Première revue marocaine consacrée à la poésie internationale
Faire vivre ensemble et amoureusement des textes d'hommes et de femmes venant de divers horizons et partageant le même rapport à la réalité, à la langue et au village-monde. Edito.
Les filles de quartier
se jettent des nuages la sangle à la main.
Leur sourire ne s'ouvre pas.
Ce serait comme un hymen recousu
par la générosité des violeurs
Linda Maria Baros (Roumanie)
Rends-toi, petite île
Laisse tomber tes réfugiés, tes chères chétives
Accepte l'ordre
Arrache ton persil
Et accueille les cavaliers bindés.
Volker Braun (Allemagne)
Le rêve arabe s'endort
Le muezzin efface
La nuit
Tandis que fume le dernier
Cercle du soleil.
Michel Bulteau (France)
Chaque jour on ne peut éviter le coup de feu du temps,
Ce tireur embusqué !
Shu Cai (Chine)
Allez radoter ailleurs, rimes d'un centime,
trembler ailleurs pour douze lecteurs
et un critique ronfleur
Hugo Claus (Belgique)
Un enfant court bravement derrière son enfance
Rêvant du monde venu se déposer entre ses mains
Et du ciel comme plumage à ses ailes.
Ouafaa Lamrani (Maroc)
J'entends les oiseaux aux pieds peints psalmodier les airs
du ravissement, les murs ouvrant larges leurs fissures, enmmagasinant
les reflets du miroir.
Mohamed Loakira (Maroc)
Les Croates me tapent sur les nerfs
Ce n'est pas étonnant : je les fréquente
Depuis trente-huit ans déjà.
Boris Maruna (Croatie)
Au lieu de lèvres féminines,
ils laissent
l'étoile à cinq branches imprimer
sur nos fronts moites
son rouge où a coagulé le sang des héros.
Senadin Musabegovic (Bosnie-Herzégovine)
Je n'ai rien d'autre à espérer :
un crépuscule d'hiver
et un corbeau amoureux de moi.
Grânaz Moussavi (Iran)
- Te souviens-tu de la copiste ? Celle qui renversa de l'encre
sur ta robe ?
- Non.
Mercedes Roffé (Argentine)
'C'était au Maroc à la campagne...'
Mustafa Stitou (Pays-Bas)
Aveugles, les imbéciles refusent
De se couper la barbe,
Ceux qui me pointent du doigt.
Serge Patrice Thibodeau (Canada)
Le matin du 24 septembre 1966
j'ai écrit une lettre à un ami proche
sur le péché originel
sur le crime parfait et la méthode d'extermination du savoir.
Gozô Yoshimasu (Japon)
Présentation de l'éditeur
Ecrits entre 1913 et 1961, ces poèmes laissent entrevoir une foi dans la vie et une noblesse de sentiments qui ont permis à la poète de faire face à une période sombre de sa vie.
Le narrateur raconte comment son grand-père lui parlait de son oncle Yodok. Ce personnage disparu que le narrateur n'a pas connu devient une obsession pour le grand-père et envahit le texte en mettant à mal la typographie et l'orthographe !
Gravures de Marfa Indoukaeva
'Je
suis
votre
voix'
disait Anna
Akhmatova.
En 1941 cette
voix revient du
silence où elle avait
été reléguée, et affirme
dans l'épreuve et la lutte
collectives, sans rien céder à
un régime qui aurait voulu ne
l'utiliser qu'à ses fins, la primauté
d'une conscience individuelle, sa
liberté, sa souffrance et sa vie. 'On
ne forcera nul de nous à se soumettre!'
Pour Marcel Lecomte (1900-1966), la poésie est l'art le plus riche, le plus difficile et le plus périlleux qui soit : une alchimie qui permet au poète d'établir son miroir magique. Lecomte est un contemplatif ; il cherche le réel sous les apparences de la réalité, et fait du poème « un réel hors du réel ». S'il prend part au premier groupe surréaliste apparu en Belgique - avec Camille Goemans et Paul Nougé -, il est aussi le premier à s'en éloigner. Cette aventure collective aura donné des individualités, celle de Lecomte étant à deviner dans Le Spectateur effacé et Le Voyageur immobile. Proche de Franz Kafka, de Jean Paulhan, Lecomte est aussi l'ami de René Magritte dont il a - aux dires mêmes de celui-ci - orienté la peinture. Du reste, il règne dans de nombreux poèmes de Lecomte le même climat de mystère que celui qui définit les oeuvres de Magritte et de Giorgio de Chirico.
Ceci n'est pas un livre, un poème, une narration. C'est un couteau sanglant, c'est un portrait sans fard du poète en temps de détresse. C'est la haute figure esseulée du Roi Méhaigné dont la plaie ne cesse de saigner le mal du monde - et qui continue cependant de pêcher. C'est l'inouï courage de l'improbable.
C'est un évangile. Le livre saint qui, dans la solitude du chevalier errant, combat le dragon du malsain. C'est le grand livre de toutes les impostures dénoncées. C'est un coup de glaive porté magistral dans le goitre de l'indécence contemporaine. C'est un pas de côté salubre de plus. C'est la défaite des imbéciles - et une grande victoire pour la Résistance. Christophe Van Rossom
Il y a des blaireaux écrasés, des agneaux qui naissent la tête tranchée, des saumons monstres tapis au fond de lacs écossais opaques, qu'on ferre et qui résistent de toute leur puissance vitale. Il y a des faucons, des brochets, des renards nocturnes, bref toute une galerie de prédateurs sur lesquels règne, cynique et dérisoire, un corbeau mythique du nom de Crow. Ted Hughes n'est pas qu'un poète animalier, comme on a trop vite cru. C'est un explorateur de la cruauté qui est au fond de l'être vivant, bête ou homme. Une espèce de poète darwinien moderne ayant croisé les chemins de la fable celtique ancienne. L'héritier de Yeats l'Irlandais mais aussi du guerrier de la Somme Wilfrid Owen, essayant d'articuler ensemble la beauté, la terreur et la pitié. J. D.
Angela Sanmann est une des remarquables voix émergeantes dans la jeune, et foisonnante, poésie allemande contemporaine. Sa poésie, bien qu'étant impliquée essentiellement dans l'univers urbain, souvent dur, confrontée à l'histoire, aux histoires, d'une ville comme Berlin notamment, reste toujours élégante, elle questionne et elle respire. Le regard de la poétesse sur la ville est impitoyablement juste et sans complaisance, mais sans jamais cependant céder en grâce dans ses visions détaillées ; qu'il s'agisse de Berlin, qu'elle a choisi comme ville d'adoption, ou de Paris, Lyon, Nantes, Leipzig ou encore Bruxelles, destinations de ses nombreux voyages et de ses recherches poétiques. Outre la confrontation lyrique avec la ville, Angela Sanmann écrit de courts poèmes - un vrai défi, la forme courte - d'ordre plus personnel, surgissant du quotidien immédiat, poèmes d'une douceur froide pourrait-on dire, qui offrent des aspects du sentiment amoureux, de la solitude aussi, ainsi que du spectre des souvenirs. Rares sont les voix dans la poésie aujourd'hui qui, avec une telle cohérence, sondent et lient les convulsions de nos villes à l'intime.
Robert Creeley est né en 1926. Il a vécu toute sa vie aux États-Unis. Il enseigna dans diverses universités dont longtemps à Buffalo, NY. Il est mort le 30 mars 2005.
Ce recueil traduit une poétique du lieu et de la durée, une dialectique spatio-temporelle des pronoms ainsi qu'une autobiographie sérialisée des situations et des relations.