La Grammaire de Dieu

La Grammaire de Dieu
Benni Stefano
Ed. Actes Sud

Des histoires. Des histoires hilarantes, tristes, mélancoliques, amères ou poétiques, qui nous parlent d'humains, d'animaux, de diablotins ou de pauvres diables, de sorcières ou de moines muets, de chefs d'entreprise arrogants ou de chauffeurs de poids lourd abandonnés par leur bien-aimée. Stefano Benni décline sur tous les tons la solitude dans notre société de « communication » triomphante. Et il le fait avec un talent de conteur hors pair, entraînant même dans cette sarabande l'Arioste, Andersen ou encore Lewis Carroll. Car comme l'a dit un philosophe grec : « Parmi les dieux que les hommes inventèrent, le plus généreux est celui qui, en unissant plusieurs solitudes, en fait un jour d'allégresse. »

Le Benni de cette très humaine « grammaire de Dieu » n'a pas renoncé à ses thèmes de prédilection, mais la variété de sa palette, l'universalité de ses thèmes et la qualité de son écriture le placent dans la lignée de Buzzati et de Calvino.

L'Odyssée barbare

L'Odyssée barbare
Sada Daniel
Ed. Passage du Nord-Ouest

«Les cadavres arrivèrent à trois heures de l'après-midi. Une camionnette les amena - en tas, à l'air libre -, tous criblés de balles comme il fallait s'y attendre. Sous la morsure d'un soleil de plomb, des regards surpris : il y avait de quoi quand on voyait comme ça se balader dans le village toute cette viande amoncelée ; des gens du coin ? Il fallait vérifier.» Les corps de ceux partis manifester contre la fraude électorale sont rendus aux familles, puis l'armée occupe les lieux, le couvre-feu est instauré, les communications et les vivres sont coupés. Le maire-cacique de Remadrín est à son tour assassiné, le village sombre peu à peu dans la ruine et des fantômes, toujours plus nombreux, hantent les rues...

«L'histoire du Mexique s'est toujours écrite avec le sang», déclare l'auteur de cette oeuvre joycienne. La violence poussée jusqu'à la caricature y est décrite à travers le quotidien de 90 personnages hauts en couleurs, tous corrompus, voleurs, assassins, menteurs ou lâches, tragicomiques à leur façon, grotesques presque toujours. Une abondance de scènes burlesques, d'où résonnent dialectes du Nord, néologismes et tournures classiques, tentent de cerner la vérité d'un pays qui «adore le mensonge» et craint les vérités douloureuses, selon Daniel Sada. «Jamais personne ne peut dire le dernier mot sur le Mexique. Sa réalité est sale, mais d'une saleté spéciale : excrément et douceur.»

Considéré par Roberto Bolaño comme «le plus baroque d'entre nous, celui qui, sans aucun doute, est en train d'écrire l'une des oeuvres les plus ambitieuses de notre langue», Daniel Sada est né en 1953 à Mexicali, sur la désertique frontière américaine. Journaliste et poète, c'est en 1999 avec Porque parece mentira la verdad nunca se sabe (L'Odyssée barbare) qu'il connaît la consécration et que Carlos Fuentes voit en lui une «révélation pour la littérature mondiale». En novembre 2008, Daniel Sada a obtenu le prestigieux prix Herralde pour son roman Casi nunca.

La Lune dans son envol

La Lune dans son envol
Sorrentino Gilbert
Ed. Actes Sud

Sujets à l'erreur, enclins à s'y précipiter, indifféremment manipulés ou manipulateurs, les protagonistes des nouvelles de La Lune dans son envol évoluent, de leur vivant, dans une Amérique en forme de purgatoire où ni l'amour ni l'innocence n'ont plus guère droit de cité. Aux prises avec leurs motivations perverses ou leurs nostalgies mortifères, aliénés par des clichés qu'ils entretiennent avec une redoutable insouciance, tous semblent se mouvoir sur la scène d'un théâtre de la dérision dont les passions humaines dessinent les contours.

Qu'il choisisse de rire des absurdes agissements de ses semblables prétendument fictifs, de s'attrister de leurs malheurs ou de condamner leurs errances, le lecteur est invité à accepter la règle d'un faux jeu de massacre dont l'apparente cruauté n'est que le masque que revêt l'immense compassion de Sorrentino vis-à-vis d'une humanité aussi faillible et risible qu'elle est bouleversante.

Volontairement dénuées de tout sentimentalisme et pétries d'un humour féroce qui convoque le jeu de mots, le calembour, le démon des listes et l'autocommentaire permanent de l'écrivain sur son texte et ses personnages, les nouvelles de Gilbert Sorrentino ici rassemblées, élaborées sur quelque trente-cinq années, ont radicalement métamorphosé le paysage de la fiction américaine.

L'archéologie de la mémoire. Conversations avec W. G. Sebald

L'archéologie de la mémoire. Conversations avec W. G. Sebald
Sebald Winfried Georg
Ed. Actes Sud

Qui était W. G. Sebald ? La précieuse transcription de cinq longs entretiens donnés aux Etats-Unis par le grand écrivain de langue allemande, jointe ici à trois essais traitant de son oeuvre, invite ses lecteurs et admirateurs à se laisser surprendre.

Entre les lignes, à travers des intonations et des traits d'humour auxquels on ne s'attendait pas, la grande passion de Sebald se révèle peu à peu - tout ce qui l'a fait souffrir, tout ce qui l'a imprégné au point qu'il ait offert sa vie à son art.

Entre érudition et autodérision - il se livre ici davantage que dans ses oeuvres -, Sebald parle de son rapport à l'Allemagne, à la littérature mondiale, à la culture juive... et de sa façon si singulière d'appréhender les manifestations et les subterfuges de la mémoire.

A l'origine de ce recueil se trouve l'écrivain américaine Lynne Sharon Schwartz, qui a rassemblé les interviews et essais suivants : Tim Parks, « Le Chasseur » ; Eleanor Wachtel, « Chasseur de fantômes » ; Carole Angier, « Qui est W. G. Sebald ? » ; Michael Silverblatt, « Une poésie de l'invisible » ; Joseph Cuomo, « Conversation avec W. G. Sebald » ; Ruth Franklin, « Des ronds de fumée » ; Charles Simic, « La conspiration du silence (' Un secret de famille ') » ; Arthur Lubow, « Franchir des frontières « .

J'aurais voulu être égyptien

J'aurais voulu être égyptien
El Aswany Alaa
Ed. Actes Sud

« Si je n'étais pas né égyptien, j'aurais voulu être égyptien », la célèbre citation de Mustapha Kamel donne le ton de ce recueil : voici l'Egypte placée sous le feu d'un écrivain amoureux de son pays et qui, par le détour de la fiction, fait apparaître les turpitudes et les contradictions d'une société à la dérive.

Interdit de publication par l'Office du livre, pour cause d'insulte à l'Egypte, le premier de ces récits, « Celui qui s'est approché et qui a vu », donne précisément à voir un monde où règnent les faux-semblants et l'hypocrisie. Par une cinglante et implacable ironie, pour décrire des êtres prisonniers de l'obscurantisme et de l'arbitraire, l'auteur fait exister sous nos yeux des personnages singuliers qui évoquent l'univers d'un Dostoïevski à l'ombre des pyramides.

Tendres et cruels, ces récits foisonnent de figures magnifiques qui nous font pénétrer un monde où l'imaginaire laisse une empreinte vive dans ce que nous croyons être le réel.

De A à X

De A à X
Berger John
Ed. L'Olivier

Xavier est incarcéré dans la cellule n° 73 de la prison de Suse, où il purge une peine de détention à vie pour terrorisme. Aida est l'amante de Xavier. Elle est libre. Elle lui écrit. De A à X est l'ensemble de ces lettres, «miraculeusement» retrouvées par John Berger, et dont certaines n'ont jamais été envoyées.

Un roman par lettres, donc. Quel genre de roman ? L'amour y est présent à chaque phrase, mais on ne peut dire qu'il en soit le sujet. On pense à un manuel de résistance ou à un traité de guérilla urbaine. Ou à un recueil d'exercices spirituels.

Avec ce livre, John Berger donne la réplique à son époque. Il le fait à sa manière : précise et elliptique. Précise, parce qu'écrire est un travail qui s'apparente à la soudure, à la réparation d'objets cassés ou au fait de recoudre une plaie par balle. Elliptique, parce que comprenne qui voudra.

Dès lors, peu importe que cette histoire se déroule à Mexico, à Ramallah, à Kaboul ou ailleurs. Partout où des hommes, des femmes - et même des enfants - résistent à l'oppression, la voix fraternelle de John Berger les accompagne, comme une chanson de marche pour traverser la nuit.

La forme d'une poche

La forme d'une poche
Berger John
Ed. Fage


La poche en question est une petite poche de résistance.Une telle poche se forme lorsque deux personnes ou plus se réunissent parce qu'elles sont tombées d'accord. La résistance se fait contre l'inhumanité du nouvel ordre économique mondial. Qui sont ces gens qui se réunissent?Les lecteurs, moi l'auteur et ceux dont il est question dans ces essais - Rembrandt, les peintres rupestres des cavernes paléolitiques, un paysan roumain, les Égyptiens de l'antiquité, un expert dans la solitude de certaines chambres d'hôtel, des chiens à la tombée de la nuit, un homme dans un studio de radiodiffusion. Et ce qui est inattendu, c'est que nos échanges renforcent chacun d'entre nous dans sa conviction que ce qui se passe dans le monde d'aujourd'hui est mal et que ce qui en est dit le plus souvent est pur mensonge. Je n'ai jamais écrit un livre avec un tel sentiment d'urgence. John Berger

 

Paul Auster. Confidential - DVD

Paul Auster. Confidential - DVD
Guy Seligman & Gérard de Cortanze
Ed. Arte

Une entrevue unique avec l'un des écrivains les plus brillants de sa génération. Son oeuvre dense et énigmatiques, traversée par les thèmes de la solitude et de la quête du père, connaît depuis plus de vingt ans un immense succès dans le monde entier. ARTE a rencontré Paul Auster chez lui à New York. Il parle de son enfance, du baseball, raconte ses voyages, l'influence de la ville sur son oeuvre, la marche qui lui est nécessaire et relate les moments forts de sa vie.

La fin des bonnes manières

La fin des bonnes manières
Marciano Francesca
Ed. Belfond

Partiellement autobiographique, un roman aussi profond que violent sur la confrontation brutale de deux mondes. Le portrait d'une femme livrée à elle-même au coeur du chaos ; un témoignage plein de pudeur et d'émotion sur la situation des Afghanes.

Maria, trente-deux ans, est photographe à Milan. Alors qu'elle avait renoncé au reportage depuis des années, elle accepte, presque par défi, d'accompagner une journaliste anglaise en Afghanistan pour enquêter sur l'alarmante recrudescence des suicides des femmes.

C'est presque confiante qu'elle s'envole pour Kaboul : elle sort tout juste d'un hallucinant stage de survie qui l'a aguerrie, croit-elle, à toutes les situations.

Mais, sur place, Maria réalise que rien n'aurait pu la préparer au choc de ce pays en pleine dévastation : immeubles en ruine, rues désertes ; bars pour étrangers servant de repaires aux marchands d'armes, aux mercenaires et aux espions ; villages pachtounes où sévissent encore les lois tribales ; et, au milieu de cette débâcle, les femmes, aujourd'hui comme hier, victimes de la loi des hommes. La fin d'une civilisation ? La fin d'un monde. La fin des bonnes manières...

Le marin américain

Le marin américain
Lund Karsten
Ed. Gaïa

En l'an 1902, un trois-mâts fait naufrage au large de Skagen, à l'extrême nord du Danemark. Le seul survivant, un marin américain, aux cheveux et aux yeux noirs, est hébergé chez un jeune couple.

Le marin disparaît à l'aube, sans laisser de trace. Neuf mois plus tard naît un enfant qui ne ressemble pas aux autres. Tout au long de sa vie, Anthon sera surnommé Tonny, ou l'Américain, et devra supporter les rumeurs persistantes sur ses origines. Mais sa réussite en tant que patron-pêcheur de haute mer lui permettra de surmonter ce qui est un véritable handicap dans cette petite ville du nord, où chacun est blond et sait d'où il vient.

Un siècle plus tard, au cours duquel Skagen est passé d'un gros bourg de pêcheurs aux maisons basses à une ville riche de ses pêcheries industrielles et célèbre par les peintres qui s'y sont installés, un homme roule de nuit le long des dunes, dans le paysage lunaire, balayé par les sables. Il se sent investi d'un obscur devoir de réhabilitation et veut élucider le mystère qui plane sur les origines de son grand-père, ce secret qui pèse sur la famille depuis quatre générations.

Avec une douce ironie scandinave, Le marin américain raconte le destin d'hommes et de femmes ordinaires et remarquables, d'une époque révolue à la vie de nos jours, tout au nord du sauvage Jutland.

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