des intellectuels ; sa rencontre avec l'Afrique par le biais du jeune Senghor.
La force de regarder demain 52'
Comment trouver 'La force de regarder demain' après les désillusions de la décolonisation, les dérives de la Négritude, les échecs du tiers-mondisme, la 'maladie du développement' et... face à la crise planétaire ?
Un recueil, conçu à partir des interviews menées par Euzhan Palcy et Annick Thébia-Melsan. Au fil de l'alphabet, une promenade dans la vie d'Aimé Césaire : les souvenirs d'enfance, les combats politiques, les amitiés. L'hommage aussi à l'un des plus grands poètes de son époque.
«Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme et la force n'est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l'audience comme la pénétrance d'une guêpe apocalyptique. Et la voix prononce que l'Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences, car il n'est point vrai que l'œuvre de l'homme est finie que nous n'avons rien à faire au monde que nous parasitons le monde qu'il suffit que nous nous mettions au pas du monde mais l'œuvre de l'homme vient seulement de commencer et il reste à l'homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l'intelligence, de la force et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu'à fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite.»
La réédition du Cahier d'un retour au pays natal, la première œuvre d'Aimé Césaire, saluée depuis l'origine comme le texte fondamental de la génération de la Négritude.
Boileau : 'Vingt fois sur le métier' (Art poétique)
Ponge : 'Une rhétorique par objet' (My creative method)
Queneau : 99 variations sur le même événement (Exercices de style)
Boileau + Ponge + Queneau = Cent fois sur le métier, soit cent poèmes sur cent professions, à chaque fois dans un style différent mais qui se veut 'juste' tout en restant, de ton et d'inspiration, aussi libre que possible.
Toutes les professions décrites sont de vraies professions et la ressemblance avec le réel n'est pas méprisée au nom des lois supérieures de la poésie. Comme l'auteur est Belge, le métier VI est celui de roi.
Première revue marocaine consacrée à la poésie internationale
Faire vivre ensemble et amoureusement des textes d'hommes et de femmes venant de divers horizons et partageant le même rapport à la réalité, à la langue et au village-monde. Edito.
Les filles de quartier
se jettent des nuages la sangle à la main.
Leur sourire ne s'ouvre pas.
Ce serait comme un hymen recousu
par la générosité des violeurs
Linda Maria Baros (Roumanie)
Rends-toi, petite île
Laisse tomber tes réfugiés, tes chères chétives
Accepte l'ordre
Arrache ton persil
Et accueille les cavaliers bindés.
Volker Braun (Allemagne)
Le rêve arabe s'endort
Le muezzin efface
La nuit
Tandis que fume le dernier
Cercle du soleil.
Michel Bulteau (France)
Chaque jour on ne peut éviter le coup de feu du temps,
Ce tireur embusqué !
Shu Cai (Chine)
Allez radoter ailleurs, rimes d'un centime,
trembler ailleurs pour douze lecteurs
et un critique ronfleur
Hugo Claus (Belgique)
Un enfant court bravement derrière son enfance
Rêvant du monde venu se déposer entre ses mains
Et du ciel comme plumage à ses ailes.
Ouafaa Lamrani (Maroc)
J'entends les oiseaux aux pieds peints psalmodier les airs
du ravissement, les murs ouvrant larges leurs fissures, enmmagasinant
les reflets du miroir.
Mohamed Loakira (Maroc)
Les Croates me tapent sur les nerfs
Ce n'est pas étonnant : je les fréquente
Depuis trente-huit ans déjà.
Boris Maruna (Croatie)
Au lieu de lèvres féminines,
ils laissent
l'étoile à cinq branches imprimer
sur nos fronts moites
son rouge où a coagulé le sang des héros.
Senadin Musabegovic (Bosnie-Herzégovine)
Je n'ai rien d'autre à espérer :
un crépuscule d'hiver
et un corbeau amoureux de moi.
Grânaz Moussavi (Iran)
- Te souviens-tu de la copiste ? Celle qui renversa de l'encre
sur ta robe ?
- Non.
Mercedes Roffé (Argentine)
'C'était au Maroc à la campagne...'
Mustafa Stitou (Pays-Bas)
Aveugles, les imbéciles refusent
De se couper la barbe,
Ceux qui me pointent du doigt.
Serge Patrice Thibodeau (Canada)
Le matin du 24 septembre 1966
j'ai écrit une lettre à un ami proche
sur le péché originel
sur le crime parfait et la méthode d'extermination du savoir.
Gozô Yoshimasu (Japon)
Présentation de l'éditeur
Les Sept slogans ontophoniques appartiennent à la série des poèmes brefs que Ghérasim Luca conçut et mit en page au début des années soixante. Faisant tanguer le son et le sens et empruntant aux formes contemporaines de la communication, ces slogans, proclamations et autres «sémaphorismes» constituent autant d'interpellations énigmatiques, de formules paradoxales et humoristiques qui appellent à une libération totale et à l'avènement d'un monde non-oedipien.
Emily Dickinson a vingt-huit ans lorsqu'elle décide de s'adonner entièrement - sinon publiquement - à sa vocation de poète apparue pendant son adolescence, si l'on en croit les lettres écrites huit ans plus tôt à ses amies. A l'une en particulier, elle parle de son attirance pour ce qu'elle ne nomme pas mais perçoit d'emblée comme une force rivale de la religion, la poésie : 'J'ai osé accomplir des choses étranges - des choses hardies, sans demander l'avis de personne - j'ai écouté de beaux tentateurs...'
Qui est cette jeune femme mystérieusement préparée à un rôle auquel elle sacrifie bientôt la normalité de l'existence, vivant de plus en plus retranchée de la société, consacrant tout le temps que lui laisse sa participation aux tâches familiales - celles d'une grande maisonnée bourgeoise - à délivrer le chant qui l'habite ? Qui considérera de plus en plus la poésie comme le seul instrument de salut, la seule arme pour lutter contre les tourments et la finitude de la vie, le seul espoir sûr d'éternité face à celui, beaucoup plus hypothétique à ses yeux, de l'au-delà ?
Sont rassemblés ici des poèmes, de jeunesse comme de la maturité, qui complètent parfaitement l'autre ensemble poétique majeur : Une âme en incandescence.
Il y a toujours chez Emily Dickinson, à quelque période que ce soit, des fulgurances, des poèmes se détachant brusquement des autres, des pics vertigineux parmi des montagnes plus modestes ou même des collines. Et elle est capable de passer d'un instant à l'autre de la dépression à l'exaltation et réciproquement.