Enfin traduits, les interviews de la prestigieuse reue new-yorkaise The Paris Review
A l'heure où Philip Gourevitch passe le flambeau au jeune éditeur Lorin Stein, à la tête de cette grande institution littéraire américaine, les éditions Christian Bourgois publient une anthologie des grands entretiens de la revue...
J'ai toujours été fasciné par les interviews de la Paris Review. Pris dans leur ensemble, elles constituent probablement la meilleure enquête qui soit quant au comment de la littérature, une question bien plus intéressante que le pourquoi. Salman Rushdie
'Grigor, mon cousin et moi, allions à pied ; de temps en temps, ma mère me faisait monter dans la charrette et marchait un peu. Grigor avait emmené un cheval et il me laissait souvent le monter, car la charrette était prévue pour un seul cheval et cela le fatiguait moins. Eh bien, une fois où je marchais, nous avons trouvé une femme à moitié allongée sur le bord du chemin. Elle m'a tendu un tout petit enfant et m'a dit en respirant fort et par à coups :
- Emmenez le petit, je n'en peux plus.
Je l'ai pris dans mes bras. Mais Grigor et Maryk, qui avaient tout vu, ont fait monter la femme dans la charrette et avant d'arriver à la ville elle était déjà morte dans les bras de ma mère. Je me demandais d'où elle venait et quelles choses terribles elle avait pu voir, et on peut dire que ma peau d'enfant s'est détachée d'un coup.'
Aram, un adolescent de quinze ans semblable à tant d'autres, n'aurait peut-être jamais écrit son histoire s'il ne s'était soudain trouvé plongé dans un exode massif afin de fuir une mort certaine. En 1915, le gouvernement turc décréta en effet l'extermination du peuple arménien et, comme Aram, des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, subirent les persécutions les plus sauvages et cruelles du XXe siècle.
Avec Le cahier d'Aram, Maria Àngels Anglada sauve de l'oubli le génocide arménien en livrant un récit sobre et sensible. Sa plume saisit l'horreur et la tempête avec finesse, offrant ainsi aux victimes de l'Histoire la possibilité d'un hommage, pour l'éternité.
Nous sommes à Naples, dans l'immédiat après-guerre. Un jeune orphelin, qui deviendra plus tard le narrateur de ce livre, vit sous la protection du concierge, don Gaetano. Ce dernier est un homme généreux et très attaché au bien-être du petit garçon, puis de l'adolescent. Il passe du temps avec lui, pour parler des années de guerre et de la libération de la ville par les Napolitains ou pour lui apprendre à jouer aux cartes. Il lui montre comment se rendre utile en effectuant de menus travaux et, d'une certaine façon, il l'initie à la sexualité en l'envoyant un soir chez une veuve habitant dans leur immeuble. Mais don Gaetano possède un autre don : il lit dans les pensées des gens, et il sait par conséquent que son jeune protégé reste hanté par l'image d'une jeune fille entraperçue un jour derrière une vitre, par hasard, lors d'une partie de football dans la cour de l'immeuble. Quand la jeune fille revient des années plus tard, le narrateur aura plus que jamais besoin de l'aide de don Gaetano...
Dans la veine de Montedidio, ce nouveau livre du romancier italien s'impose comme un très grand roman de formation et d'initiation.
Sous prétexte de parler de tous les prix littéraires qu'il a reçus, Thomas Bernhard se livre, dans ces textes inédits, à ce qu'il fait le mieux : exercer sa détestation. Jurés, organisateurs, notables allemands ou autrichiens, personne n'est épargné par l'humour vengeur d'un auteur hypersensible à la médiocrité. Irrésistiblement méchant et drôle, il excelle aussi dans l'art de la miniature. Chaque récit est un joyau, et se lit comme une courte nouvelle. Derrière une apparente désinvolture, Bernhard interroge la nature de l'industrie littéraire et la vanité des distinctions honorifiques. Tout cela dans un style acéré et ironique à la fois - du grand art. Terminé en 1980, ce petit volume, resté pour des raisons obscures inédit du vivant de l'auteur, associe neuf récits de remises de prix et certains discours de réception correspondants, poétiques et violents. On comprendrait presque pourquoi un certain ministre autrichien, à l'audition d'un de ces textes assassins, s'est retenu de justesse de frapper Bernhard...
Style vif et percutant, dialogues incisifs et grinçants, sens de l'observation hérité de Raymond Carver et Flannery O'Connor : Kevin Canty, l'auteur d'Étrangère en ce monde, est un grand « conteur » des petits drames intimes dans la plus pure tradition des nouvellistes américains.
Ici, ce sont des hommes - pères, maris, fils, amants - qui évoquent l'amour. Canty saisit tant la noirceur et l'amertume de la défaite des sentiments que la tendresse et l'humour qui parfois les illuminent. Inquiétantes, baroques ou ironiques, ses nouvelles sont une formidable exploration des relations humaines.
« Kevin Canty affiche une maîtrise époustouflante pour faire venir à la surface de ses mots toute l'Amérique profonde et la profondeur non moins vertigineuse de ses personnages. » Le Nouvel Observateur
« Sommes-nous heureux ? Nous aimons-nous seulement un peu ? Infidélité latente, naïveté, vaines attentes... Kevin Canty fait preuve d'une brutalité honnête et éclatante. » Bookforum
Princes ou bandits, ils font la paire : Zelikman, médecin mélancolique à l'esprit dangereusement acéré, et Amram, géant noir à la langue aussi affûtée que la hache qui ne le quitte jamais. Vivant de subterfuges, ils tracent leur route à travers les monts du Caucase, vers l'an 950. Rien ne les a cependant préparés à se transformer en défenseurs d'un prince de l'Empire khazar, un jeune héritier inexpérimenté brûlant de reconquérir son trône. Un tel projet nécessite une ruse sans limites et une folle témérité. Zelikman et Amram ne manquent ni de l'une ni de l'autre. Mais sont-ils prêts à sacrifier leur insouciance pour devenir les généraux d'une révolution d'envergure ?
Fidèles à la grande tradition des romans et du cinéma d'aventures, Les Princes vagabonds offrent un irrésistible bouillonnement de rebondissements, de suspense et d'humour, dans le sillage de très pittoresques héros.
En 1908, Lazarus Averbuch, un juif ukrainien de dix-sept ans échappé des pogroms, immigre à Chicago. Dans des circonstances étranges, il est tué par le chef de la police.
Un siècle plus tard, hanté par la mort de ce garçon, Vladimir Brik - écrivain bosniaque exilé aux États-Unis - décide de se rendre en Europe pour écrire son histoire. Accompagné d'un ami photographe, il traverse l'Ukraine, différents pays de l'Est et rejoint la Bosnie. Tout au long de ce voyage, Brick ne cesse de poser des questions sur la guerre qui a déchiré son pays... Des histoires loufoques, invraisemblables et ténébreuses se superposent au roman rêvé de Lazarus. Brick comprend peu à peu que seule la fiction permet de voir ce qu'on ne peut imaginer, et de survivre à la constante disparition du monde.
Finaliste au National Book Award 2008, élu meilleur livre de l'année par le New York Magazine, ce roman, où le désespoir inspire un humour noir irrésistible, confirme le talent d'Aleksandar Hemon.
«Elle se planta au pied du lit de Kim, regarda les photos et les rubans sur le mur, le masque africain sculpté à la main et la croix en palmes tressées, le fanion du camp de vacances où elles étaient allées toutes les deux. Elle connaissait la chambre par coeur ; elle s'y faufilait en douce depuis qu'elle avait l'âge de marcher. Elle sentait la présence de Kim, son odeur. Chaque meuble, chaque objet, la peinture, la moquette, même les grains de poussière vibrionnant dans le soleil les reliaient l'une à l'autre.»
L'été de ses dix-huit ans, Kim disparaît mystérieusement. Sa voiture est retrouvée quelques jours plus tard, mais il n'y a aucune trace de la jeune fille. L'enquête s'enlise. L'affaire quitte la une des journaux. Les proches de Kim tentent de se reconstruire, d'affronter l'absence.
Dans ce nouveau roman, Stewart O'Nan raconte son Amérique, celle des faits divers, des quartiers résidentiels et des supermarchés. Avec subtilité, il se glisse dans l'intimité d'une famille en deuil. Il dit les instants d'accalmie, les peines enfouies, et la vie qui reprend le dessus, malgré tout.
Des montagnes du Colorado aux confins du Nord-Ouest, dans le sillage de Zebulon, ce western littéraire nous fait traverser les États-Unis jusqu'au Mexique, en pleine révolution, en remontant le long de la côte californienne, vers San Francisco et ses mines d'or.
En chemin, Zebulon multiplie rencontres et aventures épiques qui le mêlent à de tragiques triangles amoureux, le rendent témoin et acteur de bouleversements politiques et le font s'interroger sur des questions aussi fondamentales que la vie, l'amour et la mort.
« Zebulon est un livre dont on voit le film en le lisant, dont on effectue le casting en le relisant, et auquel on invente une suite en donnant. Une fable hypnotique, un poème d'amour mystique. » Patti Smith
« Une aventure sauvage écrite par un musicien qui sait comment maintenir son public envoûté autour du feu de camp. Un roman moderne et subversif sur les limites de l'amour et les malaises de la vie civilisée. » Judith Thurman
« Ensorcelant. Un western comme Céline aurait pu en écrire. » Times Literary Supplément of London
Udo Berger, vingt-cinq ans, est passionné par les jeux de guerre. En compagnie de sa fiancée, Ingeborg, il part quelques jours sur la Costa Brava, dans l'hôtel tenu par la belle Frau Else. Dans sa chambre, Ugo installe une grande table afin d'établir de nouvelles stratégies pour son jeu, «Le Troisième Reich». La nuit venue, le couple rencontre deux autres Allemands, Charly et Hanna. Lorsqu'ils descendent sur la plage, l'imprévisible Charly leur présente certains locaux : le Loup et l'Agneau, deux personnages mystérieux, ou encore le Brûlé, un homme défiguré dont personne ne sait rien, même si le bruit court qu'il serait étranger et aurait été torturé dans son pays...
Texte inédit écrit en 1989, Le Troisième Reich est un roman splendide des débuts de Roberto Bolaño. S'y trouvent certains thèmes chers à l'auteur - remaniés et amplifiés dans ses textes ultérieurs - comme les formes étranges que peut prendre le nazisme ou l'idée que la culture - les jeux ou la littérature - se confond avec la réalité.