Depuis Charles Baudelaire, qui lui écrit : “Je vous dois la plus grande jouissance musicale que j’aie jamais éprouvée”, jusqu’à Pascal Quignard, qui avance que “la cour du tribunal de Nuremberg aurait dû demander de faire battre en effigie la figure de Richard Wagner, une fois l’an, dans toutes les rues des cités allemandes”, aucun compositeur n’a suscité autant d’engouements ni autant de réticences que celui de L’Anneau du Nibelung, de Tristan et Isolde ou de Parsifal. Aucun, non plus, n’a exercé une telle influence, ni été à l’origine de tels accaparements – au point que son nom ait été dérivé en mouvement, le “wagnérisme”, qui rend compte à la fois de la somme des propositions formulées par lui dans les domaines les plus divers, mais aussi, via la réussite éclatante de son oeuvre, des échos multiples que son nom et ses créations ont pu provoquer à travers le monde entier. Montrer à quel point, pour reprendre le mot visionnaire de Nietzsche, “Wagner résume à lui seul la modernité”, tant dans ses composantes les plus légères que dans ses manifestations les plus graves, tel est le projet de ce Dictionnaire encyclopédique Wagner, dans lequel les auteurs ont également souhaité, autant que possible, mettre en oeuvre le précepte de Thomas Mann : “La passion est lucide ou, sinon, ne mérite pas son nom.” Cet ouvrage, d’une ampleur et d’une ambition inédites, réunit une trentaine des meilleurs spécialistes de Wagner et du wagnérisme, et présente l’homme, l’oeuvre et sa postérité en quelque mille quatre cents entrées.
« Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages. Moi si on m'ouvrait, on trouverait des plages. » Agnès Varda
Quand on ouvre ce livre, on trouve des plages et un texte dont le mouvement ressemble à celui d'une mer : fait de marées hautes et basses, de sac et de ressac, de quelques mots et quelques images qui sont comme l'écume d'une vie. Ce livre est un pari : comment reproduire dans son intégralité le texte d'un film (son commentaire et ses dialogues) sans l'aide du flux des images qui, dans la salle de cinéma, en rendaient la compréhension évidente, et sans se servir des commodités d'un scénario (nom des personnages qui parlent, indication de lieu, de temps) ?
Ce pari est celui de laisser le spectateur/lecteur inventer le film ou reconstruire son souvenir, entre le plaisir simple procuré par le texte d'une écrivaine et les quelques images du film de cette même Agnès Varda, cinéaste.
En 1989, Gilles Saussier avait couvert pour l'agence Gamma, la révolution en Roumanie. Depuis 2003, il y est revenu régulièrement pour pratiquer une relecture de ses photographies d'actualité, et mettre en relation les événements de 1989 avec le passé plus lointain et la situation actuelle du pays. Vigoureuse critique du photoreportage, Le Tableau de chasse est aussi une méditation sur l'art et la mort, l'histoire racontée par les pouvoirs et la mémoire des sans-voix.
Gilles Saussier, né en 1965, développe des projets qui entrecroisent photographie documentaire, art conceptuel et anthropologie visuelle. Son travail a récemment été présenté au MACBA de Barcelone. Il a déjà publié au Point du Jour en 2005 Studio Shakhari bazar.
Les courtes monographies contenues dans cet ouvrage s'articulent autour de plusieurs pivots : le goût de George Grosz, James Ensor et Jean Dubuffet pour le graffiti, le ressourcement de Courbet et d'Ensor dans l'art populaire...
Tous les artistes ici rassemblés ont en eux quelque chose de « barbare » - et savoir que Jérôme Bosch était membre d'une secte adamiste et hérétique qui considérait que la pratique de l'acte sexuel était une voie d'accès au royaume de Dieu, ne permet-il pas de le redécouvrir avec jubilation ? Le refus du classicisme, du cartésianisme, de l'héritage de la Grèce antique leur est commun, l'ironie et la parodie aussi. Fumistes, hydropathes, incohérents, anarchistes, dadaïstes, architectes utopistes, pendant plus d'un siècle les artistes s'opposèrent au système dominant. Qui dira si ce temps-là est révolu ?
Alvar Aalto, Arne Jacobsen, Charles & Ray Eames ou encore Jean Prouvé... tous ces designers de renom ont voulu apporter à l'enfant un monde à sa mesure. Certaines de ces créations sont aujourd'hui devenues des pièces de collection prisées par tous les passionnés de design, la chaise étant à ce titre l'exercice de style de prédilection. En présentant près de 50 pièces parmi les plus emblématiques, cet ouvrage met en perspective cinquante ans de design, des années 1920 aux années 1970.
Avec ces Cahiers de Beyrouth, Jean-François Pirson revient sur les quatre séjours qu'il a effectués à Beyrouth entre septembre 2006 et avril 2009. Dans le premier cahier, « Là, entre Alep et Damas », il découvre la ville pour la première fois, une incursion qui suit de près les bombardements israéliens. « Communities and Territories » rend compte de sa participation à un workshop sur l'espace public, organisé par Amazelab (Milan). « Pratiques exploratoires de l'espace » dévoile les interventions pédagogiques menées à l'Académie libanaise des Beaux-Arts. Le dernier cahier, « Marcher, autour et dans la Forêt des Pins » relate l'organisation, avec quelques comparses, d'un pique-nique au centre de ce magnifique jardin.
Jean-Jacques Lebel est une figure emblématique et incontournable de l'art des années 1960 à aujourd'hui. Il organise le premier happening européen en 1960 à Venise L'enterrement de la Chose, où l'on jette dans le Grand Canal une sculpture de Tinguely après une cérémonie funéraire rituelle. Ce happening, qui répond au désir de rendre hommage à une amie proche assassinée, proteste contre une société asphyxiante et s'inscrit principalement, comme tous ses happenings par la suite (il en produit une vingtaine de 1960 à 1967), dans un courant de subversion de l'art officiel et de refus du colonialisme et de la violence. Associant l'art et la vie, ces happenings se situent dans le prolongement des actions dadaïstes et du théâtre de la cruauté d'Antonin Artaud.
Jean-Jacques Lebel, ami de l'artiste américain Allan Kaprow, inventeur des premiers happenings d'outre-atlantique, joue le rôle de passeur, de fédérateur d'énergies entre l'Europe et les États-Unis. Privilégiant l'action collective, le mixage et l'hybridation de toutes les techniques, il mélange les genres et fait sauter les frontières entre les différents domaines. Il fait se rencontrer Duchamp et les poètes de la Beat Generation, la poésie, l'action politique, la musique, les arts plastiques et les films. Des happenings, art éphémère s'il en est, il ne reste que quelques documents d'archives, des photographies et de très rares images vidéos. Le présent ouvrage, enrichi d'un ensemble photographique exceptionnel, majoritairement inédit, rend compte du déroulement complexe de chaque happening. Associant chronique et analyse des documents, il permet de mieux saisir cet art comportemental qui a emprunté des formes chaque fois différentes en fonction du contexte. Cette recherche témoigne de la dimension politique et érotique des happenings de Lebel qui les distingue de ceux de Kaprow liés au strict domaine des arts métaphysiques.
Au coeur d'Hollywood, Joseph Mankiewicz invente la complicité : une façon de jouir du spectacle sans en être dupe. Avec Cléopâtre, Eve, La Comtesse aux pieds nus, le réalisateur américain met au point les intrigues les plus subtiles et invente les personnages les plus mystérieux, mais augmente encore le plaisir du spectateur en l'associant à ses manigances. Et celui-ci, profitant du spectacle, en mesure aussi les artifices.
Le double de Mankiewicz, son alter ego, c'est à la fois ce spectateur « affranchi », complice, mais c'est aussi le personnage évanescent que tant de ses films évoquent, cette ombre capable de surgir dans l'intrigue à tout moment, à la fois fragile et porteuse de tous les possibles... Un double concurrent, un frère, un autre trop semblable. Le cinéma de Mankiewicz, s'il adopte la mise en scène des grands classiques, s'il fait mine d'établir des reliefs et des hiérarchies, propose en définitive une très moderne égalité de statut : le double s'y impose, la complicité remplace la fascination. Et il n'est pas toujours facile de l'admettre, de vivre avec cette ombre, ce semblable. Mankiewicz nous y invite avec ironie, élégance, et une lucidité à laquelle ces pages veulent rendre hommage.
The Clash est un groupe mythique. Mais derrière le mythe se cache une histoire qui, débarrassée du strass et des paillettes, révèle une réalité aux antipodes des clichés rock. Toutefois, le plus impressionnant, c'est la gigantesque influence que le groupe a générée et génère encore plus de trente ans après sa formation.
The Clash, c'est l'histoire d'une réalité tangible faite de paradoxes et d'impasses. Celle d'un vertige mêlant sans relâche les méandres à l'envol, les crises existentielles et idéologiques à la rage infaillible.
Jean-Philippe Gonot met en évidence les impasses, les contradictions, les conflits entre les membres, mais aussi entre des notions comme celles de popularité et d'intégrité, de « combat rock » politique et de « règles économiques ». Il démontre qu'il y a quelque chose d'inévitable dans l'aventure de The Clash, quelque chose frôlant l'absolu. Quelque chose qui dépassera à jamais ses quatre principaux acteurs. L'idée peut-être qu'à certains moments, l'Histoire vous choisit.
Jean-Luc Godard, le cinéaste culte d'A bout de souffle et de Pierrot le fou, le chef de bande de la Nouvelle Vague, l'agitateur politique des années gauchistes, le publicitaire de lui-même, l'amoureux peintre des femmes, le provocateur misanthrope, l'historien des images « relié au passé », et enfin l'ermite du canton de Vaud grimé en King Lear sépulcral, aura 80 ans en décembre 2010. Tous ces visages souvent contradictoires réunis en un seul : la première biographie en France de l'impossible M. Godard.
Jean-Luc Godard a traversé le siècle. À chacune des étapes de cet itinéraire, il a tenu son rang, exercé une influence, saisi le moment présent tout en laissant une empreinte d'artiste. Mais, à 80 ans, quelle est sa place, quelle est sa trace, quel repère donne-t-il ? Le nom de « Godard » est devenu pour tout le monde, au-delà de la vision de nombreux films trop souvent ignorés, synonyme du cinéma lui-même. Raconter l'histoire de sa vie, c'est tenter de dire le monde à partir d'un septième des arts. Jean-Luc Godard fut et reste un homme du présent. Notre contemporain.