'Je veux écrire mon songe musical' dit Debussy en 1911.
On peut rêver en musique, ou de la musique. Y a-t-il une musique onirique ? Celle des fantaisies, des ballades, des rapsodies pour clarinette ou saxophone, celle de Jeux, du Prélude à l'après-midi d'un faune ? Celle qui échappe à l'ordre non plus de la raison verbale, mais de la raison musicale, des développements codifiés ? Celle des alliances inattendues et de la surprise ? Le portamento, le rubato seraient autant de libertés rêveuses dans l'interprétation, tout comme les prolongements de la pédale. Et le silence : ce qui est resté de songe au fond de la flûte du faune. J.-Y. T
La 'direction d'acteur' pose problème. Pourquoi y a-t-il si peu d'ouvrages sur la question ? Entre acteurs et metteurs en scène, quelle émulation, quels rapports de force ? Les cinéastes vampirisent-ils leurs acteurs, et inversement ?
Olivier Assayas, Patrice Chéreau, Michel Deville, Karim Dridi, Bruno Dumont, Claude Lelouch, Daniel Mesguich nous racontent leurs manières de travailler avec les acteurs, la différence entre jouer au théâtre et pour la caméra. S'ils nous donnent chacun une approche personnelle, ils s'accordent sur plusieurs points, notamment pour dire qu'il y a 'direction' en l'absence des acteurs, à la table de montage.
Serge Regourd évoque les incidences du financement des films sur le casting, en France, aujourd'hui. Il dénonce la fausse valeur des acteurs 'bankables'.
Yves Afonso, Michel Archimbaud, N. T. Binh, Luc Dellisse, Jean Mottet, Jacqueline Nacache, Luis Rego participent également au volume, en apportant leurs réflexions et leurs expériences sur la direction d'acteur.
Les débats reproduits sont passionnants, car ils nous entraînent au coeur de la création cinématographique.
Le coordinateur du livre, Frédéric Sojcher, est cinéaste et responsable du Master professionnel en scénario, réalisation et production de l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne.
« La musique et la mythologie sont des machines à supprimer le temps. Si bien qu'en écoutant la musique et pendant que nous l'écoutons, nous accédons à une sorte d'immortalité. [...] Que la musique soit un langage, à la fois intelligible et intraduisible, fait de la musique elle-même le suprême mystère des sciences de l'homme, celui contre lequel elles butent et qui garde la clé de leur progrès. » (Le Cru et le Cuit)
En établissant une relation homologique entre musique et mythe, Lévi-Strauss expose l'une des motivations fondamentales de toute son oeuvre.
Parce que nous sommes entrés dans l'âge post-moderne, le temps est venu de réexaminer les conceptions esthétiques et musicales de Lévi-Strauss, ses interventions radicales de jadis contre diverses formes de création contemporaine, sa distance par rapport aux musiques de tradition orale, en les resituant dans le contexte de la pensée philosophique qui les a vues naître.
Jean-Jacques Nattiez se propose ici de cerner le rôle fondamental de la musique dans l'ensemble de l'édifice théorique et méthodologique construit par l'anthropologue, et, de ce bilan critique, aussi admiratif que sans concession, il tire une réflexion plus générale sur le devenir des sciences humaines.
«Je confesse volontiers appartenir à cette congrégation de décalés qui chantent Carmen en passant l'aspirateur, transforment leur brosse à dents électrique en didjeridoo sans être obligé d'en acheter un importé d'Australie, transforment également le tableau de bord de leur bagnole en ustensile de percussions, jouant avec le rythme des essuie-glaces comme avec l'auto-radio. En bref, j'avoue faire partie de ces excités qui saisissent à peu près n'importe quelle occasion pour faire de la musique à partir d'une source sonore quelconque».
De Pythagore à Massive Attack
En explorant les relations complexes entre bruit et musique, Louis Chrétiennot revisite l'histoire de la musique occidentale au regard des récentes évolutions que les musiques savantes et populaires de notre temps ont connues. Lorsque les moteurs se sont installés dans notre vie quotidienne, ils ont fait voler en éclats la frontière qui jusqu'alors séparait la musique du bruit. Après avoir analysé les raisons historiques de la disparition de cette frontière, l'auteur trace les contours des nouveaux genres musicaux engendrés par cette révolution qu'a été la production de musique par des instruments mécaniques, électroniques ou informatiques.
Le Lied, ce genre musical aujourd'hui si négligé, dont bien sûr Schubert et ici la figure très peu connue de Hugo Wolf furent les emblèmes, visite la subjectivité moderne. Celle-ci cherche à se dire en musique et en poésie malgré toutes les contraintes aliénantes de l'Histoire. Jusque dans la souffrance et l'attirance de la mort, elle tend encore, comme le héros de la Montagne magique de Thomas Mann, Hans Castorp, à la vie, en écoutant le Lied qui l'habite au plus profond d'elle-même.
Le Lied est l'expérience la plus secrète de la subjectivité et de son langage. C'est ce qu'expose ce livre, comme un récit, peut-être même au bord d'un roman, dans une forme qui mêle poésie, musique et philosophie. A. H.
En octobre 1946, la guerre finie, Jean Rouch embarque avec deux amis, comme lui jeunes ingénieurs des Ponts et Chaussées, sur un radeau fabriqué par leurs soins à la source du Niger. Les trois hommes seront les premiers à réussir l'exploit, tenté avant eux par Mungo Park, de descendre les 4 200 kilomètres du grand fleuve de sa source jusqu'à son embouchure.
La « belle promenade » de huit mois scelle le destin de Jean Rouch : le cours du fleuve lui dévoile tout un monde qu'il n'aura de cesse devenu ethnologue et cinéaste, de comprendre. Dès les années suivantes, il met sur pied deux autres missions pour pénétrer les « mystères et la poésie des hommes du Niger ». Au pays des mages noirs, des Songhay, des pêcheurs sorko et des danseurs possédés par les dieux, l'aventure est avant tout humaine. Il ne sera jamais un « savant aux yeux secs ». Il a trouvé sa méthode : indépendant, il mène ses études d'« homme à homme », tel un étranger venu « le plus humblement possible, c'est-à-dire le plus amicalement possible ». Et ses compagnons africains seront ses meilleurs alliés dans son travail scientifique.
Alors le Noir et le Blanc seront amis est le récit des trois premières missions de Jean Rouch, de 1946 à 1951, publié en 1951 dans le journal Franc-Tireur, jamais repris en volume.
Confronter à la longue durée des images un mouvement de l'histoire de l'art apparu à la fin du XXe siècle ; inscrire quelques oeuvres canoniques de « grands maîtres » de l'art vidéo dans une longue tradition ; ce faisant, retrouver de fort anciens problèmes, qui ont surgi bien avant l'invention technique du médium considéré : tel est le propos du présent ouvrage, qui met l'analyse de la vidéo au service d'une anthropologie de l'image.
Si le mythe de Narcisse ouvre l'étude, c'est que l'amour de l'image fait surgir les questions fondamentales. Dans le premier chapitre, la notion de fluidité sert de fil conducteur à une réflexion sur le caractère insaisissable et fantomal de l'image vidéo. Le deuxième, consacré à l'espace, permet de montrer combien celui-ci est hétérogène. L'étude des rapports entre la vidéo et le temps, développée dans le dernier chapitre, est quant à elle orientée par la notion de flux, telle que la pense Henri Bergson.
Sont analysées, entre autres, des oeuvres de Vito Acconci, Gary Hill, Bruce Nauman, Nam June Paik, Bill Viola ; ces deux derniers ont permis de nouer des liens historiques et théoriques avec certains artistes de la Renaissance, dont Alberti, Léonard de Vinci ou Pontormo. Car, par-delà l'espace et les années, des dialogues entre grands maîtres sont possibles et nécessaires : l'art contemporain rend leur contemporanéité aux maîtres anciens. L'inverse est tout aussi surprenant, lorsqu'on découvre quelque chose de la vidéo dans les images d'autrefois.
Voici en fin rééditée - ce titre est paru pour la première fois en 1995 - l'enquête d'investigation sur le pillage d'oeuvres d'art auquel se sont livrés les nazis durant la Seconde Guerre mondiale principalement en France, mais aussi en Belgique et au Pays-Bas. Ce livre porte sur la spoliation de collections privées appartenant à des familles ou des marchands d'art juifs, ainsi que sur la dispersion de ce trésor après-guerre.
Seuls les poètes peuvent faire tenir un pays séparé de lui-même - J'ai prédit la plupart des champions du monde de saut à skis - Comment faire ressortir un film par la fenêtre, par le sous-sol, par la cheminée - Le comique de L'Enigme de Kaspar Hauser, d'Ennemis Intimes, de Grizzly Man - Je filme pour la mémoire de la race humaine - Le point commun entre le cinéma porno, Fred Astaire et le kung-fu - Le droit naturel du marcheur à trouver un abri - Tite-Live, Hannibal, Fabius Maximums Cunctator - Les expériences qu'il faut avoir vécues pour lire le coeur des hommes - Comment j'ai sauvé Joaquin Phoenix et comment l'on m'a tiré dessus pendant un entretien - Nous sommes une espèce plus vulnérable que les éponges - Travailler la neige, grimper, écrire - La Marche de l'empereur, les pingouins, l'obscurité de la grotte Chauvet - Comment rester un être humain habitable - Ma longévité en tant que cinéaste et comment en sortir.
Tel un chien fou qui s'est acharné sur la patte d'un chevreuil abattu et continue de secouer et de déchiqueter le gibier sans vie à tel point que le chasseur renonce à le calmer, une vision s'était emparée de moi : l'image d'un grand bateau à vapeur sur une montagne - le bateau sous la vapeur, utilisant sa propre force pour passer un versant pentu à travers la jungle, dans une nature qui anéantit les faibles comme les forts ; et la voix de Caruso, qui fait taire toutes les souffrances et tous les cris des animaux de la forêt vierge et arrête le chant des oiseaux. Plus exactement : le cris des oiseaux. Car dans ce paysage inachevé, que Dieu dans sa colère a abandonné, les oiseaux ne chantent pas : ils crient de douleur, s'enfoncent, partout où le regard se porte, comme des géants luttant les uns contre les autres, dans la vapeur d'une Création, qui, ici, n'est pas achevée. Crachant du brouillard et épuisés, ils se tiennent là, dans ce monde irréel, dans une misère irréelle et moi, comme dans la stanza d'un poème écrit dans une langue étrangère que je ne comprends pas, je me sens profondément effrayé.